Aussi étrange que cela puisse paraître, Werner et Colette devinrent amis. Non plus bourreau et victime mais véritables amis aux mains liés par l'envie de vivre.
La jeune fille passait la plupart de son temps dans petite pièce faisant auparavant office d'annexe ou de bureau. Werner l'avait aidé à y installer un lit pliant et avait déposé de nombreuses bougies afin de contrer la faible luminosité de son appartement. Elle s'y sentait bien. Cette pièce était un cocon, un petit lieu de repos où passé la porte le temps s'incline face au silence. Bien souvent elle lisait les livres français que Werner lui apportait, ces romans lui permettait de voyager, de faire vivre à son esprit de multiples périples dans les coins les plus reculés de la Terre, d'enflamer ses rêves et d'oublier pour un instant, aussi infime soit-il, qu'elle restait malgré tout une simple prisonnière dans un monde dont-elle ne comprenait plus le fonctionnement. Parfois aussi Werner entreprit de lui apprendre quelques notions d'allemand, mais les bases de la jeune fille s'arrêtait au simple "Arbeit macht frei", qu'elle avait - sûrement à regret - su traduire. Alors Werner, découragé par l'ampleur de la tâche, se fit moins tatillons dans l'apprentissage de la jeune fille et se contentait de lui glisser quelque mots ou bribes de phrases par ci - par là, anodinement, inconsciemment, en espérant que son élève se reveilla un jour avec la parfaite maîtrise de la langue de Gœthe.
- Werner ? Appela un jour Colette depuis sa chambre.
- Hmm, fit l'intéressé plus préoccupé par son journal quotidien.
- Wie ah euh alt du.. non, bist du ! Wie alt bist du, Werner ?
- Eh bien, je constate du progrès mademoiselle, mais savez-vous que lorsque nous serons de retour en Allemagne, notre cher pays, vous n'aurez d'autre choix que de parfaitement bien maîtriser la langue dont aujourd'hui vous arrivez avec peine à en dire trois mots ?
- Comment ? Nous allons aller en Allemagne ? Mais quand ?
- Bientôt Colette, bientôt nous retournerons en Allemagne... Répondit le soldat, songeur.
- Oh et puis vous ne répondez pas à ma question ! Je vais finir par croire que vous ne parlez plus un mot d'allemand si vous ne me répondez pas !
- J'ai 26 ans, cela vous va ?
- Non. Vous l'avez dit en français.
- Heureusement, sinon vous seriez encore en train d'essayer de me traduire d'ici la semaine prochaine !Fier de ce qui semblait être une boutade de sa part, Werner se leva de son fauteuil pour prendre place aux côté de Colette qui regardait d'un air boudeur le paysage gris à travers un sombre rideaux.
- Que regardez-vous ? Le rideau occulte tout... Demanda le soldat.
- Rien... Werner, c'est comment l'Allemagne ? Fit-elle d'un ton enfantin.
- L'allemagne, ma chère, et plus particulièrement Berlin, c'est très beau.
- Ah oui ? Répondit Colette amusée.
- Mais pas aussi beau que vous, je l'admet.Troublés tout deux, leurs yeux se croisèrent. Laissant imaginer pour un, un infini possible et pour l'autre, une issue envisageable.
- Vous osez me comparer à une ville ? Je trouve cela peu flatteur. Je ne suis faite ni de briques, ni de terre, ni de monuments, ni de pavés ou autre, moi !
- Colette, vous êtes une enfant gâtée qui n'est pas même satisfaite des compliments que je lui fais ! La rabroua t-il cachant son sourire.
- Et vous, vous êtes méchant monsieur, très méchant.
- Oh ? Vraiment ? Mais je suis sûre que c'est pour ma méchanceté que vous m'appréciez.
- Eh bien non. Ich liebe dich nicht !
- Nette amélioration. Mais il faudra revoir votre sens de la diplomatie avant de m'adresser la parole de nouveau. Au revoir, madame. Fit t-il sérieusement avant de se retourner d'un grand geste théâtral.
- Si c'est comme ça, je retourne moi aussi lire, lire de bons livres français ! Dit-elle, singlante.Quelques minutes plus tard, on entendit des rires étouffés dans les deux camps. Leurs petites guerres verbales ne duraient jamais bien longtemps, elles...
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Bonjour / Bonsoir ! Voici un nouveau chapitre, beaucoup de dialogues cette fois ;)
Encore une fois merci pour tout vos votes et commentaires qui me motivent à écrire la suite de cette histoire !
À très bientôt ✋
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Le prix de la Liberté
Historical FictionComment connaître le bonheur lorsque notre esprit ne vit qu'au son du travail et de la peur ? Comment rêver dans un monde dénué de sens, où le sourire n'est plus, alors que la violence à pris le dessus ? Comment Colette, fragile symbôle de l'innocen...