Miss Weasley-Delacour

La mer

  Assise sur le sable chaud de ce début juillet, Dominique bâtissait avec soin un grand château de sable. Elle était si concentrée sur son œuvre qu'elle ne remarqua Victoire que quand cette dernière s'arrêta à quelques pas d'elle, bloquant le soleil.

— Je parie que t'es pas capable de nager jusqu'aux bouées.

Dominique sentit son cœur plonger dans son estomac. Les mots qu'elle détestait le plus : « je parie que... ». Elle avait eu la paix toute l'année, la première de Victoire à Poudlard, mais depuis le début de l'été, celle-ci rattrapait le temps perdu. Dominique pouvait compter sur les doigts d'une main les paris de ce genre qu'elle avait gagnés depuis sa naissance, et quand elle perdait, elle se faisait punir, soit par ses parents, soit par Victoire, soit par les deux. Et à sept ans, bien sûr, Dominique n'avait pas encore pensé à refuser de participer aux jeux de sa sœur.

Elle se leva alors et se dirigea à petits pas vers le bord de l'eau, où de minuscules vagues venaient choir sur la plage. Elle voyait au large les bouées qu'avait installées son père quand Victoire avait commencé à nager – reliées par un enchantement qui empêchait les enfants de moins de dix-sept ans d'aller plus loin – et elles lui semblaient encore plus éloignées que d'habitude. Elle se retourna vers sa grande sœur.

— Tu viens avec moi, Vic ?
— Bien sûr que non ! Il faut que quelqu'un reste avec Louis, sinon papa et maman vont être fâchés.

Dominique se retourna et commença à avancer, doucement, dans l'eau tiède. C'était la première fois qu'elle allait seule dans la mer ; d'habitude il y avait toujours un de ses parents qui l'accompagnaient, parce qu'elle ne savait pas encore très bien nager.

Quand elle eut de l'eau jusqu'à la taille, elle se mit sur le ventre et commença à battre des pieds et des jambes, comme lui avait montré son père. Comme un petit chien, lui disait-il.

Mais à peine quelques minutes plus tard, elle était déjà épuisée. Il fallait dire que c'était beaucoup plus fatiguant de nager quand on n'avait pas la main d'un adulte sous le ventre pour nous aider à flotter. Dominique voulut poser les pieds au fond de l'eau et se tourner pour voir si Victoire la regardait, sauf qu'elle n'avait pas pied et sa tête disparut sous l'eau. Trop surprise sur le coup pour paniquer, elle se sentit couler, l'eau salée entrant dans ses narines et lui piquant les yeux. Ce ne fut que quand elle réalisa qu'elle n'avait pas pris d'inspiration avant de plonger et que sa poitrine commençait déjà à brûler qu'elle eut peur. Elle battit des bras un moment, puis son pied droit toucha le sable et elle se donna une forte poussée.

Quand sa tête émergea de l'eau, toujours face au large, elle n'entendit qu'un rire amusé derrière elle. Elle prit une grande inspiration, à moitié d'air à moitié d'eau, et replongea.

La deuxième fois qu'elle réapparut à l'air libre, un cri :

— Dominique ! Qu'est-ce que tu fais ?

Elle fut à nouveau submergée, mais quelques secondes à peine plus tard deux mains l'attrapaient et la propulsaient vers la surface, la tiraient vers la plage.

Bill et Fleur couraient vers elle dans l'eau, l'enveloppant d'une grande serviette et lui tapant dans le dos pendant qu'elle toussait toute l'eau qu'elle avait avalée.

— Veux-tu bien me dire à quoi tu pensais, Dominique ? la rabrouait son père tout en lui frottant le dos pour la sécher. Vous savez bien qu'il ne faut pas aller dans l'eau s'il n'y a pas d'adulte !
— Une chance que Victoire était là, ajouta sa mère, posant une main sur les cheveux blonds mouillés de son aînée.

Dans les bras de Bill, Dominique baissa le regard vers Victoire. Celle-ci la regardait avec un sourire attentionné et un air angélique sur le visage. Dominique était toujours la seule à voir l'étincelle de cruauté dans les yeux de sa sœur.