Autobiographie d'un thérianthrope

Quand la puissance s'élève

Un peu plus de deux mois après le départ de mon chat, un de ses frères vint à naitre. Quand il fut en âge, il me fut proposé et je lui donnais asile en ma maison.

Celui-ci avait l'âme d'un chasseur. Son loisir était d'attraper rongeurs, petits mammifères et oiseaux. Mais alors qu'il avait un an, il attrapa mes deux plus beaux oiseaux dans leur petite volière. Les plumes dans ses moustaches ne laissaient aucune place au doute quant à son implication dans leur disparition. Un sourd courroux monta en moi. Je ne frappais pas le chat. Mais sous le coup de la colère, je pris mon mâle félin et le mis en dehors de la maison. et j'eus le malheur de proférer une sentence définitive emplie de la plus grande rage plus puissance en expression qu'en ses mots :
— Mon chat empereur, tu as tué mes oiseaux ! Va-t-en ! je ne veux plus jamais te revoir !
Le chat me fixa le regard sombre. Ses yeux lumineux dans la nuit eurent l'air de me dire : «très bien, j'ai compris. Tu ne veux pas partager ton territoire de chasse.» Puis il se détourna, partit dans la nuit, et je ne le revis plus jamais.

Le lendemain et les jours d'après, je restais inconsolable. Je regrettais mes propos excessifs. J'appelais le chat des heures durant, mais le chat ne revint pas.
À la troisième semaine, l'âme féline propagea en moi l'onde de son jugement :
— Moitié d'homme, tu l'apprends à tes dépens. On ne possède jamais un félin. On en assure seulement la protection et les besoins où l'on fait alliance avec lui. Certes, cette fois, tu as appris à contenir presque tout ton corps, mais pas encore ta langue et la puissance de ta volonté ! Soit ! Tu as acquis ma puissance de faire exaucer tes voeux. Sache que cela se fait même sans mots. Cette puissance te vient de moi. Te voilà pour les humains ce qu'ils appellent un jeteur de sort ! Mais, prends garde ! Ce don pourrait te mener à ta perte ! Car il faut en payer le prix. Tu as chassé ton compagnon de ton territoire. T'y voilà seul et tu le regrette ! Et ce que tu me montres, c'est que tu n'as pas accepté ni ses besoins, ni ses instincts et que tu n'as pas mesuré la puissance de l'injonction que tu lui as donné ! Comment pourrais-je alors te concéder de pouvoir prendre forme animale, moitié d'homme ? Il te reste encore à apprendre. Je t'accorde une dernière chance d'apprendre.

Cependant, je n'étais en vérité guère avancé. Comment apprendre à bien maîtriser la puissance qui m'était révélée et l'utiliser sans danger ? Qui pouvait m'enseigner comment procéder ? Qui allait me dire l'étendue des pouvoirs dont je disposais ? Je n'en avais pas la moindre idée ! L'âme féline resta silencieuse la dessus. Aucune réponse à mes questions ne me fut donnée. Toutefois, j'avais reçu la promesse d'une dernière chance. Alors, j'appris la patience d'attendre.

Rien ne vient au félin sans savoir faire le guet.