Chapitre 7

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Arthur était sorti avec les enfants, pas le choix. Pourquoi? Parce que leur père était venu et que celui-ci s'était empressé d'emporter Francis dans la chambre. L'anglais grimaça à cette pensée. Il venait de se réconcilier avec lui et voilà qu'un autre profitait de son corps. Bien sûr c'était le privilège Alpha-Oméga! Arthur voudrait bien dire qu'il détestait les Alphas mais en voyant la bouille innocente de Alfred, il ne pouvait s'y résoudre. Il sentit qu'on tirait sur sa manche et il baissa les yeux, rencontrant le regard améthyste de Mathieu.
- Tu es triste parce que Papa est avec Père.
- Non, ce n'est pas grave.
- Tu voudrais Papa pour toi tout seul.
- ...Oui. Mais c'est mieux que de ne pas l'avoir du tout.
- Quand Al et moi on sera grands, Papa pourra n'être qu'à toi. Non?
Arthur sentit la tristesse monter en lui. Même si il épousait Francis, même si les enfants étaient grands, le bel Oméga ne serait jamais à lui.
- Non Matt. Ton Papa a besoin d'un Alpha et je n'en suis pas un.
- Mais Papa dit toujours que l'amour est le plus fort...
- C'est vrai. Si on ne s'aimait pas si fort, nous ne pourrions pas survivre à cette situation.
Le jeune adolescent se mordilla la lèvre tout en réfléchissant, en tant qu'être humain, Francis voulait Arthur. CQFD. En tant que Oméga, il voulait Romulus. Lui-même devrait-il jongler ainsi? Être avec un Bêta mais se sentir insatisfait au plus profond de son corps ou tomber amoureux d'un Alpha mais il faudrait que celui-ci lui soit fidèle. Là ça serait le plan idéal.
- Ne réfléchis pas trop Matt.
- Les chaleurs de Papa... Tu ne peux pas les combler...
Arthur serra les poings, c'était en effet ce qui faisait que le cuistot avait besoin de ce foutu italien.
- Non, je ne peux pas. Lui le peut, c'est la vérité pure et simple.
Mathieu prit l'une des mains serrées dans la sienne et l'adulte se détendit, son regard émeraude semblant un peu moins blessé. Ce qui était déjà ça de gagné. Puis Alfred débarqua avec son ballon de foot, réclamant une partie à trois à laquelle les deux autres finirent par accepter de participer.
Francis avait les yeux bandés et les mains attachées. Les jambes largement écartées et la bouche entrouverte, totalement offert. Romulus venait de perdre Nassim et d'après les nouvelles que lui avait donné Gilbert, il pourrait bien perdre Hendrich aussi. Pour se rassurer, il n'avait pu s'empêcher d'aller posséder à nouveau ses Omégas restants. D'abord Hérakles qu'il ne voyait pas souvent puis Charles et maintenant Francis. Loïs étant enceint de lui, il ressentait moins le besoin de réaffirmer sa possession.
- ...mus...
- Je suis là.
Il passa une main dans les cheveux d'or, ses lèvres venant cueillir les fruits rouges des siennes, les mordillant avec appétit. Plus bas son autre main passait dans les fins poils blonds, s'amusant avec mais sans réellement toucher l'évident désir de son partenaire. Il le faisait languir depuis le début. Après l'avoir aveuglé puis attaché, il avait versé sur ce corps magnifique de l'huile de massage à la pomme d'amour qu'il avait longuement étalé sur cette peau avant de la lécher langoureusement. L'autre s'était alors tortillé sous lui, désireux et quémandeur, exhalant de puissantes phéromones. Tellement sexy... Mais il n'avait pas cédé, léchant tout et partout sauf ce qui intéressait Francis. Cependant lui-même commençait à être à court de patience alors il décida de le combler en partie. S'installant entre les jambes de l'autre, il passa son index le long de la peau frémissante jusqu'à atteindre la petite fleur de chair. Il pu le rentrer sans soucis tant c'était mouillé. Francis poussa un léger soupir de satisfaction, heureux de sentir enfin son Alpha en lui même si ça n'était que son doigt. Romulus s'amusa un moment de cette façon, entrant et sortant de ce chaud tunnel.
- Tu es si humide et détendu...
- Je.. te veux...
- J'en connais un qui ne serait pas heureux d'entendre ça.
Francis prit cette phrase comme un coup au cœur. Inutile de lui rappeler ça! Il avait vu le regard de Arthur quand Romulus l'avait jeté sur son épaule pour l'emmener dans la chambre. L'italien lui avait sans doute bandé les yeux pour ne pas se sentir froissé de la tristesse s'y lisant clairement. Il tira sur ses liens au moment où il sentit trois doigts jouer en lui, se pliant et frottant ses parois. Il se sentait mouiller encore plus et son corps avait chaud. Terriblement chaud. Il se tendait vers son Alpha, son bassin faisant des mouvements plus que suggestifs, pour tenter de l'attirer en lui. Francis l'ignorait mais il le réclamait même à voix haute ce qui excitait encore davantage son Alpha. Soudainement les doigts partirent et la chaleur de l'italien également. Essoufflé, perdu, Francis avait tous les sens en alerte. Un petit cri lui échappa quand on lui saisit les chevilles puis il cria de plaisir comme il sentit l'épaisse longueur entrer en lui. Un long frisson le parcouru de la tête aux pieds. Ça, bordel, ça c'était génial. Il frissonna à nouveau en entendant la voix rauque de Romulus à son oreille.
- Tu aimes ça, quand je te prends...
- ...O-Oui...
Dieu oui qu'il aimait ça! Que son amour lui pardonne mais ça, c'était incomparable. Il sentit ses jambes être remontées sur les épaules de l'autre et ses grandes mains saisir ses hanches. Sa respiration se coupa sous l'anticipation, c'était sa position préférée et le millionnaire le savait. Sans plus tarder, il entama de forts et rapides mouvements, faisant claquer les fesses du blond contre ses propres cuisses. Francis sentait la peau de ses poignets craquer sous la force qu'il exerçait sur ses liens mais il s'en fichait. Son dos s'arquait, sa voix s'élevait et il respirait un coup sur deux. Le paradis charnel, une sensation de complétude parfaite. Encore, il en voulait encore!
- Oui... Oui continue de supplier...
Francis gémissait, pleurait presque tant c'était bon. Extatique. Il était un Oméga, il était un être fait pour le sexe. Il adorait ça, il adorait son Alpha. Il adorait sentir sa queue en lui, il voulait qu'il le remplisse.
- Oui, je vais jouir en toi. Longtemps.
Pensait-il tout haut? Peu importait au final. Plus rien n'avait d'importance quand un Oméga s'accouplait avec un Alpha, seul l'Alpha dans son corps était important. A ce moment précis où Francis couinait et criait son plaisir, une seule chose tournait en boucle dans son cerveau noyé d'hormones et de phéromones: se faire imprégner. Il voulait être emplit jusqu'à la lie de son Alpha. Il voulait être fécond, il voulait que son Alpha jouisse tant en lui qu'il ne pourrait plus le contenir. Rien que cette pensée suffit à le faire jouir, son corps se tendant subitement en un cri sublime. A bout de souffle, il sentait pourtant toujours les allées et venues du pénis de l'autre au creux de lui.
- C'est loin d'être fini...
Il poussa un gémissement de plaisir et d'anticipation en réponse.

Nassim admirait son nouveau logis, enfin fonctionnel et décoré à son goût. Il portait Amir dans ses bras, bien calé sur sa hanche. De son bras libre il tenait Yasmine par la main, Farah tenant son tee-shirt du coté du bébé.
- Vous aimez notre nouvelle maison?
Yasmine se cacha le visage contre son jean, regardant craintivement le salon aux murs orange clémentine, le canapé crème et le grand tapis effet zèbre.
- Pas maison...
Nassim soupira doucement. La décoration ressemblait beaucoup à leur ancien appartement mais fatalement ce n'était pas «la» maison. Farah semblait un peu moins craintive, elle regardait le coffre à jouets posé un peu plus loin, pas trop près de la fausse cheminée.
- Tu veux aller jouer?
- Je peux?
- C'est chez nous, bien sûr que tu peux. Ce sont vos jouets.
La petite regarda son père un moment puis lâcha son tee-shirt pour aller voir. Elle ouvrit le coffre et trouva avec joie ses poupées et ses petits poneys multicolores. Elle sorti ceux-ci et les étala sur le tapis, toute heureuse. Voyant sa sœur s'amuser, Yasmine réussit à lâcher son père pour aller prendre quelques jouets elle aussi, posant son doudou près d'elle. Quand même, ça la rassurait de l'avoir juste à coté. Rassuré, lui aussi, Nassim s'avança plus en avant dans la pièce et posa Amir dans son parc. Celui-ci se saisit d'une peluche qu'il commença à tripatouiller et à mordiller. Bien qu'il n'ait aucunes dents encore, mais puisque ses gencives le démangeait, ça serait peut-être pour bientôt. Le père de famille s'affala sur le grand canapé en cuir crème, regardant la fausse cheminée crépiter tout en écoutant ses filles babiller juste à coté. Il y avait des photos des enfants, de lui avec eux, d'eux tous avec Romulus et maintenant, des photos d'eux avec Baal. Les enfants l'avaient rencontré plusieurs fois et ils s'étaient habitués à lui avant qu'ils n'emménagent tous ensembles. En plus, Romulus avait rassuré les filles, il était toujours leur père et il viendrait toujours les voir. Nassim n'avait pas vérifié mais il savait que dans le dressing, il y avait deux parties. Une moitié avec ses affaires et une moitié avec celles de Baal. Ses costumes, ses ceintures, ses cravates, ses mocassins classes, ses jeans, ses pulls, ses chemises, ses tee-shirts. Tout quoi. Dans la salle de bain, il y aura une autre brosse à dents, un autre parfum, un autre rasoir, un autre déodorant... Une vie à deux. Il était un peu anxieux à ce sujet puisque, après tout, il n'avait jamais fait ça avant. Au moins Baal, avait-il vécu en quasi couple avec Falcata pour plusieurs années. La pensée de Falcata le contraria un peu. Il l'appréciait beaucoup et il s'en voulait de le mettre à la porte, si on pouvait dire, mais il se voyait mal partager Baal après avoir enfin accepté de se laisser mordre. En y pensant, il passa sa main sur son collier de cuir rouge. Il le portait toujours mais plus par habitude que par volonté de cacher la morsure.
Il venait tout juste de poser le plat de tajine sur la table quand la porte d'entrée s'ouvrit. Baal posa sa serviette de travail, sa veste et ses chaussures puis vint dans la cuisine, les deux filles l'accueillant d'un «Baba!» sonore. Elles avaient décidé que c'était un bon compromis entre Baal et Papa. Ému, il avait de suite accepté ce sobriquet. Il se dirigea vers Nassim et l'enlaça par la taille, posant un baiser léger sur ses lèvres.
- Bonsoir, Habibi.
Nassim rougit légèrement à l'entente de ce mot arabe signifiant mon amour ou mon chéri. Il n'aurait pas pensé que Baal serait du genre à lui dire ça mais c'était adorable et il le lui rendait de bon cœur.
- Content de te voir, Habibi. Tu as passé une bonne journée?
- La routine habituelle. Ça sent vraiment très bon.
Le jeune tunisien sourit au plus âgé puis commença à servir tout le monde. Il ignorait à quoi pouvait bien ressembler la routine dans un univers comme celui de Baal mais puisque ça voulait dire que tout allait bien, il n'allait pas faire de plus amples commentaires. Baal discuta un moment avec les filles, très heureux de savoir que leurs jouets et leurs chambres leur plaisait vraiment beaucoup. Amir dormait par ailleurs dans la sienne. C'était une soirée calme, tranquille. Familiale. C'était une sorte de paradis se disait-il en faisant la vaisselle une fois les filles parties. Pour lui, jeune Oméga rejeté, répudié, maudit, pire qu'un clébard galeux, cette ambiance lui avait manqué. A treize ans il était déjà privé de famille. La seule chose qui lui était vraiment restée de ce moment horrible où on le lapidait avant de le vendre sur le trottoir était les larmes de sa mère, illuminant ses yeux sombres. Le reste de son visage était caché par le voile. Elle pleurait mais elle n'avait pas bougé, elle n'avait pas essayé de le sauver. Il savait pourquoi, son père devait déjà la maudire de lui avoir donné une pute pour fils alors si elle avait essayé de l'aider, Dieu seul savait ce qu'il lui aurait fait. Il sursauta et tenta de se débattre quand l'autre le prit dans ses bras, ne l'ayant ni entendu ni vu arriver.
- C'est moi Nassim, ce n'est que moi.
Il gémit, les larmes coulant sur ses joues. La prise se resserra sur lui. Ses mains agrippèrent les bras forts mais pas pour les éloigner, au contraire, pour se raccrocher à eux.
- Je suis désolé Habibi, tellement désolé...
Il connaissait l'origine des traces sur la peau dorée. Il connaissait le passé de son Oméga sans même le demander. Il suffisait de connaître leur culture pour s'en douter. C'était malheureusement confirmé par les réactions du jeune homme qui sanglotait à s'en étouffer, dos à lui. Il ne voulait pas qu'il le voit dans cet état de faiblesse mais il acceptait son soutien. Ce qui était déjà d'une grande valeur. Il aurait tant voulu pouvoir le chérir dès le début, le tirer de cet enfer au plus vite. Romulus avait été plus rapide et même si ça lui arrachait la gueule de l'avouer, son rival en affaires avait prit grand soin du garçon. Si ça n'avait pas été le cas, il aurait enfin eut une raison valable de l'écorcher vif. Finalement, Nassim se tourna vers lui. Il avait les yeux gonflés, les joues rouges et son nez coulait. Baal sourit.
- Tu es magnifique, Nassim.
Le concerné garda le silence quelques instants puis finit par glousser doucement avant de franchement éclater de rire. Il ne ressemblait à rien mais aux yeux de son partenaire destiné, il était sublime. Comment lutter contre cet amour inconditionnel?

- J'ai l'impression de passer mon temps à dormir et manger...
Julien releva la tête des documents qu'il lisait, regardant Ewen qui était occupé à passer le balai dans le salon.
- Ton corps a besoin de ça pour s'adapter pleinement à ta grossesse, mon amour.
- Je sais bien mais j'ai peur de perdre le fil de mes études.
- Tu pourrais faire une pause et reprendre après.
- Hors de question. Je te l'ai dit et redit, je n'arrêterais pas le lycée!
Le roux soupira profondément. Il comprenait ce que voulait dire Ewen, ne pas vouloir redoubler ni rater ses années lycée mais bon... Il serait plus simple pour lui d'arrêter et de reprendre ensuite plutôt que de jongler entre la grossesse et son année de seconde. Dans un sens, heureusement que ce n'était pas une année de baccalauréat. Sinon, Ewen aurait probablement paniqué encore plus. L'Oméga termina son ménage en une quinzaine de minutes puis contourna la table basse, quasi disparue sous le tas de paperasse, afin de venir s'installer sur les genoux de son Alpha. Il scruta les yeux noisette aux reflets ambrés, tellement beaux...
- Tu as besoin de quelque chose chaton?
- Je veux juste rester avec toi...
- D'accord, laisse moi finir avec ces papiers.
- Ils sont importants pour ton usine de textiles?
- Oui chéri.
Ewen se cala contre lui, le laissant terminer sa lecture plus que rébarbative sur les taux de TVA. Jacob, le frère aîné, était un laborantin de talent mais il était de type Bêta. Julien lui n'était que le directeur d'une petite usine de textiles et pourtant il était de type Alpha. Le dernier frère, Alain, était aussi un Bêta et un libraire. Une famille qui somme toute avait parfaitement réussie sa vie et trouvée sa place dans la société. Jacob Jouy était connu et reconnu pour avoir inventé les suppresseurs Alpha, permettant à ceux-ci de brider leurs hormones et d'avoir une vie plus simple et rangée comme n'importe quel Bêta lambda. Son propre frère Julien en avait bénéficié le premier. Ewen savait que les trois frangins n'étaient pas du genre proches mais en cas de pépin, ils seraient là. Jacob avait aidé Julien avec ses soucis hormonaux, Julien avait aidé financièrement Alain au tout début pour ouvrir sa librairie. Une aide cachée d'ailleurs, pour ne pas froisser le concerné. Il trouvait ça vraiment important d'avoir une famille, aussi dysfonctionnelle qu'elle pouvait être.
- Julien, je veux voir mon père.
- Vraiment?
- ...Je veux être sûr qu'il aille bien.
Le roux finit par hocher la tête. Il lui dit donc qu'ils iraient voir Wido le samedi suivant, si tant était que celui-ci veuille bien leur ouvrir la porte. Ewen ne voulait pas abandonner son père malgré que ce dernier l'ait vendu comme du bétail mais plus encore, il voulait le connaître. Sous son contrôle, il n'avait jamais osé poser de questions mais maintenant qu'il était détaché de lui et sous la protection de son Alpha, il voulait savoir. Et il se sentait assez fort pour le demander clairement. Pour savoir où on va, il faut déjà savoir d'où on vient. Ewen était décidé à percer ce mystère.
Wido regardait l'écran de la télé où passait un documentaire sur les profondeurs océaniques. Cerbère dormait à ses pieds, l'énorme doberman ronflant comme un bienheureux, ses pattes arrières gigotant parfois dans son sommeil. Son verre de whisky en main, il se faisait l'effet d'un vivant déjà mort. Et ce n'était sans doute pas loin de la vérité. Son regard se posa sur la photo punaisée sur un coin de tableau, on y voyait Ewen l'air apeuré et âgé de quatre ans qui se tenait au jean de Wido, l'air aussi peu aimable que d'habitude. C'était l'assistante sociale qui avait prit une photo d'eux pour «commémorer le commencement d'une nouvelle vie» ou une niaiserie du genre. Ne sachant pas quoi en faire, il l'avait punaisé là en rentrant avec le mioche et n'y avait plus touché. C'était la seule photo qu'ils avaient. Il devrait la détacher puisque le gosse était parti mais il avait eut la flemme de le faire jusqu'à maintenant. Il n'avait pas défait sa chambre non plus. Il bu le fond de son verre cul sec puis se leva, se dirigeant vers le tableau mais fut interrompu par la sonnette. Il soupira, est-ce que c'était encore la voisine qui voulait lui filer de la bouffe? Elle semblait décider à le mettre dans son lit depuis que Ewen était parti en l'amadouant avec des tartes et des gratins. Il ouvrit en grand, les sourcils froncés et... se retrouva baba.
- Bonjour Père.
- Ewen? Julien.
Si au début il était surprit, par la suite il était clairement glacial.
- On peut entrer?
- Toi oui, lui non.
- Mais Père...
- Je suis son Alpha, Wido. Là où il va, je le suis.
- Je te l'ai refusé mais tu l'as prit quand même. J'admire ton esprit sournois.
Ewen comprit alors que Wido avait toujours su que Julien était un Alpha et comme lui était un Oméga, il avait toujours tout fait pour ne pas qu'ils se voient. Était-ce une manière étrange et maladroite de le protéger pendant cette période trouble de l'adolescence? Ewen tendit la main et la posa en douceur sur le bras de son père, se recevant de plein fouet son regard violine colérique. Ayant lui-même les yeux de cette teinte, du moins proche en coloris, il avait toujours aimé ceux-ci car les considérant comme un lien entre eux.
- S'il te plaît. Laisse-nous entrer, j'ai des choses à te dire.
- Pas longtemps.
- Merci.
Wido retourna s'affaler sur son fauteuil favori et se resservit un verre de whisky. Cerbère leva la tête, prêt à grogner mais il reconnu Ewen et resta donc sagement couché. Il surveillait néanmoins Julien, prêt à réagir si son maître lui en donnait l'ordre.
- Tout d'abord Père, je suis vraiment heureux de voir que tu vas bien. Je m'inquiétais pour toi.
- Hm.
- J'ai vécu un temps avec Romulus, il est très gentil. Il a prit un autre Oméga à ma place, acceptant ainsi de me donner à Julien. Loïs est devenu mon ami et Romulus tient sa promesse de payer mes études.
- Je vois.
- Père, je suis enceint. Cette perspective m'a fait beaucoup réfléchir, à toi et à mes vrais parents. Mais au final, celui que je veux connaître c'est toi. On a vécu ensemble toutes ces années mais je ne sais rien de toi.
- Tu n'as pas été long à engrosser. Et il n'y a rien que tu ais besoin de savoir sur moi.
Ewen baissa les yeux, sentant la main de Julien sur son épaule se resserrer. Il savait que son Alpha était en colère devant le dédain évident du Bêta assit devant eux. Mais Ewen ne voulait pas lâcher le morceau.
- Père, j'ai vu tes cicatrices, je t'ai entendu toutes ces nuits. Je veux savoir qui est celui qui m'a élevé.
Le verre vide de whisky claqua contre la table basse, le petit brun ne sursauta pas et continua de le fixer.
- Sais-tu pourquoi je déteste les Omégas et leurs putains d'Alphas?
- Non. Dis le moi.
- Je suis né du ventre d'un Oméga. Il couchait avec tellement de mecs qu'il n'avait aucune idée de qui était mon père. Pareil pour ma sœur quelques années plus tard. Tous les jours il y avait un ou plusieurs hommes à la maison et on entendait notre cher papa se faire prendre par tous les trous. Et il couinait de plaisir. Il payait le loyer et notre bouffe par cet argent dégueulasse. Et tu sais comment il a fini?
- ...N-Non...
- Mort d'épuisement. Il est mort dans un saloperie d'orgie avec des Alphas, ils l'ont baisé jusqu'à ce que son cœur lâche et il avait à peine quarante ans. Et ils l'ont laissé tel quel, couvert de leurs spermes, allongé là, les yeux ouverts et vitreux. Éléonore ne l'a pas vu, je le lui ai interdit et elle pense que je l'ai trouvé pendu.
Wido se servit une nouvelle rasade de whisky qu'il avala cul sec encore une fois. Son haleine était fortement imprégné de l'odeur de l'alcool.
- Pour les cicatrices, il y a deux raisons. La première c'est qu'au début j'étais assez naïf pour croire que je devais défendre mon cher papa Oméga et alors je me faisais rouster par les Alphas ou n'importe quel autre mec prêt à payer pour lui prendre le cul. La deuxième c'est quand j'ai rencontré Blanche-Rose, après la mort de mon père et que Éléonore soit partie vivre de son coté. Elle domptait mes démons intérieurs à coups de fouet et de martinet. Puis elle s'est lassée. Alors gamin, heureux de savoir qui est ton père?
Ewen avait les larmes aux yeux, une perle étant collée à ses long cils noirs mais ne coulant pas encore sur sa joue de porcelaine. Pourtant, il esquissa un très léger sourire.
- Mais tu m'as élevé malgré tout. Tu hais les Omégas parce que tu les penses faibles et dépravés mais tu m'as prit chez toi puis tu as attendu que je sois en âge et que tu trouves un bon parti pour moi.
Wido renifla en réponse. Cerbère se rendormait gentiment puisque personne ne bougeait.
- Dis moi juste qui est ma mère. Tu le sais non?
Il passa la main dans ses boucles blond cuivré, repoussant celles-ci de devant ses yeux. Il ne voulait pas vraiment parler d'elle.
- On était au lycée ensembles, elle n'avait pas de famille. Elle est morte dans un accident de voiture, celui qui a causé ta perte de mémoire et elle a dit qu'elle avait confiance en moi pour s'occuper de son mioche.
- Tu l'aimais?
- ...Je ne sais pas.
Ewen se leva alors et s'approcha de son père, enjambant le doberman qui ne réagit pas. L'adulte lui, se recula jusqu'au fond du fauteuil presque tenté de fuir à l'approche du jeune homme. Le brun se pencha doucement et posa une bise délicate sur la joue barrée d'une cicatrice de son père.
- Je te préviendrais pour la naissance du bébé. Merci Père, au revoir.
Wido ne dit rien mais ses yeux étaient un peu trop écarquillés, son souffle un peu trop rapide. Julien comprit alors que son si terrible ex-voisin était en fait terrorisé. Il avait peur du contact des Omégas. Sans doute parce qu'il se rappelait de la main de son propre père capable de branler une vingtaine de bites différentes dans la semaine et pourtant de caresser tendrement les cheveux de ses enfants avec cette même main. Le couple sorti de la maison et une fois dehors, Ewen fondit en larmes dans les bras de son compagnon.

