Passer à autre chose

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Le centre-ville de Londres était grouillant de gens faisant des achats de dernière minute pour Noël. Parmi la foule, une petite famille se frayait un chemin avec hâte, ne s'arrêtant pas une seule fois pour jeter un coup d'œil à une vitrine ou une autre. Deux grands-parents dont les cheveux tirant sur le blanc ne parvienaient pas à cacher leur rousseur, une fillette blonde pendue à la main de sa grand-mère, et une deuxième enfant dans les bras de son grand-père.

— Alors, les filles ? demanda Molly sans s'arrêter de marcher à grands pas. Vous êtes contentes d'avoir un petit frère ?
— Très contente, grand-maman, répondit Victoire d'une voix posée. Heureusement que c'est un garçon, il y a trop de filles chez nous.


Elle jeta un regard en biais à sa sœur, qui cacha son visage dans le cou de son grand-père.

— Vicky, ne dis pas ça, c'est méchant, la reprit gentiment Arthur.

Gentiment, parce qu'il n'y avait jamais personne qui était dur avec Victoire.

Dominique garda le visage baissé – de toute façon, il faisait chaud ici, tout près de grand-papa Arthur – mais elle ne pleura pas. Elle avait appris bien tôt que pleurer, quand sa sœur se moquait d'elle ou lui faisait du mal, ne pouvait qu'empirer la situation. Elle avait aussi appris que les adultes ne la croyaient pas, quand elle disait que Victoire était méchante avec elle, parce que sa sœur était un ange avec le reste du monde. Dominique était l'exception.

Plus tard, quand sa cousine Rose commencerait ses études de psychologie, elle lui dirait que Victoire avait été jalouse. Elle avait été enfant unique pendant presque cinq ans, ses parents avaient commencé à croire qu'elle le serait toute sa vie, et elle avait passé ces années adulée, adorée, traitée comme une princesse. Puis était arrivé un deuxième enfant et, pour ajouter l'insulte à l'injure, il s'était encore agi d'une fille. Une autre petite princesse. Là où tout le monde ne voyait qu'un nouveau bébé à aimer, Victoire avait vu quelque chose qui allait lui prendre sa place. Et elle avait tout de suite commencé à haïr cette chose.

Mais pour le moment, du haut de ses presque-trois ans, Dominique ne comprenait rien de tout ça. Tout ce qu'elle savait, c'était que sa grande sœur la détestait. Et égoïstement, elle espérait qu'avec la naissance de leur petit frère, ce serait lui que Victoire commencerait à tourmenter, et qu'elle laisserait Dominique tranquille.

Quand Arthur obligea sa petite fille à se relever le visage, ils se trouvaient à l'intérieur d'un grand hall presque vide. Il posa Dominique par terre, où Molly se mit à l'aider à se débarrasser de ses mitaines, son chapeau, son foulard, et se dirigea vers le comptoir d'accueil. Après un court échange, le jeune homme qui s'y trouvait lui donna un numéro de chambre avec un sourire de félicitations, et Arthur fit signe à sa famille.

— Ils sont au troisième, dit-il en montant dans l'ascenseur.

Dans le couloir interminable de la maternité, Victoire gambadait joyeusement à l'avant et Dominique trottinait à toute vitesse derrière ses grands-parents – Arthur n'avait pas pensé à la reprendre dans ses bras. Elle était presque à bout de souffle quand ils s'arrêtèrent devant la porte que leur indiquait grand-papa. Victoire se calma instantanément et ils entrèrent dans un silence presque révérencieux.

Sur le lit blanc, Fleur tenait un petit paquet dont on voyait juste une touffe de duvet roux. Elle leva la tête à l'arrivée de sa famille et leur adressa un sourire radieux. Dominique se précipita vers son père, qui la tira sur ses genoux, alors que Victoire se collait à sa mère de l'autre côté du lit.

— Je vous présente Louis, dit doucement Fleur, baissant la couverture qui enveloppait le bébé pour qu'on puisse voir ses deux grands yeux bleus.
— Alors les filles, dit Bill. Qu'est-ce que vous pensez de votre petit frère ?

Dominique leva les yeux, non vers Louis mais vers Victoire. C'était sa réponse qui l'intéressait, plus que le nouveau bébé.

— Il est adorable, répondit la jeune fille avec un sourire attendri.

Dominique soupira et se laissa reposer contre la poitrine de son père. Ce n'était pas aujourd'hui que sa sœur passerait à autre chose.

— Beaucoup plus que Dominique quand elle est née.

Miss Weasley-DelacourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant