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L'éclat du soleil filtre à travers les volets, mettant en lumière les grains de poussière en lévitation dans la pièce. Depuis quelques secondes mes yeux sont figés sur ces particules, hypnotisés par le phénomène. Je ne sais même plus comment je me suis endormie. Lorenzo aussi a dû sombrer dans le sommeil sans se sentir partir, car comme moi, il se trouve toujours dans le canapé, sauf que lui est encore assis, la tête penchée sur le côté. Cette vision me fait sourire.

Essayant de ne pas le réveiller, je me lève avec précaution. Après avoir passé ma cape, j'attrape mes chaussures et sors sans bruit. Sur le palier, j'enfile mes talons puis descends les escaliers sur la pointe des pieds.

Quand enfin la rue froide et silencieuse m'accueille, une sensation de soulagement m'envahit. N'ayant pas envie de marcher jusqu'à l'appartement, l'idée de prendre le bus pour rentrer me séduit. Tandis que je me rends jusqu'à un arrêt, le sentiment de mélancolie qui ne manque jamais de m'assaillir le dernier jour de la semaine vient se manifester.

Les dimanches m'ont toujours déprimée.

Peut-être parce que plus jeune, cela signifiait la fin du week-end avec mes amis et le retour en cours le lundi.

Peut-être parce qu'aujourd'hui, les magasins étant fermés, il m'est impossible de fuir ce sentiment de solitude qui à tout moment se permet de me happer et me plonge dans le désespoir. Ces jours-là, il me faut juste une échappatoire. Me plonger dans la foule, le bruit, au milieu d'inconnus, dans l'ignorance la plus totale. Car j'ai besoin de tuer le silence en silence. Sans conversation. Sans amis. Et de croire à l'illusion que tout va bien.

La vitrine particulièrement alléchante d'une boulangerie m'arrache brièvement à mes ruminations, je décide donc de rapporter le petit-déjeuner à mes amis. Les croissants achetés, je poursuis mon chemin, mon écharpe remontée sur le nez pour me protéger du froid.

Alors qu'une voiture ralentit près de moi, j'accélère le pas, pensant être importunée par un gros lourd, jusqu'à ce que la voix de Léo me parvienne :

— Je te ramène ? me propose-t-il depuis le siège conducteur.

— Avec plaisir. Merci.

Il se penche pour m'ouvrir la portière et je me glisse aussitôt sur le siège passager.

— Ça va ? demande-t-il.

— Oui, juste un peu fatiguée.Et toi ?

— Ça va.

Après un court silence, il ajoute :

— Pourriez-vous m'indiquer la destination, Mademoiselle ?

Je ne peux m'empêcher de sourire ; il ne m'en veut même pas pour hier soir. Nous traversons le centre-ville dans un mutisme que seules les indications concernant le trajet viennent interrompre.

— Moi aussi, j'ai connu une déception amoureuse, tu sais, reprend Léo. Une vraie déception. Du genre, ta femme te trompe avec un connard et tombe enceinte de lui dans la foulée...

Sa voix, devenue un peu rauque sous l'émotion, ses mains crispées sur le volant et sa mine sombre sont autant d'indices que cette histoire n'est pas encore derrière lui. Et cette soudaine vulnérabilité ne manque pas de me toucher.

— Je suis sincèrement désolée pour toi, Léo.

Toute trace de fragilité disparaît à la seconde où je termine ma phrase, comme si elle n'avait même pas existé. Léo ne répond pas et continue de conduire, concentré sur le trajet. Lorsqu'il se gare devant l'appartement, son aveu de faiblesse n'a pas quitté mon esprit. Et j'ai soudain envie d'essayer de l'aider un peu, comme il a pu le faire avec moi.

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant