-J'hésite entre prendre le flingue de mon père pour m'éclater la cervelle ou alors pour tuer tous ces enculés un par un, a déclaré le garçon aux cheveux arrivant à ses épaules en regardant l'horizon.
Stan n'a pas répondu à son ami, trop occupé à avaler la fumée de la cigarette qu'il tenait en main afin qu'elle atteigne ses poumons et qu'elle lui donne l'impression d'être vivant. Il connaissait Karl par coeur et était au courant de sa façon de penser.
D'ailleurs, il a toujours aimé le côté déprimé de son meilleur ami sans jamais pour autant le prendre au sérieux. Stan préférait rentrer dans le jeu de Karl, afin de lui montrer qu'il n'avait pas peur des menaces de suicide qu'il faisait. Qu'il ne le croyait pas capable d'oser faire une chose pareille.
En vérité, il savait que Karl était plus que capable de se mettre la corde au cou, d'avaler plus de vingt somnifères en buvant seulement deux gorgées d'eau ou d'appuyer sur la détente d'un fusil posé sur sa tempe mais ne s'inquiétait pourtant pas vraiment. Karl était bien trop réglo que pour se suicider.
-Je pense que la seconde proposition est la meilleure, a déclaré Stan. Ça nous donnerait une raison d'aller faire la fête et l'occasion de danser sur la tombe de Tim au moins une fois dans notre vie.
Karl a discrètement souri, appréciant le côté je-m'en-foutiste et franc de son meilleur ami, et a tendu le bras vers ce dernier afin d'attraper sa cigarette. Il venait d'en terminer une et comptait bien faire de même avec celle déposée entre les deux lèvres du grand blond.
-Va te faire foutre, s'est exclamé Stan à l'égard du second garçon.
-Allez, donne-moi ça, ne s'est-il pas découragé. Je n'ai pas envie que tu te détruises les poumons en plus du foie.
-Je ne bois pas tant que cela, s'est défendu Stan.
Ça a été les dernières paroles avant un long moment, durant lequel seuls les respirations des deux amis et les bruits de la ville étaient audibles.
Stan respirait calmement; il était détendu et appréciait l'instant présent. Karl, par contre, avait une respiration saccadée et semblait avoir besoin de bouger, de hurler sa rage au Monde.En effet, Karl avait atrocement marre de sa vie, du tournant que les choses avaient tendance à prendre alors qu'il espérait toujours que ça se passe d'une manière tout à fait différente.
Il ne cessait de se demander qui avait prié pour qu'il ait si peu de chances, autant de merdes dans son existence. Il n'avait aucune idée de qui ça pouvait bien être mais ça le rendait malade.-Stan, je suis sérieux quand je dis que j'hésite entre me suicider et tirer sur les gens comme Tim, a fini par lancer Karl.
L'ami de celui-ci n'a pas contré ses mots, il les a même acceptés en opinant.
-Je sais, Karl et je suis sérieux quand je te dis que c'est mieux que tu fasses du mal à quelqu'un d'autre plutôt qu'à ta propre personne. Tu risques d'aller en prison mais je sais que ça te rendra beaucoup plus serein.
Après avoir dit cela, il a tiré la dernière taffe de sa clope avant de l'écraser au sol du toit sur lequel ils étaient tous les deux assis.
Un silence a suivi et a persisté durant plusieurs minutes complètes avant que Stan, le fêtard, ne prenne sa respiration, comme pour faire comprendre à son ami qu'il allait briser le silence.-Regarde-moi ce ciel, gros. Et ces étoiles qui brillent et qui te rappellent avec insistance que tu es vivant et que c'est une chance inouïe.
Karl n'a pas pu s'empêcher d'exploser de rire, trouvant les paroles de son meilleur ami complètement ridicules.
-Justement, Stan, le rejoindre serait encore plus beau, a répliqué le dépressif. Je deviendrai dès lors une étoile du ciel, je brillerai et quand tu regarderas en haut, tu te diras: "hé merde, mon pote est là-bas et contribue à rendre le ciel plus magnifique encore!".
Évidemment, Stan n'a réagi qu'en riant, trouvant certainement à son tour les paroles de son ami stupides et sans intérêt.
Karl ne serait certainement pas une belle étoile, avec ses longs cheveux blonds qui rendaient son apparence négligée et ses yeux très bleus qui auraient pu être magnifiques si seulement ils étaient un minimum pétillants. Pourtant, ils ne l'étaient pas et ne l'avaient jamais été.
Il n'aimait pas la vie, détestait tous les événements qui formaient son existence sur cette Terre et haïssait les gens qui l'obligeaient à ne pas apprécier ce que la vie lui offrait.-Tu m'aiderais à démonter Tim?, a demandé Karl à son ami.
Ce dernier n'a pas tourné le regard vers le garçon étant en déprime, trop concentré à observer le ciel foncé de la belle nuit du mois de mai.
-Je t'adore vraiment beaucoup, Karl, même si tu es en dépression depuis la nuit des temps et je n'ai pas réellement envie que ta mère m'appelle un soir pour m'annoncer ton suicide. Alors, tu pourrais vraiment éviter de te tirer une balle dans le cerveau, a assuré Stan sans réellement répondre à la question précédente.
L'adolescent de dix-huit ans s'est senti flatté, heureux de savoir qu'il était important pour Stan, le populaire.
Souvent, de l'extérieur, les étudiants croient qu'ils sont tous sauf amis. Il était même déjà arrivé que Stan rigole de Karl avec son groupe de populaires afin de toujours être considéré comme tel.-Il y a trois ou quatre semaines, j'ai rêvé que je sautais du haut de ce toit et mon Dieu, ça faisait une éternité que je ne m'étais pas si bien réveillé, a déclaré le garçon aux longs cheveux blonds.
-Tu es un grand malade mais promets-moi quelque chose, a repris Stan en sortant une seconde fois le paquet de cigarettes de sa fine veste.
Karl a attendu que la clope soit allumée et que son meilleur ami la lui tende pour lui dire qu'il était tout ouïe.
-Le jour où tu voudras sauter de cette hauteur, appelle-moi pour que je puisse boire à ta santé pendant que tu te dirigeras vers le sol dégueulasse de la rue d'en bas.
Karl a accepté la proposition de Stan et pour le lui montrer, il lui a laissé tirer une taffe sur sa cigarette.
-Je le ferai durant le mois de septembre prochain, avant la rentrée à l'université, a fièrement clamé le suicidaire, comme s'il avait réfléchi à la question des milliers de fois.
Stan s'est levé et s'est alors retrouvé debout sur le toit de l'immeuble, face à leur grande ville. Il s'est étiré, pour que son dos évite de lui faire souffrir comme il en a l'habitude et ensuite, il a tourné son regard vers le second garçon.
-À une seule condition, Karl, a déclaré Stan, tu viens boire avec moi ce soir et la semaine prochaine, on fait un plan pour détruire Tim.
Ayant entendu "Tim" et "détruire" dans la même phrase, Karl ne pouvait qu'apprécier donc il s'est levé à son tour et s'est dirigé vers les escaliers de secours, pour faire comprendre à son ami qu'il était plus que partant.
Ils sont alors tous les deux partis, tout sourire, vers la maison d'Azalée où la fête bat son plein au moins une fois par semaine. Là-bas, il y aurait de quoi se retourner la tête à l'aide de toutes sortes d'alcool et donc d'être plus imaginatif pour créer une fin à ce connard de Timothy.
Les deux garçons ne seraient peut-être plus amis le temps de la soirée mais rattraperaient le temps perdu à peine deux jours plus tard, en se retrouvant à nouveau sur ce même toit, qui est leur endroit préféré au Monde.
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Et on souriait
Teen FictionStan et Karl sont deux garçons dont l'état d'esprit et la façon de voir le monde les opposent entièrement. Mais ils sont liés par une amitié tellement forte. Merci à @MyWorlsIsYours_ pour la couverture.