M A R C H E D E U X
il ne fait pas froid ici c’est
étrange
il paraît que pas loin les gens se les caillent il paraît qu’ils en crèvent
il paraît qu’ils souffrent qu’ils gémissent il paraît qu’ils haïssent
ils n’aiment pas le froid ils veulent s’en défaire je crois que c’est normal
moi je ne connais pas le froid et je pense que c’est tant pis
je
suis seul
icije ne suis jamais
seul
j’entends les bruits dans les couloirs je sens
leurs pas
jamais ils ne m’approchent jamais ne m'atteignent je crois qu’ils ont
peur
ça fait quelques temps que je suis là pourtant quelques temps que j’attends
sais plus exactement ce que j’attends je n’attends pas qu’ils entrent
pas qu'ils me voient
pas qu'ils me sentent
me salissent de leurs idées sans attrait je crois
qu’on s’habitue avec le temps qu'on finit par s'y faire
que le vide nous attrape et qu'on l'oublie
qu'on
oublie
le temps
je pensais qu’ils s’habitueraient à ma présence qu’ils finiraient par venir
personne
ne vient
je crois qu’ils se sont habitués à ma présence mais jamais
ils ne se sont habitués
à moi
personne
ne rentre
les murs sont froids mes paumes aussi quand je respire j’imagine que l’air est glacé
autour je n’ai pas besoin de l’imaginer brûler mes poumons parce que la toux me
ronge et qu’elle me détruit la gorge tout ce qu’il y a à l’intérieur aussi je crois
que ça fait
mal je crois que j’ai fait quelque chose de mal les gens les autres dehors ils ne veulent pas
m’approcher ils ont
peur
que je leur fasse du mal que je leur transmette mon mal je
sais pas ce que c’est je ne peux pas les en protéger je ne peux même pas m’en défendre même pas m’en défaire peut-être
que le mal s’est insinué en moi sans prévenir qu’il m’a paralysé
il n’est pas très courageux il ne s’est pas présenté peut-être
qu’il est timide et qu’il a besoin de se cacher il ne veut pas qu’on le voit peut-être
qu’il est venu parce qu’il avait besoin de compagnie peut-être qu’il est seul peut-être qu’il est
comme
moi c'est pour ça que
je veux bien qu’il reste c’est le seul qui veut de moi ici alors je veux bien le garder peut-être même l’adopter puisque c’est
mon
malNon. on n’adopte pas
je crois qu’il
est moi désormais
ne m’a pas demandé mon avis et
s’est installé s’est
étalé m'a avalé il estvicieux
je ne l’avais pas vu venir il
fait partie de moi et qu’importe ce que je veux qu’importe
ce que je suis puisque
je suis
mon mal
j'ai du mal à bouger du mal à respirer à penser ils
n'entreront
jamais
se sont habituées à mon absence
inexistencetant mieux
ils ont froid
dehors
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Avant Quinze
Short StoryUne course immobile contre le temps. Volonté de figer, conserver ce qui finira irrémédiablement par tomber dans le souvenir ; se souvenir. Ultime rappel, promesse, peur de changer. Conserver un écho, au moins, d'une part de vie qui semble devoir se...