Chapitre 2

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« Madame... Madame, s'il vous plaît il est l'heure. Madame... »

La servante secoua légèrement l'épaule de la masse endormie tandis qu'une autre ouvrait en grand les rideaux de la chambre, laissant passer un éclatant soleil. La cible des ménagères remua doucement sous ses épaisses couvertures et grommela qu'il n'était pas encore l'heure. Celle qui l'avait secoué éclata d'un rire joyeux, et faisant trembloter son énorme poitrine, elle débarrassa la dame de ses couvertures, découvrant une frêle silhouette qui se recroquevilla pour couvrir du mieux qu'elle pouvait ses jambes de sa chemise de nuit. Mais il faisait froid dans la pièce et la maigre pièce de tissu ne protégeait guère. Ainsi grelottante, la jeune femme ne put que s'étirer puis se frictionner pendant que les servantes s'affairaient autour d'elle. Une robe fut prestement sortie, accompagnée d'une chemise blanche, d'un corsage baleiné et de paniers pour sa taille. Deux délicates escarpins noirs furent déposés également au pied du lit. Avec un léger toussotement insistant, la gouvernante qui avait pris la parole poussa la jeune femme à se lever et commença à la dévêtir. Elle lui passa ensuite la chemise par-dessus la tête puis le corsage et fit signe à sa compagne de l'aider. Elles lacèrent avec rapidité les deux baleines ainsi que les paniers sans se soucier des gémissements de la jeune femme qui souffrait le martyr et se sentait terriblement oppressé.

Elle ne protesta cependant pas lorsqu'on passa la robe par-dessus l'ensemble et qu'on poudrait délicatement son décolleté. Enfilant ses escarpins, la jeune femme fut amenée à une coiffeuse et assise de force. Un jeune homme entra, portant une lourde cassette de bijoux, et les femmes choisirent rapidement un collier de perles et d'émeraudes, un délicat anneau d'or ainsi qu'une broche argentée et décorée d'un rubis rouge sang. Leur choix fait, elles s'acharnèrent à la maquiller, poudrer son visage et appliquer du carmin sur ses lèvres malgré ses grimaces. Lorsqu'elles en eurent enfin fini avec elle, la jeune femme ne réussit guère à se reconnaître. Sa délicate peau d'albâtre était rehaussée de rose sur ses joues et une légère couche de poudre dissimulait habilement ses rares taches de rousseur. Ses iris bleues brillaient au fond de ses yeux délicatement maquillés de teintes mauves et noirs. Elle se trouvait d'une beauté époustouflante, femme. Et pourtant, alors qu'on rehaussait ses longs cheveux d'or à une hauteur dépassant l'imagination à l'aide de laques et vernis, elle n'arrivait guère à se reconnaître. Ce n'est que lorsqu'elle prit conscience de la rareté de l'acte d'habillement qu'elle prit conscience soudainement de l'acte en lui-même. C'était la première fois qu'on lui imposait tels atouts de séduction. Ainsi donc le grand jour était-il arrivé.

La jeune femme porta sa dextre à sa main gauche et y regarda la délicate chevalière féminine qui y brillait. Le blason de la noble famille des Grey-Codnor éclatait d'un bel aura azuré et pourpre, réchauffant le cœur de sa propriétaire. Elle était Amelia de Grey, digne héritière de sa famille et chargée d'une mission d'importance pour les siens. Redoré l'image ternie par des années de conflits internes au clan aux yeux de la royauté et réussir d'une manière ou d'une autre à remplir les coffres d'or. C'était un travail ambitieux pour une femme d'à peine dix-sept ans et n'ayant aucune expérience politique. Son père, bien entendu, l'avait préparée au mieux et elle connaissait l'étiquette, le français, l'anglais et avait également de solides bases en allemand. Amelia était une de ces jeunes filles venues de leur campagne et qui découvraient la folle vie luxueuse de Londres et de sa cour. A laquelle devait être présentée dans la semaine. Ainsi chaque jour, ses deux servantes l'accoutraient pour la préparer à ce moment, n'hésitant pas à accentuer la chose. Pourtant Amelia honnissait les vêtements qu'on lui imposait, le maquillage sordide qui camouflait son charme alors qu'elle ne brillait pas par sa beauté, malgré ses traits fins son nez était brusqué et ses lèvres fines n'attiraient en rien le regard.

Une Odeur de PoudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant