- Marche Dix -

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M A  R   C    H     E      D       I        X

fourrure chaude

dans laquelle on peut passer ses doigts

s'y agripper y attacher

qui recouvre sans protéger sans

masquer et qui pourtant peut

cacher voiler

un bloc d'argile

qu'il faut sculpter

irrégulier à l'origine, creusé par endroit déjà souillé

nombreuses facettes toujours différent toujours nouveau toujours

riche si doux

rugueux mais lisse tranchant par endroit

couteau à lame tranchante dans ma main

je peux

sculpter, modifier façonner

mais je ne

lève  pas

la main

ne peux pas choisir de changer creuser pour toujours dans la surface transformer

modifier

voudrais le détruire anéantir écraser fracasser, car je sais

sais que le bloc

devra finir

à mon image

et je

ne veux pas

que quelque chose

figé

puisse me

représenter

ce bloc qu'on forge soi-même, que l'on doit

construire soi-même ne veux pas qu'il soit

fixé

finira par être figé, terminé comme une oeuvre achevée

ne pourra plus évoluer

obligé de la regarder contempler

de loin

comme étape déjà franchie déjà passée ouvrage accompli

dont ils tirent

de la

fierté

alors que je sais

qu'il est impossible

impossible de faire la moindre chose de

bâtir la moindre chose de laisser la moindre chose

insignifiants

suis tellement insignifiant

coupes et trous c'est moi qui les ai ancrés suis déjà en train de le façonner

forme globale initiale, dehors qui me l'avait  légué peut-être qu'ils ont même fait quelques coupes, et que c'est à partir de ça que je dois travailler la

matière la

modeler

je ne veux pas modeler sculpter travailler pour donner forme je ne veux pas de forme

je veux la taillader cette forme, la griffer l'égratigner lacérer

que j'arrache chaque morceau de terre avec mes ongles et qu'il m'en coûte

veux que chaque coup porté chaque mouvement exécuté soit pesé, qu'il m'ait marqué, emprunt de douleur sûrement que chaque contact me déchire me tiraille qu'ils me pèsent

que je puisse les justifier

qu'ils aient un

parce que sans

souffrance

on n'apprend pas

je veux saigner

le bloc

il est de marbre et chaque fois que mes doigts s'écraseront contre la pierre toute la masse en sera ébranlée

changée.

je ne veux pas qu'il soit à mon image

veux qu'il soit

ne veux pas accepter le semblant de forme imposé par l'extérieur mais

la

comprendre

et si à la fin

ne reste à rien

si à la fin

ne reste rien de moi

restera les

tranchées

entachées

dans la

fourrure

arrachée

Les murs, les murs, ils sont

d'argile.

Avant QuinzeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant