4 : La disparition

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Stan s'est retrouvé seul pendant une semaine. La période charnière de l'année scolaire avait commencé à pointer le bout de son nez et par conséquent, plus personne n'organisait de fêtes. Il trouvait ça triste et stupide alors, il passait ses soirées entières sur le toit de l'immeuble.

Il n'emportait que rarement un livre de cours ou son classeur pour pouvoir étudier et être prêt pour la session mais n'était pas inquiet pour autant; il avait bonne mémoire et quand bien même il venait à rater pour la deuxième fois la terminale, il avait un CV prêt à l'usage sur le bureau de sa chambre.

Stan préférait s'asseoir calmement au bord d'une chaise de jardin qu'il avait embarquée avec lui, une bière dans une main et une cigarette dans l'autre plutôt que de se casser le cul à tenter de faire une équation mathématique qui ne l'aidera jamais à construire un meuble ou à préparer un repas.
Il se rendait bien compte que l'alcool ou la nicotine ne l'aideront pas non plus à accomplir de telles tâches mais tant qu'à faire, autant faire des choses inutiles et plaisantes.

Durant une semaine complète, Stan a monté les marches en fer pour aller s'asseoir sur la même chaise pourrie, dans l'espoir de voir la silhouette de Karl débarquer et de pouvoir discuter avec lui, comme il en a l'habitude. Malheureusement, jamais Karl n'est venu, jamais il n'a pointé le bout de son nez pour simplement demander dix balles à son ami ou même un briquet.

Karl avait disparu de la circulation depuis cinq jours et Stan semblait être le seul à s'en inquiéter.
Au lycée, tous les étudiants, ou du moins ceux qui s'étaient aperçus de la disparition du maniaco-dépressif voyaient cette absence comme un réel soulagement, comme s'il posait problème quand il était là.
Stan était réellement révolté par les commentaires qui s'y disait mais ne répliquait jamais, ayant énormément envie de sauvegarder sa popularité encore quelques semaines.

Le vendredi de cette semaine-là, Stan est à nouveau allé se détendre sur le toit. Il était simplement habillé d'un tee-shirt vert et d'un pantalon très fin; il mourait de chaud et avait besoin de s'évader un peu, de faire le grand vide dans sa tête.

Il s'était perdu dans ses pensées jusqu'au moment où d'énormes gouttes de pluie ont commencé à tomber du ciel. Des centaines de gouttelettes s'écrasaient sur son visage à une vitesse folle mais il ne bougeait nullement, heureux de se sentir rafraîchi par la nature, comme si elle sentait son tourment intérieur.

Petit à petit, le ciel étoilé a pris la place des nuages gris et avait l'air de s'être accroché à une paroi invisible pour s'y fixer et rendre le début de nuit meilleur.
Stan était immobile sur la chaise en plastique, trempé comme s'il venait de se baigner mais se sentait bien, se sentait mieux.

Pourtant, il n'a pas eu le temps de respirer à nouveau qu'une voix s'est fait entendre de derrière.

   -Prends ça, tu vas avoir froid, lui a dit Mieke, sa petite soeur, en l'entourant d'une serviette sèche.

Il était déçu que ça n'avait été qu'elle. Au moment où il avait senti une respiration dans les parages, il avait prié de toutes ses forces pour que ça soit son meilleur ami mais il fallait croire que ses prières n'avaient pas été assez efficaces.

   -Merci, a simplement répondu l'aîné, mais rentre, tu vas avoir froid.

Cela n'était qu'un prétexte; il avait surtout envie de se retrouver à nouveau seul et de pouvoir se perdre une nouvelle fois dans les abysses de ses pensées.
Malgré tout, sa cadette n'était pas prête à lui faire ce plaisir: il l'a remarqué lorsqu'elle a pris place à côté de lui, sur l'accoudoir de la chaise.

   -Tu peux m'allumer une cigarette?, a gentiment demandé Mieke, aussi nerveuse que son frère.

   -Depuis quand fumes-tu?, s'est étonné Stan.

La jeune fille a ri de bon coeur, trouvant certainement la réaction de son unique frère vraiment drôle. Pourtant, il se posait vraiment la question.
Elle l'a rassuré en lui expliquant qu'elle avait toujours été non-fumeuse mais en avait simplement envie. Stan a alors accepté de lui rendre ce service.

   -J'ai l'impression qu'Adrien va me quitter d'ici peu, a révélé la jeune fille en faisant référence à son petit ami.

   -J'ai l'impression que Karl ne revient plus parce qu'il s'est suicidé, s'est contenté de franchement répondre le jeune homme.

Ça faisait plusieurs jours déjà qu'il y pensait et que ça le tracassait mais c'était la première fois qu'il osait le dire tout haut, qu'il parvenait à prononcer ces mots. Et il s'est rendu compte, quand les mots sont sortis de sa propre bouche, à quel point cette pensée était horrible.

Le jeune homme s'est arrêté de taper nerveusement du pied et a eu l'impression que ça avait fait trop franc, que Mieke était choquée qu'il ait osé dire une chose pareille à propos de son meilleur ami. Elle devait certainement penser que ce n'était pas permis de parler de cette manière de quelqu'un d'aussi proche que l'est Karl par rapport à Stan mais n'a pas émis cette remarque tout haut pour autant.

   -Tu penses vraiment qu'il oserait se suicider?, a questionné la jeune fille en tendant définitivement la cigarette à son frère.

Ce dernier a répondu d'un haussement d'épaule, n'ayant pas réellement de réponse valable ou certaine à ce sujet. Il savait que Karl rêvait de suicide, qu'il répétait que c'était dans ses projets mais il ne savait pas pour autant s'il était assez courageux que pour se bousiller la cervelle.

   -J'espère vraiment que ce petit connard va revenir comme une fleur, même si c'est pour me demander le pire des services, a conclu Stan après quelques instants. Je pourrais vivre sans lui mais pour le moment, il me fait trop peur que pour me laisser serein.

Mieke n'était jamais présente lors des discours bien construits et dépriments de Karl, c'est sans doute pour cette raison qu'elle ne parvenait pas à imaginer le mal-être de Karl ou l'inquiétude de son frère. Mais une chose était sûre: Stan avait très peur pour son ami.

Et on souriaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant