- Marche Neuf -

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M A  R  C    H     E      N       E        U         F

une forme

concrète, indiscernable que je ne peux pas toucher palper deviner comme

voilée

une entité qui échappe à tout ce que je connais à tout ce que je peux envisager comme une

silhouette

qui m'échappe

me fuit

disparaît

toujours

ou alors

une étendue

gigantesque étendue, sans fin sans limite aux limites indiscernables invisibles

une étendue de savoir à la surface plane calme et régulière

apaisante

une surface que les gouttes peuvent venir troubler former des trous et des bosses et des ondes qui

s'étendent et grandissent qui viennent taquiner l'étendue qui viennent l'appeler la

nourrir qui viennent lui

rappeler

demander de se souvenir

qu'avant d'être un

elle était

gouttes

profondeur insondable dont on ne voit jamais le fond

jamais

la fin

je pourrais y nager sûrement j'aimerais m'y noyer voudrais y puiser m'en abreuver savoir que je peux la

toucher

troubler sa surface mais elle est

indifférente

à ce que je suis

au moins la caresser

sans pouvoir y entrer

les gouttes tombent et frappent la surface, aucun son n'en sort, jamais

les nuages sont au-dessus et ils libèrent les gouttes, ils sont si sombres et l'étendue écarlate si noire

de gouttes

un océan

de doutes

dessous

je crois qu'elle est profonde sans fin

mais qu'il y a quelque chose

dessous

qui peut

surgir

doucement

la surface se craquèle

doucement elle

se soulève

et doucement

elle

explose

des branches percent et sortent elles sont

sinueuses, tordues tourmentées

et le fracas

est sourd

la surface se casse des lames giclent des morceaux de verre éclaboussent et ne retombent jamais

ils s'envolent, tourbillonnent

ils atteignent les nuages

qui ne se crèvent pas

ils se gorgent de ces éclats qui volent, les aspirent se gonflent s'en enivrent car enfin ils respirent

enfin ils

s'éveillent

vivent

puis

les nuages

se crèvent

et la pluie brillante, étincelante

vient se mêler aux branches sans feuilles

les gouttes

ont la forme

de feuilles d'étoiles elles

illuminent les branches grises et la surface bosselée qui s'éteint

doucement

je voudrais les saisir juste

pour les

toucher

juste pour les

froisser

savoir

qu'elles

existent

et j'ouvre les yeux

les murs

toujours

autour

de moi

ils ne m'entravent

pas

ne sont plus autour de

mon monde

ne sont plus mon

monde

je suis

peut-être

l'une de ces gouttes

qui tombent

encore

qui n'a pas encore atteint la surface

encore

non, je crois que

je suis

déjà

une goutte

l'une des gouttes

qui la

compose

déjà

Avant QuinzeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant