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Lorsque mon réveil se met à sonner, j'ai l'impression que je viens seulement de me coucher. L'absence de Laëti à mes côtés m'apprend qu'elle a probablement passé la nuit avec Romain.

Une fois ma douche prise, je me traîne jusque dans la cuisine où je dis bonjour à une Isis ravie de me voir, avant de préparer le café. Tandis que la boisson coule, je donne à manger à ma petite protégée, retire ensuite la litière souillée, après quoi je me reposte devant la machine.

Julien entre dans la pièce en baillant, vient me faire un bisou sur la joue en me murmurant un salut, puis attend avec moi que le café finisse de couler. Nous regardons tous les deux le liquide noir se déverser dans le récipient avec des mines de zombies. Dès que la boisson chaude est prête, je nous sers deux tasses, m'assois devant la mienne et la regarde fumer un moment.

— Où est Laëti ? demandé-je à mon ami.

— J'en sais rien, je suis parti avant elle hier soir...

— D'accord.

— Pourquoi tu es rentrée si tôt ?

— J'étais fatiguée. Ça m'a pris d'un coup.

— OK.

Mon petit-déjeuner terminé, je file dans la salle de bains pour me laver les dents puis préviens Julien que je pars au travail.

Dehors, la rue m'accueille avec sa fraîcheur habituelle ; je ne peux m'empêcher de frissonner sous ma cape. Il ne me faut pas plus de cinq minutes pour arriver à la librairie. Marissa m'a laissé le double des clefs au cas où elle aurait besoin de partir ou serait absente pour l'ouverture ou la fermeture, je m'attends donc à ce que cela arrive à tout moment. Mais ça ne sera pas pour aujourd'hui.

Ma libraire préférée m'accueille avec un grand sourire, nous nous saluons puis elle me demande comment s'est passé mon week-end. Après avoir échangé quelques banalités, nous nous mettons au travail.

— Je te laisserais arranger les rayons, il faut que je jette un œil à la caisse.

Sans perdre une seconde, je me mets à la tâche, commençant auparavant par nettoyer et aspirer le sol.

Quelques minutes après l'ouverture, une dame me demande si nous avons le deuxième tome duSeigneur des anneaux, Les deux tours, de J.R.R Tolkien. Me dirigeant dans le rayon fantasy, je cherche dans les lettres T et découvre que nous avons La communauté de l'anneauet Le retour du roi, mais pas Les deux tours. Je l'informe donc que je serai ravie de le lui commander et suis heureuse de la voir accepter. Beaucoup de gens déclinent à la perspective de devoir attendre, souvent ils préfèrent acheter eux-mêmes leurs livres sur les sites de e-commerce et être livrés à leur domicile quand ceux-ci ne sont pas disponibles immédiatement en boutique. Ce que je comprends aisément, puisque cela évite de revenir sur place, surtout lorsque l'on n'habite pas en ville. Cependant, à chaque fois qu'une personne achète des ouvrages en librairie, elle offre à son commerçant, une chance de survivre.

Le temps passe lentement ce matin, les gens arrivent les uns après les autres, toujours seuls. Entre deux ventes, je lis un peu afin de passer le temps derrière la caisse. Marissa s'en est allée livrer une dizaine de livres d'art à une fidèle cliente à l'autre bout de la ville. Vers onze heures et demies, je commence tout doucement à m'inquiéter. Elle est partie vers dix heures et mon tempérament anxieux me pousse à envisager tout un tas de scénarios catastrophiques.

Un quart d'heure plus tard, quand la clochette retentit, je m'attends à la voir, mais découvre avec surprise qu'il s'agit de Lorenzo ! Que fait-il ici ? Je n'aurais jamais dû lui dire où je travaille.

— Ça va ? Tu te prépares psychologiquement pour ce soir ? me lance-t-il en approchant de la caisse, un sourire aux lèvres.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? ne puis-je m'empêcher de répliquer, sur la défensive.

— Moi aussi je suis super heureux de te voir.

Comme je me contente de grimacer en réponse, il juge utile de rectifier :

— Je suis juste venu voir ma grand-mère, ne t'en fais pas, je ne suis pas encore passé au stade du harcèlement. Mais ça sera peut-être pour bientôt.

— Ta grand-mère ? m'étonné-je sans relever son trait d'humour.

— Oui.

La stupéfaction me laisse ébétée durant une seconde, mais je me ressaisis.

— Elle est partie faire une course, je pense qu'elle ne devrait pas tarder.

— OK. En attendant, tu peux peut-être me conseiller un bon livre ?

— Si tu veux. Qu'est-ce que tu aimes lire ? lui demandé-je en m'éloignant vers les rayons après avoir fait le tour de la caisse.

— Je n'en sais rien, je ne lis pas. C'est pour ma mère, alors plutôt un policier.

Je ne peux m'empêcher de sourire tandis que je sorsNymphéas Noirsde Michel Bussi d'un rayon. Je l'ai lu cet été.

— Pourquoi celui-ci ? demande-t-il quand je reviens avec le roman et le pose près de la caisse.

— La plupart du temps je trouve le coupable avant la première moitié du texte. Ici, je me suis totalement faite manipuler par l'auteur jusqu'à ce que je tombe sur un détail entre le milieu et la fin de l'histoire. À mes yeux, c'est un excellent roman.

— OK, ça devrait lui plaire alors.

Lorenzo me fixe avec insistance jusqu'à ce que la clochette du magasin retentisse une nouvelle fois et m'offre un moyen bienvenu de me soustraire à l'intensité de ses prunelles.

— Dis à ma grand-mère que je suis passé et que j'aurais bien voulu l'aider à installer, mais je reviendrai plus tard, je ne peux pas resté plus longtemps, j'ai un cours à treize heures.

— À installer quoi ?

— Tu verras bien. Je sens que c'est toi qui vas t'y coller. À ce soir, Jade.

— À ce soir, répété-je en le regardant s'éloigner.

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant