Vivre c'est s'adapter

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Une nuit, j'avais à peine quinze ans, alors que je déambulais, félin, aux abords d'une marre où j'étais allé me promener, un villageois, fraîchement arrivé de la ville, se prit de frayeur en me voyant. J'étais recouvert du pelage blanc des galipotes comme il était de coutume en mon pays. Mais surtout, un félin de près de soixante kilos à de quoi inquiéter en en nos contrées, car je n'avais pas encore appris à adapter ma taille. Cet homme, donc, me mit en joue avec son arc de chasse ! La frayeur changea d'hôte.

Je décidai de limiter les risques. Profitant de l'ombre, je pris visage et mains humaines. Je lui montrais que j'étais humain et et je pris parole pour bien l'en convaincre. Mais l'homme restait dans son état de paranoïa, la flèche de l'arc dirigée vers moi. Je pensais l'avoir rassuré, mais il me sembla que l'homme du fait de ma posture de départ s'imaginait que je pouvais en vouloir à sa voiture. La situation m'apparut grotesque et très périlleuse à la fois. Dans ce village rural de trois cents âmes où tout le monde connaît à peu près tout le monde, il n'y avait pas de délinquants. On y réglait ses comptes par la sorcellerie, pas en volant une voiture ! De toute façon, je ne savais pas conduire. Et par ailleurs, j'étais au bord de l'eau, à plus de vingt mètres de sa maison et de sa voiture vilainement customisée jusqu'au ridicule. Et le contexte montrait avec évidence que je ne manifestais absolument aucun intérêt pour les biens de cet individu et que je n'en voulais pas à sa sécurité. Néanmoins, le danger n'en étais pas moins réel. Je dus toutefois développer un certain art de la réthorique et être convaincant puisqu'il me laissa finalement partir. Mais ce dément armé me menaça. Ce furent des mots de trop. Nul ne menace une galipote impunément !

Pendant que je m'en allais, reprenant lentement ma forme féline, dans mon esprit de fauve, une puissante volonté s'émit hérissant tout les poils mon échine :
— Pars de ce pays, homme sauvage. Tu es sur mon territoire. Il n'y a pas de place pour toi en ce lieu. Disparaît, et ne reviens jamais !
Et c'est alors que mon pelage s'assombrit progressivement pour me fondre dans la nuit.
Moins de six mois plus tard, cet homme vendit sa maison et partit avec sa famille pour un ailleurs que je ne connais pas.

C'est ainsi que j'appris que la couleur du pelage des galipotes n'était pas une nécessité, mais pouvait se modifier. En l'occurrence faire varier la couleur s'avérerait utile pour des besoins de camouflage. Une de mes croyances sur les galipotes venait de tomber. Nous ne sommes pas toujours ce que l'on raconte sur nous. Il nous appartient toujours par nous-même de découvrir notre potentiel.

Mais cette nuit là, nul doute que ma forme féline avait semé le doute. De ce jour, je ne prends plus de pelage blanc. J'ai appris comment changer de pelage et dès lors, je n'ai plus porté qu'un pelage noir ou tacheté sombre. Mais je me suis acharné à apprendre aussi à réduire ma taille jusqu'à celle d'un chat. Ainsi, ma nature thérianthrope peut-elle passer inaperçue aujourd'hui en toutes circonstances sauf  pendant les métamorphoses ou sous ma forme mixte que je ne m'autorise qu'à l'abris des humains. Car, en vérité, plus souvent que nous, les hommes sont âpres avec les animaux, et plus encore avec ce qui leur est étranger. Gris et noir, ou totalement noir est donc mon peluche fétiche. Et tant pis pour ceux qui voient dans le noir une couleur maléfique, puisque ce n'est pas parce qu'on est blanc qu'on est regardé comme bienveillant pour autant ! Notre couleur n'est rien d'autre qu'une adaptation. Pour les humains aussi d'ailleurs, à ce qu'il me semble, mais pour d'autre raisons !

Autobiographie d'un thérianthropeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant