14 : Une lettre

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Cher Stan,

Je sais que pendant plus de deux ans, je ne t'ai envoyé aucune nouvelle. Je tiens à m'excuser quant à cet acte égoïste mais j'avais besoin de me tenir éloigné de mon ancienne vie.

Depuis la dernière fois que je suis revenu et que j'ai appris le décès de Maman, je sais que revenir chez moi, passer mon temps libre avec toi sur le toit et continuer à voir Tim en cachette n'était pas une bonne idée.

J'avais besoin de me créer une nouvelle vie, une nouvelle identité et surtout arrêter de penser sans cesse au suicide dès que je suis seul, au même lorsque je suis accompagné.

M'éloigner de vous aurait pu paraître égoïste et l'était certainement en fin de compte, mais je savais au plus profond de moi que c'était la meilleure solution, que ça m'aiderait à changer mon état d'esprit et surtout à devenir une personne plus saine et mieux dans sa peau.

Si ça peut te rassurer, ça a porté ses fruits, c'est ce qu'il s'est passé. Je suis devenu quelqu'un de plus heureux, de plus entier. Je suis devenu Karl le gentil, Karl le bon, Karl qui partage et n'a pas peur de montrer ses sentiments.

Tu dois certainement penser que j'ai du culot de t'envoyer cette lettre dans laquelle je répète que je préfère qui je suis actuellement. Je pourrais accepter le fait que tu m'en veuilles si ça venait à être le cas, parce que c'est légitime mais si je t'envoie cette lettre à toi, Stan, ce n'est pas par pur hasard.

Il m'arrive encore de penser à toi et à tous les moments passés ensemble sur le toit.

Ce toit est encore mon endroit préféré sur cette terre, malgré le fait que je n'y suis allé dessus qu'une fois en trois ans. J'y pense encore souvent, à notre amitié et il m'arrive de la regretter, de me dire qu'elle me manque.

J'ai d'ailleurs voulu reprendre contact avec toi une dizaine de fois mais à chaque fois, mon nouveau Moi me retenait et me rappelait l'état dans lequel j'étais quand je passais un peu trop de temps sur ce toit.

Je ne veux nullement dire que c'est ta faute, Stan, au contraire et je suis désolé si c'est ce que tu comprends- mon indélicatesse avec les mots ne m'a pas quitté en revanche.

Je veux juste dire que lorsque je passais ma vie entière à cet endroit, je n'étais encore qu'un adolescent perdu et en manque atroce de confiance en lui.

Puis, il y avait Tim, le garçon qui m'a permis de me définir et qui m'a fait comprendre la définition du mot « amour ». J'ai beaucoup réfléchi à la relation que l'on entretenait tous les deux et j'ai fini par me dire que Tim était celui qui me tenait la tête hors de l'eau mais qui me noyait par la même occasion. Parce qu'il avait honte de moi, de qui il était lorsqu'il était avec moi.

Je pense que c'était la même chose pour toi. Certes, on a passé des millions de moments géniaux tous les deux mais jamais l'idée de me présenter comme ton meilleur ami à tous tes autres amis ne t'est venu à l'esprit. J'ai très vite accepté cette idée et n'ai jamais rien dit à ce sujet mais ce n'est pas pour autant que je n'en pensais pas moins. Cette relation était malsaine et me détruisait petit à petit. Je savais qu'il n'était même pas question de venir te demander une clope dans une de ces soirées que tu aimais tant sans que tu ne rigoles de moi pour amuser la galerie.

Je me suis dit que c'était une chose normale, que toutes les amitiés étaient en quelque sorte comme celle-là mais un jour, sans que je ne comprenne sur quoi elle se fiait pour dire cela, Azalée m'a fait comprendre qu'une relation amicale non-assumée est quelque chose de si malsain qu'elle aurait été capable d'en détruire l'un de nous. Puis, elle a ajouté que je me détruisais petit à petit, que je commençais à perdre une certaine joie de vivre qu'elle avait jugée existante auparavant, je ne sais par quel miracle.

Je ne veux pas dénoncer Azalée et te faire comprendre à travers ces mots que tu étais un mauvais ami. Jamais je n'oserai dire que notre amitié était du temps perdu car ça serait mentir mais je veux juste te faire comprendre que tu aurais peut-être pu essayer de mieux te comporter avec moi, tu aurais pu tenter de me comprendre et de m'aider.

Je sais que je n'ai jamais été quelqu'un de facile et que tu es parvenu à me retenir de la mort à plusieurs reprises- je t'en remercie d'ailleurs- mais je pense que tu es à chaque fois intervenu par simple politesse. Ne m'appréciais-tu seulement un peu ?

Mais ne t'inquiète pas, Stan, je n'ai pas pris de mon temps pour t'écrire uniquement dans le but de te reprocher une tonne de chose. Non, je compte également m'excuser quant au comportement nul que j'ai souvent eu avec toi.

Je tiens à m'excuser de toutes les fois où je t'ai parlé de flingue, sang et mort, de toutes les fois où tu as dû passer ton temps assis dans la salle de bain où je me couchais la nuit lorsque j'allais mal, du fait que j'allais mal en permanence, que je me plaignais sans cesse et que tu aies dû prendre énormément de ton temps et de ton énergie à chaque fois que je fuyais tel un lâche.

Je sais que j'ai rarement été un bon ami, que ma façon d'être laissait vraiment à désirer et devait t'énerver au plus haut point. Pourtant, malgré tout ce que j'ai bien plus te reprocher quelques lignes plus haut, je tiens à te remercier pour tout ce que tu as bien pu faire pour moi lorsque l'on n'était qu'à deux et d'avoir accepté ma relation, bien que dégueulasse et malsaine, avec Timothy.

C'est peut-être grâce à toi que je suis encore en vie à l'heure où je t'écris cette lettre, que j'ai réussi à me reconstruire et à devenir heureux.

Ma lettre touche à sa fin mais sache que si je te l'ai écrite, c'est bien parce que tu fais encore partie de mes pensées quotidiennes et que je suis bien loin d'avoir fait une croix de mon passé dans lequel tu tenais une des places principales.

Tu seras toujours mon meilleur ami, mon premier vrai meilleur ami.

J'espère que tout va bien pour toi et que tu réussis ta vie. Que l'alcool ne fait plus partie de ton quotidien et que ta famille se porte bien aussi.

N'hésite pas à me répondre,

Bien à toi,

Ton cher et tendre ami, Karl. 



J'ai beaucoup réfléchi et 

j'avais vraiment besoin de faire revivre Karl 

pendant un instant donc je l'ai fait.

Et on souriaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant