3 : La complication

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Le vingt-et-un mai, Karl était arrivé en avance et avec le sourire sur le toit. En effet, ce jour-là, son meilleur ami fêtait ses dix-neuf ans et il voulait vraiment que ça reste à jamais gravé dans leur mémoire. Il se rendait bien compte qu'il était tout seul et ne pourrait pas faire face aux quatre mille soirées auxquelles Stan avait participé depuis le mois de juillet dernier mais il était malgré tout confiant, car l'amitié rend parfois les choses meilleures, permet de donner l'impression que les événements sont moins pourris que ce que l'on ne le croit, simplement parce qu'ils sont vécus avec un ami à côté.

Karl était passé chercher une bouteille de champagne; ça faisait partie des pires boissons alcoolisées qui existent et en plus de cela, ça lui avait coûté un samedi entier à nettoyer l'appartement d'une vieille mais ça faisait sérieux et était dédié aux grands événements. Il considérait que l'anniversaire de son seul ami loyal était un grand événement.

Il n'avait pas prévu un petit repas à manger en tête à tête ou des bougies roses pour autant mais l'attention y était et il souriait, d'une manière sincère. Il était impatient que son ami, Stan débarque à son tour sur le toit pour remarquer son teint rayonnant et pour pouvoir lui faire la fête.

Une heure est passée sans que personne ne monte le rejoindre au sommet de l'immeuble- sans compter la vieille Gladys qui continuait à poser de la nourriture pour les oiseaux, malgré le fait que tout le monde lui disait depuis cinq ans que ça ne servait à rien.

Karl commençait doucement à perdre patience mais n'a jamais pour autant pris son portable pour presser Stan.

Ce dernier a fini par débarquer par lui-même à vingt-deux heures dix-huit. Il semblait complètement saoul et Karl avait perdu toute la volonté qu'il avait pour l'accueillir avec joie et entrain.

   -Karl!, s'est écrié Stan en titubant dans les escaliers de sécurité.

Le concerné a répondu par le silence, trop occupé à essayer de calmer son énervement intérieur.
Pour une fois qu'il avait tenté de faire une bonne action et avec le sourire, en plus, venir tout gâcher était minable.

Karl, fâché, est resté debout et immobile au beau milieu du toit. L'air frais lui permettait de respirer calmement et donc de paraître complètement serein tandis que le léger vent faisait danser les mèches blondes de sa chevelure délicatement posées sur ses épaules.

Stan s'est dangereusement approché du deuxième garçon, uniquement parce que l'alcool que son sang contenait en avait envie; s'il avait été sobre, il aurait probablement fait demi-tour directement, comprenant qu'il était de trop ou il aurait attendu en fumant une clope mais jamais il ne se serait dirigé si directement vers le danger, le problème de la situation.

   -Ça ne va pas, Karl?, a demandé Stan. Ton bébé Tim n'a pas voulu coucher aujourd'hui?

Il n'a évidemment reçu aucune réponse, comme quelques minutes avant. Karl n'était pas prêt à se mettre à jouer au con avec son débauché de meilleur ami alors il a évité chacune des questions débiles posées.

Stan attendait une réponse, un sourire radieux aux lèvres et les yeux très rouges tandis que Karl réfléchissait à une phrase parfaite pour répliquer.

   -Bon anniversaire, s'est-il contenté de cracher en tendant la bouteille de champagne à son ami.

Aucun mot n'est sorti de la bouche du fêtard, certainement étonné d'un tel présent. Ce n'était certainement rien pour la plupart des adolescents du vingt-et-unième siècle mais pas pour Stan. Il connaissait les problèmes d'argent qu'avaient Karl et sa mère et se rendait bien compte qu'ils ne pouvaient pas se permettre ce genre d'achat.

   -Je ne peux pas accepter ce cadeau, a-t-il réussi à articuler.

Ça a énervé Karl, qui a alors déposé la bouteille sur le sol avant de s'approcher très fort du jeune homme ivre. Il l'a longuement regardé dans les yeux avant de l'attraper par les épaules et de lui mettre un coup de tête dans le nez. Celui-ci s'est tout de suite mis à saigner mais l'auteur de lz blessure ne s'en est pas inquiété.

   -Putain, qu'est-ce que tu fous?, s'est énervé Stan, les doigts ensanglantés.

Karl s'est mis à faire nerveusement les quatre cent pas sur tout l'espace que le toit leur offrait. Il avait paniqué et perdu son sang froid mais maintenant que c'était fait, il regrettait fortement cet acte. Malgré tout, il n'avait aucune envie de l'avouer haut et fort.

   -Je t'attends ici depuis plus de deux heures, a-t-il commencé à expliquer sans s'arrêter de marcher. J'étais heureux de t'offrir cette putain de bouteille que j'ai pu acheter seulement après avoir bossé pendant plus de huit heures chez la vieille voisine. J'étais heureux, putain et toi, tu viens encore tout niquer avec ton égoïsme à la con et ta passion pour l'alcool.

Stan s'est relevé et est retourné près du jeune homme qui venait de parler. On aurait dit que l'alcool avait quitté les abysses de son corps juste au moment où il a remarqué un litre de Champagne pour eux. Il avait de nouveau le courage de parler en faisant des phrases complètes, sans buter sur aucun mot.

   -J'ai voulu t'aider, la fois dernière et tu sais ce que tu m'as dit? Hein, tu sais?, a crié le blond au physique robuste. Tu m'as dit d'aller m'amuser plutôt que de m'occuper de toi et de ton fantasme suicidaire. Voilà ce que tu m'as dit alors, pardonne-moi de faire ce que tu me demandes.

Karl savait que son ami avait raison et qu'il lui avait vraiment demandé d'aller s'amuser plutôt que de passer ses soirées en sa compagnie mais peut-être qu'après quelques jours, voire quelques heures, il s'était haï d'avoir osé dire une chose pareille.

Il a alors tourné le regard une dernière fois vers le quartier pourri dans lequel ils vivaient, comme pour reprendre du courage avant de faire quelques pas pour aller chercher la bouteille qui traînait au milieu de tout.

   -Ouvre-la et bois, a ordonné Karl en la tendant au second garçon sans même le regarder. Après, tu pourras retourner t'amuser.

Il a obéi et l'a débouchonnée avant d'en avaler une grande gorgée.

   -Enculé, c'est immonde!, a souri Stan en se frottant la bouche de la manche de son gilet.

Directement après, il en a bu encore davantage, parce qu'il voulait faire honneur au présent de son ami le plus cher et puis parce que c'était du champagne et c'était la première fois que l'on achetait pour le fêter lui.

   -Je suis désolé, Karl, a fini par chuchoter Stan. Ce n'était pas prévu que j'aille boire avant de venir ici mais quelques amis m'ont forcé de les suivre pour fêter mes dix-neuf ans tous ensemble.

Il y avait peu de chances que cette excuse, qui était certes valable et véritable, ait été acceptée par Karl mais ce dernier n'a plus rien ajouté à ce sujet.

   -J'ai rêvé de Mieke, a lancé Karl pour briser le malaise à son tour.

    -J'ai rêvé de Tim et toi, a répliqué le second. C'était horrible.

Les sous-entendus de ces quelques mots ont directement été compris et ont engendré un fou rire entre les deux jeunes hommes. Ça a détendu l'atmosphère et les a rendus de nouveau complices.

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J'espère que cette histoire est cool.
Je ne gratte pas les commentaires mais n'hésitez pas à me laisser votre avis sincère!

Et on souriaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant