Faux départ

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Il y a 13 ans...

J'essuie mes mains trempées sur ma robe en polyester ce qui ne fait qu'aggraver la situation. J'ai beau faire des exercices de respiration comme l'avait conseillé notre maîtresse, je n'arrive pas à me calmer. Je passe dans cinq minutes et la seule chose à laquelle je pense c'est que je vais avoir les mains trempées de sueur lors du salut final. Tout le monde se souviendra alors de moi comme "la grosse dégueulasse qui sent mauvais et qui sut toujours abondamment". J'aperçois au fond de la salle notre professeure qui semble nous faire des signes, la musique s'arrête et je comprends que c'est à moi. 

Allez Lysandre. Rien qu'une scène. Dix lignes. Que tu connais mieux que ta propre date de naissance. Bon, bien sûr, il y a cette entrée particulièrement gênante mais...

Tout. Va. Bien. Se. Passer. 

Lentement, je m'avance sur la scène. Je la traverse sans me soucier des musiciens et des choristes et viens me planter face au public. Si seulement je n'avais pas manqué cette répétition générale, peut-être que j'aurais été moins angoissé ! 

- JE SUIS LA GROSSE REINE ÉCOUTEZ MOI ! 

Je m'arrête après cette première phrase. Pourquoi ? Oh c'est très simple. Je me suis trompée dans mon texte et je suis incapable de rectifier. Oh mais ce n'est pas tout. Je viens aussi de me rendre compte que le public me fixe avec des yeux horrifiés et que Mme Pierce me fait de grands gestes au fond de la salle. Pourquoi fait-elle de grands gestes ? Oh c'est très simple. 

Ce n'était pas mon tour. 

Je viens d'hurler mon texte comme jamais je ne l'avais fait alors qu'il ne le fallait pas. 

La chanson n'a même pas commencée, il ne s'agissait que de l'introduction musicale. 

Je veux disparaître.

Rome J-20 

- Je n'arrive pas à croire que moi, Lola Leroy, je vais prendre le métro. 

Je me stoppe d'un coup dans ma conquête du métro italien et me retourne lentement vers la plaignante. Elles n'ont pas arrêté de jacasser. J'ai eu beau leur administrer une bonne centaine de claques, elles n'ont pas cessé de gémir. D'abord c'était leurs chambres qui étaient beaucoup trop vieillottes, ensuite c'était l'araignée qui était dans les rideaux de Lola, ensuite elles se sont plaintes de devoir trop marcher, que les routes étaient trop sales et maintenant elles se plaignent aussi de devoir prendre le métro. La seule chose qui les a fait taire, c'était le repas. 

 Il était... excellent.

En fait je n'avais rien mangé d'aussi bon depuis... depuis... 

Ah bah non en fait. Je dis n'importe quoi. Je n'avais jamais rien mangé d'aussi bon tout court. 

Peut-être est-ce parce que j'avais oublié à quel point la cuisine italienne est bonne, ou peut-être que c'est simplement parce que je la redécouvre à chaque fois. Dans tous les cas, mes papilles étaient ravies et celles de mes emmerdeuses préférées l'étaient aussi. J'étais donc... totalement satisfaite.

Au passé puisque les dix minutes de marche entre notre hôtel et le métro ont fait râlé Lola et Alison, douchant en même temps mon enthousiasme. 

Sauf que, et je viens de le décider, rien ne gâchera cette journée. 

Absolument rien. 

M'installant devant le quais, je me rends compte que tous les métros du monde sont aussi sales les uns que les autres. Ce n'est qu'un constat comme un autre, il ne gâchera evidemment pas ma journée puisque rien ne le peut. 

Tout va bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant