- PALIER -
elle est venue l'autre soir s'est faufilée jusqu'à moi et n'a plus voulu me quitter
elle m'a caressé de ses longs doigts fins et j'imaginais
son sourire ses crocs acérés son regard doux
et venimeux
ses ongles ont laissé la trace sanglante de son passage dans ma chair ses mains de leur étreinte sur mon cou
la peur
elle a enserré mon cœur de ses griffes ces fines lames au tranchant d'espérance et l'a marqué
depuis sa venue le poids qui l'habite ne le quitte pas
elle y a implanté une idée qui l'empoisonne le dévore petit à petit
ou n'a fait que la taquiner l'éveiller raviver
l’a attisée en ce moment
l'idée sommeille paisiblement son souffle me fait trembler et j'aimerais l'étouffer avant
qu'elle ne grandisse avant qu'elle ne me paralyse j'aimerais oublier
son existence son caractère irrémédiable
irrévocable j’aimerais sombrer de nouveau dans l'inconscience retrouver l'insouciance et m'y blottir loin
me rendormir encore
oublier toujours
plus maintenant je suis éveillé j'attends j'ai
peur je m'accroche au sommeil et je le prie de m'engloutir il est sourd
tout est sourd désormais muet
je ne peux qu'entendre la peur qui gigote et se presse contre moi mon cœur car elle s'exprime désormais
il proteste mais elle insiste elle est sourde
est laide
elle le noircit et il devient sombre il est sombre c'est peut-être pour ça que je me suis réveillé parce qu'il était
devenu laid lui aussi trop laid et que je ne pouvais plus l'ignorer qu'il est
trop sale pour que l'innocence consente à le garder à le protéger
peut-être qu'il est mort
il est vide
mort sans doute car je suis éveillé
sommeil me rejette et se ratatine il me dit d'aller voir ailleurs ou
ne daigne pas même me répondre il me répudie me bannit renie
ignore
ne me connaît plus ne reconnaît pas
je n’ai plus d'abri de coquille de cocon je suis qui au fond je suis quoi sans nom j’ai
beau l’appeler ne m’entend pas m’y accrocher mes bras retiennent le vide mains agrippent néant le
vide
je veux qu’il revienne pourtant je veux qu’il me retienne je veux qu’il me reprenne pour que je puisse dormir
vide
la peur l’emplit l’angoisse le prend détresse l’escorte
l’accompagnent
mais ne le soulagent pas
il est mort fade n'a plus d'intérêt car il est sombre
cette idée l'a pourrit il moisit petit à petit et se comprime se resserre
il ne se nourrit plus des rêves puisés dans le sommeil il dépéritVit. tire sa substance ailleurs mais je veux pas
ne veut pas rejette
l'idée nourricière
préfère crever vider écraser
étoufferl'idée
l'idée
qu'un jour surement
l’idée que peut être
une fois
il faudra
sans doute
sortir
VOUS LISEZ
Avant Quinze
Short StoryUne course immobile contre le temps. Volonté de figer, conserver ce qui finira irrémédiablement par tomber dans le souvenir ; se souvenir. Ultime rappel, promesse, peur de changer. Conserver un écho, au moins, d'une part de vie qui semble devoir se...