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Nous sommes le trente-et-un décembre, il est plus de dix-huit heures et nous nous trouvons tous les trois dans la salle de bains à nous préparer. Si mes amis ont le cœur à la fête, je n'éprouve pas le même entrain.

— Je suis excitée comme un acarien au salon de la moquette ! s'exclame Laëtitia en se dandinant dans sa robe bustier bleu électrique.

Julien lui, est élégamment vêtu d'un jean noir et d'une chemise blanche. Moi je porte une robe rouge avec une coupe fluide chargée avant tout de dissimuler mon ventre.

Nous sommes invités chez Jean et Guillaume pour le dîner, mais j'ignore tout des projets en ce qui concerne le reste de la soirée.

— Je voudrais trop avoir tes cheveux, se lamente ma meilleure amie en touchant mes boucles châtaines.

— C'est comme pour les gens qui mangent trop, mieux vaut les avoir en photo qu'en pension, rétorqué-je en me dégageant doucement.

Une fois prêts, nous descendons tous les trois dans la rue pour prendre ma voiture. Quand nous arrivons chez Jean et Guillaume, je prends conscience de mon appréhension à l'idée de revoir Lorenzo.

Dans le salon, Mélanie, Justine et Victor sirotent un verre de crémant ; les autres ne sont pas encore arrivés. Quand Mel se lève puis se jette au cou de Julien pour un baiser passionné, le plus haut degré d'écœurement se lit sur le visage de ma meilleure amie.

Nous nous installons pour commencer à boire l'apéritif. Je me sers du jus de pommes en jetant un œil dépité à mon verre.

— C'est bizarre la vie des fois. Tu te rappelles l'année dernière, on avait passé la soirée avec toute la bande. J'étais avec Ben, toi avec Alex, il y avait Popo... On avait tellement ri... me chuchote Laëti, un sourire désabusé sur les lèvres.

L'évocation de ce souvenir ne manque pas de me pincer le cœur.

— Oui, c'était une belle soirée... me contenté-je de répondre à voix basse.

Elle soupire si profondément que l'espace d'un instant, je me demande si elle regrette Ben. J'ai aussi une pensée pour Pauline qui était notre autre meilleure amie respective, mais avec laquelle j'ai beaucoup pris de distance suite à notre rupture. Elle ne m'a jamais écrit, n'a jamais essayé de me contacter. Au début, trop accablée par le chagrin, je n'y ai pas prêté attention. Avec le recul, je m'interroge sur son absence de réaction.

Tirée de mes pensées par l'arrivée de Romain et Lorenzo, toutes mes craintes reviennent au galop. Elles se confirment quand ce dernier me dit bonjour froidement, frôlant à peine ma joue de la sienne.

La soirée s'écoule avec lenteur, nous dînons, les autres boivent...

Vers vingt-trois heures mon portable se met à vibrer sur la table. Ma mère prend de mes nouvelles. Bien que je sois partie du restaurant, je ne l'évite pas pour autant. Il me fallait juste partir avant d'avoir à écouter ce que je refuse d'entendre.

Peu de temps avant minuit, quand je vois Lorenzo se lever pour disparaître dans le couloir, je décide d'aller le rejoindre d'ici une minute. On aura connu plus discret, mais je ne sais pas comment l'aborder sans créer un moment de gêne pour nous deux.

Lorsqu'en sortant des toilettes, il me découvre en train de l'attendre, il ne manque pas de me fusiller du regard.

— Qu'est-ce que tu veux ? attaque-t-il.

— Discuter, si c'est possible.

— Vas-y, dis-moi ce que tu as à me dire.

Estimant qu'il est inutile de tourner autour du pot, car son taux de patience à mon égard semble infime, j'entre directement dans le vif du sujet :

— Je ne t'ai pas repoussé parce que j'étais enceinte, mais parce que j'avais peur de m'attacher à nouveau à quelqu'un et de le perdre. Au départ, je ne t'ai pas pris au sérieux, je pensais n'être qu'une sorte de jeu pour toi. Je reconnais même avoir eu des a priori à ton égard. Mais le soir où tu m'as emmenée à Océanopolis, je t'ai vu différemment. J'ai vu un homme plus mature que je me l'étais imaginé, qui était animé par la volonté de protéger le monde marin et ses habitants. Cette facette de toi m'a particulièrement touchée. Et c'est à ce moment-là, je crois, que j'ai commencé à éprouver des sentiments pour toi.

— Tu es en train de me dire que tu es amoureuse de moi ? rétorque Lorenzo d'une voix aigre, oscillant entre incrédulité et ironie.

— Non, je ne suis pas amoureuse de toi. Mais ça pourrait peut-être arriver si nous continuons d'apprendre à nous connaître.

Durant les quelques secondes qui suivent, Lorenzo scrute mon visage, sans doute pour jauger ma sincérité.

— Honnêtement, je ne sais plus si j'en ai envie.

— OK. Je comprends, parviens-je à articuler.

Après m'avoir jeté un dernier regard, il secoue la tête puis m'abandonne dans le couloir à demi-éclairé.

Si sa dernière phrase a été douloureuse à entendre, ce qui me blesse le plus est de constater combien il a perdu confiance en moi. Un sentiment d'injustice et de tristesse mêlés m'envahit peu à peu. Mais après tout, c'est peut-être mieux ainsi.

Je porte un enfant qui n'est pas le sien.

Quel avenir aurions-nous pu essayer de construire ensemble ?

Quand le ciel descend sur la Terre (romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant