Là où tout a commencé (Lysandre)

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État du Tennessee, Nashville, 17h45 :

"Elle marchait, seule, avec ses jambes."

J'efface furieusement ma ligne. Évidemment qu'elle marchait avec ses jambes Lys, tu veux qu'elle marche avec quoi d'autre ? 

"Elle marchait, ses cheveux volaient autour d'elle l'enveloppant comme..."

Comme quoi ? Comment ils pourraient envelopper quoi que ce soit ses cheveux ? 

"Elle marchait, elle se sentait libre, elle se sentait belle."

Mais pourquoi ? Pourquoi elle se sentirait belle franchement ? Je te rappelle que tu es censée écrire l'histoire d'une valeureuse guerrière qui voyage entre les époques ! Pas les aventures d'un mannequin Victoria's Secret !

"Elle marchait et puis elle balaya son foutu clavier parce qu'elle avait vraiment besoin d'une pause qu'elle ne pouvait pas prendre parce que son éditeur est un gros con qui ne comprend pas que l'inspiration n'est pas un Pokémon."

Je laisse tomber ma tête sur mon clavier et entreprends de pleurer dessus. Je crois que c'est le mieux que je puisse faire. Je jette un coup d'œil distrait à ma fenêtre : le soleil commence lentement à se coucher, quelques notes de guitare résonnent dans l'air et des rires fusent déjà de toute part.

Et si je prenais rien qu'une toute petite pause ? 

Juste le temps d'aller dire bonjour à Jo, peut-être chanter quelques chansons, boire un petit verre...

Mon téléphone se met brusquement à vibrer me faisant sursauter comme une enfant prise la main dans un sac de bonbons. Je tente de me ressaisir et de me redonner une contenance avant de décrocher. 

- Lysandre Clark j'écoute ? 

- Cela fait dix mois Mlle Clark. Dix mois et toujours pas un chapitre. 

Je m'affale sur mon canapé déchiré et soupire longuement. Je m'efforce de garder un ton neutre et de parler d'une voix posée et calme. 

- Je sais... j'ai déjà pris une avance considérable mais j'ai juste besoin de plus de temps. 

Le document Word complètement vierge arborant le magnifique titre de chapitre un semble me narguer ouvertement. 

- Vos lecteurs ne vont pas vous attendre éternellement, sachez le. Je vous laisse deux mois de plus. Après ça je pense qu'il faudra penser à mettre fin à notre contrat.

Je m'apprête à protester mais cet énorme connard d'éditeur me raccroche au nez sans la moindre once de pitié. 

Deux mois. 

Il me laisse deux mois pour écrire un roman, le corriger et le relire.

Tout va bien. 

Alors que je m'apprêtais à me lamenter copieusement sur mon sort, mon téléphone sonne une nouvelle fois. Pensant qu'il s'agit d'un autre appel d'éditeur Jesuisungroscon, je décroche avec une animosité non dissimulée :

-  Quoi encore ? 

- Eh bien ! Quel accueil ! C'est comme ça que tu salues une vieille amie ?

Je me redresse d'un coup en entendant la voix de mon amie d'enfance. 

- Lola ?

- C'est bien moi. J'aimerais vraiment prendre le temps de te faire la conversation mais du temps c'est quelque chose que je ne possède malheureusement pas.

- Alors... pourquoi est-ce que tu m'appelles si ce n'est pas pour me faire la conversation, lui demandé-je quelque peu perplexe.

- Alison a besoin de nous. 



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