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Installée à la table de la cuisine de Lorenzo, je sèche mécaniquement mes cheveux avec la serviette qu'il m'a prêtée. Je me sens dans un état second, cette sorte de torpeur dans laquelle les larmes vous laissent après avoir trop coulé.

— Ça va mieux ? me demande Lorenzo en déposant une tasse fumante devant moi juste avant de s'asseoir à mes côtés.

— Oui. J'ai juste besoin de me reposer.

— Tu peux dormir ici, si tu veux.

— Merci. Mais je crois que je vais rentrer.

— OK, je te ramènerai quand tu auras bu ton thé.

— Merci.

Après en avoir fini avec mes cheveux, je m'empare de la tasse que je serre entre mes paumes pour me réchauffer les mains. À mes pieds, Calypso est allongée, les pattes tendues en avant, le menton posé sur le sol.

Je porte la boisson à mes lèvres et avale une gorgée. Lorsque je relève la tête vers Lorenzo, je surprends son regard sur moi. Et à mon grand étonnement, dans ses yeux, je découvre plus que du désir.

Il est en train de tomber amoureux de moi.

Et il sait, que je l'ai compris.

C'est sans doute pour cette raison qu'il détourne rapidement la tête, cherchant à masquer une légère rougeur que je ne lui ai jamais vue.

S'ensuit une succession d'actions que j'entreprends, mais qui semblent pourtant échapper à mon discernement. J'abandonne la tasse à peine entamée sur le bois de la table, puis me lève. Lorenzo m'imite, croyant que je souhaite partir. Mais je le surprends en me rapprochant de lui.

— Jade ? murmure-t-il avec une pointe d'interrogation dans la voix.

Avant même qu'il ne puisse réagir, mes mains viennent encadrer son visage et mes lèvres trouvent les siennes. Je sens la tension l'animer alors que je l'embrasse et qu'il répond à mon baiser avec une retenue évidente.

Car il sait que c'est une erreur, à ce moment précis.

Et je le sais aussi.

Parce que j'éprouve des sentiments pour lui.

Et parce que je me hais de les éprouver.

Parce que je me hais de tenter d'apaiser ma peine avec un autre.

De chercher tes yeux dans son regard.

De vouloir vous aimer tous les deux.

Et de voir que quoi je fasse, je suis incapable de te faire revenir, ni de retourner le temps.

L'instant se rompt la corde d'un arc. Incrédule, je bas en retraite sans parvenir ç me justifier.

— Désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris...

— C'est... ce n'est pas grave.

— Si, ça l'est.

Mon ton s'est fait froid, mordant. Et je les sens s'agiter en moi, mes petits démons. Eux qui attendent toujours le moment propice pour sortir de l'ombre et m'avaler tout entière.

— Je vais y aller, je vais marcher.

— Non, je vais te raccompagner...

— Je n'ai pas besoin de toi ! craché-je soudain.

Le visage de Lorenzo se décompose face à ma réaction. Il semble ne pas savoir comment il doit se comporter, et je le laisse patauger dans le doute. Car de mon côté, j'ai à présent une conscience très aiguë de ce que je suis en train de faire. Cette fausse dispute n'est qu'un prétexte pour tout détruire avant que le temps ne s'en charge de lui-même.

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant