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Plantée devant la porte de l'appartement de Lorenzo, j'hésite à frapper. Puis me faisant la réflexion que de toute façon, quoi qu'il arrive, il finira par découvrir ma situation, je me décide à cogner contre le battant.

Quelques secondes plus tard, il m'ouvre, les traits légèrement tendus.

— Salut, Jade.

— Salut.

Il s'écarte pour me laisser entrer puis me désigne le canapé d'un mouvement de la tête. Je m'assois, emmitouflée dans ma cape que j'ai peur de quitter. Lorenzo me rejoint et s'installe à mes côtés. Je sens son regard peser sur moi.

— Alors tu viens m'annoncer que c'est terminé avant qu'on ait commencé ?

— Ce n'est pas aussi simple.

Il me dévisage, perplexe, avant de m'inciter à poursuivre :

— Je t'écoute.

J'inspire profondément afin de me donner du courage. Mes mains sont moites et mon cœur bat très vite. Comme la situation est inconfortable, je choisis d'aller droit au but, qu'on en finisse.

— Je suis enceinte.

Un rire incrédule lui échappe. Le genre de rire qui fait mal à entendre, celui qui exprime autant de peur que de déception.

— C'est une blague ?

— Non. Mais si ça peut te rassurer, il n'est pas de toi.

— Ah, c'est censé me rassurer ! raille-t-il en se levant.

Il prend déjà ses distances. Le ton est donné.

— Laisse-moi t'expliquer.

— Je veux bien avoir quelques explications, oui.

Son timbre est aussi cinglant qu'une flèche venant se planter en pleine poitrine.

— J'ai appris jeudi que je suis enceinte de vingt-deux semaines.

— Tu as appris cejeudi que tu es enceinte depuis le, attends laisse-moi faire le calcul... Le mois d'août ?

— Exactement.

Il ricane avant de lancer avec morgue :

— Tu me prends pour un con ?

— J'ai l'air de te prendre pour un con ?

Je me lève à mon tour et déboutonne ma cape, lui révélant mon ventre légèrement arrondi.

— Putain ! souffle-t-il en jetant un œil à mon abdomen avant de reporter ses iris lagon sur moi. Tout s'explique...

— Qu'est-ce qui s'explique ?

Il arpente la pièce de long en large, l'air furieux. Et moi je l'observe sans un mot, ne sachant que penser.

— Je comprends mieux pourquoi tu me repoussais de cette façon. Tu n'avais pas peur, tu étais enceinte ! Quel con, putain !

— Non, je viens de t'expliquer que je l'ai appris jeudi !

— Arrête de te foutre de ma gueule ! crache-t-il en me foudroyant d'un regard noir de colère. Ton ventre, il a poussé pendant la nuit aussi, hein ? Bordel, mais comment j'ai fait pour ne rien voir !

— Effectivement, c'est ce qui s'est produit. Jusqu'à maintenant, je subissais un déni de grossesse.

Il secoue la tête d'indignation, continuant de croire que je me moque de lui. Et je me sens impuissante face à une telle réaction.

— Je peux continuer ou tu t'en fous ?

— Vas-y, je suis curieux de connaître la suite.

Si je m'attendais à ce que la conversation prenne cette tournure, cela n'en demeure pas moins désagréable. Pour ne pas dire douloureux. Ignorant mes émotions, je me contente de lui répéter tout ce que Laurence m'a appris. À mesure que je lui explique le phénomène, il semble s'adoucir un peu. Cependant mon optimisme est très vite douché.

— Écoute, ton histoire a presque l'air crédible, de toute évidence tu t'es bien documentée sur le sujet. Mais honnêtement, j'ai un peu de mal à l'avaler.

— Alors comment tu expliques que mercredi soir mon ventre était plat et qu'aujourd'hui il ne l'est plus ?

— Je n'en sais rien, j'étais... trop dans le moment, je n'ai pas fait attention.

— Bizarrement, moi je me souviens parfaitement de ton corps. Pour quelqu'un qui disait me désirer, j'ai un peu de mal à avaler que tu ne m'aies pas regardée.

Face à mon ton et à ses mots volontairement repris, je vois Lorenzo se fermer. Je comprends alors que nous venons de tomber dans une impasse.

— Écoute, je crois que tu devrais y aller, Jade. Là, j'ai besoin de digérer tout ça.

— C'est ça, digère.

Et sans attendre sa réponse, je pars de chez lui.

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant