Chapitre 9

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La voix était chaude, calme et était agrémenté d'un accent presque indiscernable et pourtant présent. Mais surtout Jean Baptiste cette voix. Malgré la lame qui piquait de sa pointe son dos, il esquissa un sourire en coin tandis qu'il voyait le visage de James s'assombrir. Il se retourna doucement, le regard froid malgré son sourire de connivence et fit face à Roger de La Croix de Ravignan, capitaine de l'armée royale du Canada et de la Nouvelle France, gascon de Bayonne. Grand homme, il arborait une moustache à la française, des cheveux longs et bouclés ainsi que l'habit bleu, parements rouges garnis d'éléments blancs du régiment des Gardes françaises. Au détail près, que son uniforme était sale de terre ainsi que de sang et qu'il avait en place du symbole de la garde, une cocarde aux couleurs de sa maison. Aussi on devinait que le capitaine n'était plus de la Garde, ou plutôt qu'il était en congé sans limite pour des raisons inconnues. Toujours était-il qu'il avait une animosité naturelle envers la garde écossaise, et les écossais dont James de manière générale et qu'il nourrissait une certaine forme de jalousie vis-à-vis de Jean Baptiste. Aussi l'alsacien ne savait guère si la présence de l'homme était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

« Capitaine de La Lande ; quelle agréable surprise...

La surprise est pour moi De La Croix de Ravignan, répondit Jean Baptiste sur le ton de la conversation en omettant le titre de l'homme qui tiqua.

Pourquoi donc ?

Votre présence, si loin de nos lignes, m'est... surprenante. Quant à la mienne, elle est tout à fait normale si vous avez ouï dire de mes chevauchées.

Et de vos succès, coupa l'homme avec un sourire presque forcé. Ce qui n'augurait rien de bon.

Ah...

Cependant, nous pensions que vous opériez plus au sud-Ouest de cette position.

Les anglais ne savent pas donc guère où nous nous trouvons... ni les français par la même occasion. Cependant, vous avez raison capitaine. Nous opérions non loin du fort d'Utica. Les anglais semblaient renforcer leur position et nous les avons empêchés du mieux que nous pouvions jusqu'à la découverte de certains éléments.

Dont vous me parlez une fois retournés à notre camp... »

L'homme baissa son arme et siffla entre ses dents, faisant sortir de leur couvert une dizaine de soldats lourdement équipés. Jean Baptiste hocha la tête avec un sourire appréciateur. Si l'homme n'était pas le plus aimable des gentilshommes, il n'en restait pas moins un commandant compétent et respecté. L'alsacien ne savait guère la raison de son exil aux Amériques mais l'on murmurait que si l'enseigne – son grade au sein des Gardes – ne déméritait pas, il restait rétif à l'autorité et surtout trop proche d'une certaine Marie-Amélie d'Habsbourg-Lorraine, jeune pupille à la cour du Roi. Et le scandale eut été fracassant s'il n'avait été découvert par le colonel de la Garde. Jean Baptiste ne pouvait que supposer que l'homme avait couvert un élément de talent et lui avait donné congé, glissant un billet lui ordonnant de se faire oublier un temps aux Amériques et peut être s'y couvrir de gloire.

Cependant, malgré le soi-disant déshonneur de l'homme, Jean Baptiste n'était guère en position de refuser l'invitation de l'homme. Aussi haussa il les épaules et suivit les pas de La Croix de Ravignan. Ses troupes s'étaient placées de part et d'autre des éclaireurs qui l'accompagnaient lui et James et semblaient plus les escorter que les mener tels des prisonniers. L'alsacien quant à lui ne pouvait s'empêcher de réfléchir à la raison de la présence de l'homme en ces lieux. Pourquoi donc une compagnie française se trouvait elle si loin des lignes ? Celles-ci pouvaient s'être effondrées permettant une forte avancée des troupes canadiennes mais était-ce possible ? Au départ de la compagnie du capitaine la situation semblait être bloquée dans une guerre de position et à part des violentes escarmouches, les batailles rangées étaient rares et laissées rarement place à un véritable vainqueur.

Une Odeur de PoudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant