2 : La proposition

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    -Pourquoi as-tu encore fait ça?, s'est énervé Stan.

Karl s'est contenté d'hausser les épaules, n'ayant pas réellement d'explications plausibles à ce sujet.
Face au silence, le premier jeune homme semblait désespéré.

   -Bon Dieu, Karl, a-t-il juré, tu détestes cette personne mais tu continues.

   -Peut-être que dans le fond, je déteste sa personnalité mais pas son corps, a tenté de se défendre le garçon aux cheveux longs.

Stan restait dubitatif face à cette explication et il comptait bien le faire savoir.

   -Justement, c'est impossible de coucher avec une personne que tu ne peux pas voir en peinture.

   -Pour toi, Stan. Moi, ça me plaît.

Enjoué, Karl s'est levé et a fini debout sur le toit du grand immeuble. Du haut de son mètre quatre-vingt huit, il avait l'air gigantesque et plus que puissant mais ça n'effrayait malheureusement personne autour de lui.

  -Tu vois, j'étais debout quand on a commencé à faire l'amour, a commencé le dépressif.

   -Ah parce qu'en plus, tu fais ça avec amour?, s'est-il fait couper tout aussi rapidement.

Karl n'a pas perdu de temps à répondre par une phrase ou même un seul mot; il s'est simplement contenté de lever son majeur à l'égard de son meilleur ami.
Ensuite, il a repris sa respiration pour continuer son récit avec tout autant d'énergie.

   -Nous étions dans sa chambre et d'énormes gémissements en sortaient, comme si nous prenions tous les deux notre pied d'une manière phénoménale.

Excédé, Stan s'est levé à son tour et s'est dirigé vers l'escalier de secours sans rien dire. Son ami n'avait aucune idée de l'endroit où il allait et s'il reviendrait mais n'y a pas fait attention. Il a repris place à même le sol et souriait bêtement à l'idée de ce qu'il avait fait l'après-midi même.

Quelques instants plus tard, Stan a réapparu. Dans une main, il tenait une grande bouteille d'alcool presque vide et dans l'autre, un bloc de feuilles et un stylo.
Karl ne faisait pas vraiment attention à son ami mais ce dernier s'est directement installé à la gauche du suicidaire. Durant quelques instants, il ne s'est rien passé avant qu'il ouvre la bouteille d'alcool. Il a frotté l'embouchure, se rendant bien compte qu'il y avait des chances qu'un sans-abri y ait posé ses lèvres.

Il en a bu trois gorgée avant de tendre la bouteille en verre à Karl pour que ce dernier en fasse de même. Il a directement obéi et s'est mis à boire tandis que Stan débouchait le stylo qu'il avait certainement trouvé dans toutes les affaires entassés de l'appartement de son père. Ce dernier vit au dernier étage avec les trois ingrats d'enfants que lui a laissé sa femme avant de disparaître Dieu ne sait où. Il y a Stan et deux gamines, Dorine et Mieke, les soeurs jumelles.

Le père du fêtard ne dit jamais rien lorsque son fils et son ami viennent chercher de quoi boire jusqu'à perdre raison ou ce qu'il leur faut pour fumer un peu trop, parce qu'il s'en fout de son fils, et de ses filles. La seule chose qui le tracasse est Solange, son épouse adorée mais elle est partie l'an dernier et personne ne sait sur quel sol elle marche actuellement. Si elle est en train de dormir, de se faire frapper ou de cambrioler une pompe à essence avec un délinquant. Stan n'en a rien à foutre de sa mère et sa petite soeur, Mieke aussi parce que c'est une lâche, qui n'a jamais réussi à rien faire de bien pour eux. Dorine, par contre, aimait cette femme et l'aime toujours. Elle lui en veut d'avoir quitté sa famille sans prévenir personne et de ne même pas essayer d'en prendre des nouvelles. Même si ce n'était qu'une fois tous les deux mois, même si ce n'était que pendant deux minutes.

Ils ne parlent jamais de Solange ensemble, Stan et Karl, parce que ce sujet de conversation énervent le premier et accentuent les envies suicidaires du second.

Un jour, Stan a demandé à son meilleur ami la raison pour laquelle il avait davantage envie de mettre fin à ses jours lorsqu'il est question de Solange. Le grand blond n'a pas beaucoup réfléchi avant de dire qu'elle représentait tout ce qu'il n'avait pas envie de devenir. Il préférait donc mourir plutôt que de vieillir de la sorte.

Depuis lors, le sujet n'a plus jamais été remis sur le tapis.

Ce soir-là, aucun d'eux n'en a parlé. Ils ont simplement bu une demi bouteille en écrivant quelques mots ou en repensant à l'après-midi passée.
Jusqu'à ce que Stan décide de mettre un plan à exécution.

   -Dans ce cas, on tuera Tim en septembre!, s'est exclamé le garçon enjoué.

Karl ne semblait pas comprendre la raison pour laquelle son meilleur ami avait décidé que ça se passerait en septembre alors il l'a questionné, sans s'arrêter de boire pour autant.

    -La semaine dernière, tu m'as dit que tu te suiciderais en septembre et il y a à peine une heure, tu m'as fait l'éloge de Tim comme étant une bête au lit, a assuré Stan, qui avait bien réfléchi à la question. J'ai donc pris la décision de te laisser ton connard de Tim jusqu'à la fin pour que tu meurs soulagé sexuellement parlant et ensuite, tu lui tires une balle dans la tête avant de retourner le flingue vers toi.

D'après Karl, les explications de son meilleur ami tenaient plus que la route et il appréciait tous les efforts qu'il faisait pour l'aider. Malgré tout, ça ne lui plaisait absolument pas que son ami, d'habitude si enjoué, si heureux de vivre, décide de se mêler de trop prêt de ce genre de choses. Il était inquiet pour Stan et pour ce que cette histoire fera advenir de lui.

   -Merci, Stan, a donc lancé Karl après quelques instants. Merci de m'aider autant mais je te préfère quand tu fais la fête et m'engueules parce que je suis rabat-joie.

Le concerné a déposé le stylo qu'il tenait dans sa main gauche à l'entente des paroles de son ami. Ayant peur de comprendre qu'il devait partir, il a choisi de prendre cela au second degré et de réagir avec le sourire.

   -Parce que Monsieur veut rester seul, maintenant, a commencé Stan, le garçon aux épaules très larges. Je vais te laisser gérer cette merde tout seul pendant que je vais chercher une seconde bouteille pour que je puisse faire la fête, sur ce toit.

Il ne riait pas et est vraiment descendu jusqu'à l'appartement de son père. Il en est revenu avec un alcool très fort et comptait bien en boire à outrance, uniquement pour faire regretter à Karl les quelques mots qu'il avait innocemment prononcés quelques instants plus tôt.

   -Tape-toi Timothy, si ça te chante mais cesse directement de me dire ce que je dois faire, a déclaré Stan un quart d'heure plus tard, comme si une seule petite minute s'était écoulée depuis que son ami avait parlé.

Karl n'a pas répondu, réellement déstabilisé. Ces paroles avaient l'air de n'avoir aucune réelle signification mais ça a directement eu de l'impact sur le garçon à qui elles étaient destinées.

Très rapidement, sans aucune raison valable, les deux amis ont fini debout sur le toit. Ils y étaient bien ancrés et se regardaient dans les yeux avec haine.

   -J'essaie de t'aider et toi, tu me demandes de dégager, a commencé le plus frustré.

   -Je n'ai pas besoin de ton aide, Stan. J'ai besoin que tu me laisses me débrouiller et que tu ailles t'amuser, bordel!

Il a souri, suite à ces mots. Il a souri parce que c'était adorable, ce que son ami venait de dire.

   -Le problème est que je m'amuse indéniablement avec toi, a avoué Stan. Tu es suicidaire, dépressif, lunatique, désagréable, grossier et j'en passe mais ça fait six ans que tu es mon ami et dans le fond, j'aime beaucoup passer mes soirées assis sur ce toit pourri avec toi qui râles à propos de Tim ou me racontes ta vie sexuelle avec ce même enculé.

Pour simple réponse, Karl lui a tendu son beau doigt central avant de déposer la bouteille qu'il tenait toujours au sol et de se diriger vers les escaliers. Touché par les mots gentils de son ami, il a décidé de rentrer chez lui ou dormir dans le prochain train, pour éviter de lui montrer qu'il n'était pas le garçon de pierre comme il aime le faire croire.

Un vrai suicidaire est censé ne pas avoir de sentiments alors si quelqu'un savait que ce n'était pas le cas, il ne serait plus jamais pris au sérieux.

Et on souriaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant