Sur nos lèvres

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  Cette année-là, pour leur énième tentative de faire revivre le Tournoi des Trois Sorciers, les directeurs de Beauxbâtons – où il se déroulait cette fois-ci – avaient invité les Whirling Dervishes pour le bal de Noël. Dominique avait été ravie, la veille au soir de remettre les pieds en France, où elle n'avait pas été depuis plusieurs années, et n'en pouvait plus d'attendre le mois complet de vacances qui s'étaleraient après ce concert – ses premières depuis... trop longtemps !

Mais avant, il fallait jouer toute la soirée.

Dominique grimpa sur la scène et se plaça à son endroit habituel, à gauche et un peu en retrait, là où son violoncelle d'un gris métallique l'attendait déjà. En tirant quelques cordes, s'assurant que l'instrument était toujours bien accordé, elle leva les yeux et croisa le regard de sa nièce, Elsa, la fille aînée de Louis. Dominique lui fit un clin d'œil en souriant, et s'amusa quand la jeune fille rousse se tourna vers ses amis, presque en sautillant, et leur dit « C'est ma tante ! » en indiquant Dominique du doigt.

Soudain, Dominique se revit à l'âge d'Elsa. Elle avait quinze ans, la quatrième année venait de se terminer, et ses camarades de Gryffondor et elle s'étaient tous rendus au concert des Bizarr' Sisters, à Londres. Ç'avait été le tout premier concert de Dominique, et elle s'en souvenait encore comme un des moments les plus heureux de son adolescence. Entre amis, ils avaient sauté, dansé, chanté à tue-tête pendant des heures, à en avoir la voix rauque pendant la semaine qui avait suivi.

Aujourd'hui, c'était l'aspect qui lui plaisait le plus dans ce qu'elle faisait : deviner sur les visages qui lui faisaient face la joie qu'elle avait ressentie à cette époque, voir leurs lèvres former les paroles de leurs chansons, des paroles qu'elle avait écrites elle-même, des fois. Tous ces sentiments la faisaient grimper sur un nuage, duquel même les grimaces de Victoire chaque fois qu'elle entendait le dernier tube des Dervishes à la radio ne pouvait la faire dégringoler.

Sentant une présence à son épaule, Dominique sortit de sa rêverie et se tourna. Constatant qu'il n'y avait personne, elle fronça les sourcils et interrogea Britt, la batteuse, du regard, mais celle-ci haussa les épaules.

— Ça va, t'es prête ?

Dominique sursauta en laissant échapper un petit cri.

— Putain, Trent, je déteste quand tu fais ça !

Le petit rire du chanteur invisible la fit enrager. Elle l'aurait bien frappé avec son archet, si elle avait été certaine de l'endroit où il se trouvait.

— Et pourtant chaque fois t'es surprise, c'est génial !

Dominique sentit Trent lui donner une petite bourrade à l'épaule, mais ne put rien faire de plus qu'envoyer une œillade noire à l'endroit approximatif d'où venait celle-ci.

— On commence par Lacrymosa, hein !
— Trent, tu m'embêtes. Ça fait six mois qu'on a la même setlist. Va retrouver ton micro et laisse-moi tranquille.
— Oui chef ! Tâche de ne pas t'emmêler dans tes cordes.
— Et toi, essaie de ne pas chanter faux, pour faire changement.

Les pas de Trent s'éloignèrent, et Dominique sourit. C'était la leur rituel pré-concert. Mine de rien, ça la calmait, d'agir comme une enfant.

Tout d'un coup, des hurlements retentirent dans toute la salle. Dominique jeta un coup d'œil à sa droite et, comme à l'habitude, constata que Trent avait retiré sa cape d'invisibilité d'un geste théâtral et se tenait derrière le micro, offrant à l'assemblée de jeunes groupies un sourire ravageur. Dominique se mordit la lèvre.

— Bonsoir Beauxbâtons ! hurla Trent dans le micro. Vous êtes prêts à vous amuser ?

Le hurlement qui répondit était assourdissant. Dominique n'eut besoin d'aucun autre encouragement pour entamer les premières notes.

Ce fut leur meilleur concert de l'année.  

Miss Weasley-DelacourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant