Miss Weasley-Delacour

Tonnerre

  La pluie tombait dru depuis trois jours d'affilée et les coups de tonnerre faisaient trembler les murs du château. Dans la Grande Salle, les chandelles restaient allumées en permanence, car même à midi le plafond gris foncé et sombre donnait l'impression d'être en pleine nuit.

En ce samedi après-midi, les sept Gryffondor de sixième année étaient installés au sol du dortoir des garçons, quelques bouteilles de bièraubeurre ouvertes autour d'eux et une autre, vide, au centre du cercle qu'ils formaient.

— Vraiment, les gars ? demanda Rachel, un sourcil haussé. On a quoi aujourd'hui, douze ans ?
— Oh allez, on sait tous que tu rêves de m'embrasser, répondit Adam avec un clin d'oeil lubrique. Ça sera peut-être ta chance.

Rachel leva les yeux au ciel, mais en riant.

— Bon, c'est pas comme si on avait mieux à faire.
— Non, juste le devoir de métamorphose, souleva Dominique.
— C'est ce que je disais, rien de mieux...

Sous les rires et les encouragements de ses amis, Rachel fut donc la première à poser la main sur la bouteille et lui donner une impulsion pour qu'elle tourne sur elle-même. Et elle tourna, tourna, pour s'arrêter, le goulot face à...

— C'est trop facile, tomber sur son propre copain, ça devrait pas compter ! protesta Adam.
— Jaloux ? dit Rachel d'un ton moqueur en se penchant pour embrasser Ezra, assis à sa gauche.
— Terriblement !

Ce fut au tour d'Ezra, qui tomba sur Eve. Toujours sous les rires et les applaudissements de leurs amis, les adolescents s'échangèrent un court et chaste baiser.

— Alors, ça te donne envie ? demanda Ezra en reprenant sa place.
— Hum, tentant, mais non, Rache peut te garder, répliqua Eve. Je crois que je vais rester aux filles.
— Zut, je dois avoir perdu mon charme.
— Tant mieux, dit Rachel d'un ton faussement agressif en passant un bras autour de la taille de son copain.

Sans plus attendre, Eve posa la main sur la bouteille et lui donna une impulsion. Quelques secondes plus tard, Dominique se sentit rougir quand le goulot s'arrêta face à elle. Parce que depuis quelques mois, elle remarquait chaque fois que son amie lui jouait dans les cheveux, en cours ou dans la salle commune. Quand Eve lui souriait, rien qu'à elle, son estomac faisait un petit sursaut et elle ne pouvait s'empêcher d'y répondre. Elle était célibataire, pourtant, son dernier copain l'ayant larguée au début de l'été, mais... mais.

En s'avançant à quatre pattes vers le centre du cercle où son amie l'attendait, Dominique constata qu'Eve était aussi rouge qu'elle-même devait l'être. Sans plus attendre ni réfléchir, Dominique franchit les derniers centimètres et les lèvres des deux jeunes femmes entrèrent en contact.

Au même moment, un coup de tonnerre fit trembler les vitres et sursauter les Gryffondor, et Dominique se dit que c'était étrangement approprié. Ses premiers baisers avec ses copains avaient été comme des éclairs, fulgurants, lui faisant voir des étoiles. Mais ici, avec Eve, c'était long, langoureux, quelque chose qui devait se savourer.

— C'est bon, les filles, y'a des hôtels pour ça ! appela Lewis.

Avec un sursaut, Dominique et Eve s'écartèrent et reprirent leurs places dans le cercle. Alors que Dominique se préparait à faire tourner la bouteille à son tour, elle leva les yeux. Eve souriait.

Un sourire rien que pour elle.