Autobiographie d'un thérianthrope

Sort de démence

J'avais donc ce petit rongeur en cage, cet ancien homme mauvais pour nous autres change-forme. Le garder ne m'était d'aucune utilité. Ce n'était qu'un rat, promis à une longévité humaine probable de 40 ou 60 ans s'il recevait des soins vétérinaires. Mais s'occuper de cet haïssable parasite qui m'avait fait tant de mal n'était pas dans mes projets. J'imaginais pour lui un terrible destin, le plus loin possible de mes souvenirs.

Le lendemain donc, sous ma forme humaine naturelle, j'allais voir une de mes relations chercheur dans un laboratoire de comportement animale dont je trouvais les expériences particulièrement discutables éthiquement. Mais ma captivité réclamait encore son dû de vengeance, et je ne tenais pas à ce que ce rat intelligent nuise davantage aux humains qu'il avait puis nuire à mes amis furry autant qu'à moi. Il lui fallait donc un lieu où il soit hors d'état de nuire. Un univers de cages électrifiées me paraissait indiqué. C'est donc là que je choisis de le laisser.

Toutefois, frissonnant encore à l'idée que l'animal puisse s'échapper, j'ajoutais un sort de mon cru pour prévenir toute nuisance de sa raison. Ainsi jetais-je le second sort ;
— Léo, infâme animal, pour tout le mal que tu as commis, je te condamne à devenir fou et que chaque souffrance que tu recevras pour châtiment de tes méfaits ajoute à ta déraison.

Oh, quel erreur ai-je commis là ! Était-ce une précaution de trop ? Jetant mon sort, je compris plus tard que j'avais commis une grave erreur. Dans un sort, tout doit être clair et précis. Or, rien dans celui que je jetais ne permettais de savoir clairement s'il s'adressait à lui où s'il s'adressait à moi puisque lui et moi avions le même prénom ! Maladresse affreuse, pour dissocier mon sort du sien, il eu fallut que nos noms soient distincts. Dans mon sort, j'avais oublié de préciser son nom d'homme, ou encore sa qualité, de sorte que je ne pu jamais reprendre mon sort et le distinguer du mien.