Hendrich se réveilla en sursaut, l'aube pointait à peine selon ce qu'il pouvait deviner à travers le store fermé. Cela faisait déjà une semaine qu'il était là, squattant le minuscule appartement moscovite. Scandza dormait dans le canapé du salon/cuisine, tellement vieux qu'un ressort sortait de l'un des coussins. L'allemand finit par se lever et se dirigea vers la pièce précédemment citée afin de se servir un verre d'eau. Il fit le moins de bruit possible, le bu tranquillement puis il repassa devant le canapé. Les boucles blanches du russe semblaient presque scintiller dans les ténèbres, Hendrich avait déjà vu cet effet sur les cheveux de Gilbert. Machinalement, il s'agenouilla près du canapé et passa ses doigts dans la fine chevelure, ses pensées dérivant.
A six mois de grossesse, son déni tomba à l'eau et Hendrich du faire face à la réalité, seul. Il avait du passer les examens seul et seul encore, il avait été faire les magasins pour s'organiser comme il pouvait. Enceint jusqu'au bout des yeux, il avait grimpé sur son vieil escabeau pour peindre la chambre d'un joli bleu poudré puis il avait collé une frise avec des petits chiots blancs et des poussins adorables. Seul, il avait monté le lit, la table à langer, l'armoire, le mobile au dessus du berceau. Seul encore il avait confectionné sa valise de maternité, s'était préparé à prévenir l'ambulance à temps. Il avait lu des manuels et des articles pour savoir comment s'occuper d'un bébé. Le jour J, il avait réussit à appeler l'ambulance et partir avec sa valise comme prévu. Ce fut seul qu'il accoucha, sa main tenue par celle de l'infirmière qui l'avait sans doute pris en pitié d'être justement seul à ce moment spécial. Hendrich avait beaucoup souffert à l'accouchement et tout le long de ces trois mois de grossesse il n'avait cessé de s'interroger sur l'amour qu'il pourrait apporter à ce bébé. Serait-il capable de l'aimer et le protéger alors qu'il n'était absolument pas voulu? Toutes les questions disparurent quand on posa sur lui le nourrisson, le petit être braillant et s'agitant contre lui. Hendrich l'avait câliné, les larmes aux yeux.
- Hendrich...?
Il sursauta, tiré de ses souvenirs par la voix rauque de Scandza.
- Désolé si je t'ai réveillé. Je m'en vais.
- Reste... Je veux que tu restes.
- ...Viens dormir dans le lit alors. Juste dormir.
Scandza se figea puis se leva finalement, sa main liée à celle du grand blond qui le conduisit jusqu'à la chambre. Ils s'allongèrent, maladroit et inconfortable l'un près de l'autre. En fin de compte, ils se retrouvèrent face à face.
- Tu pensais à quoi?
- A la naissance de Gilbert et à ma peur de l'époque de ne pas être capable de l'aimer.
- Mais tu l'aimes.
- Oui, depuis la première seconde.
- Je voudrais le voir si il veut bien, je l'aime déjà. Je le sens.
- Il faudra le lui demander.
- Je ne veux pas te perdre Hendrich, pas maintenant que tu es là.
Le concerné baissa les yeux. Leurs mains s'étaient naturellement enlacées, leurs corps s'étant rapprochés. C'était la première fois qu'ils étaient aussi proches depuis l'arrivée en fanfare de l'allemand.
- J'ai envie de toi Hendrich.
L'Oméga se tendit, déjà prêt à se reculer ou même à s'enfuir. Cette fois, Scandza le retint par le poignet, son autre main se posant sur l'arrondi de la hanche. Hendrich frissonna. Non, si il couchait à nouveau avec Scandza, il ne pourrait plus s'enfuir. Plus jamais. Le tee-shirt tomba un peu, dévoilant la morsure sur l'épaule de l'autre. La sienne, son marquage. Il l'avait enchaîné à lui.
- Les partenaires destinés sont une malédiction...
- Maudis moi pour l'éternité alors.
- Scandza, non...
- Je t'en prie Hendrich. Je t'aime et je t'ai attendu si longtemps. Me hais-tu encore?
- Je ne t'ai jamais haïs! Celui que je hais c'est moi...
- Si tu n'étais pas un Oméga, tu n'aurais peut-être jamais eut tes enfants. L'envisages-tu?
- ...Non, je les aime trop...
Scandza se rapprocha et dans la faible lumière du jour naissant, les prunelles bleues plongèrent dans les violettes. Ils se fixèrent l'un l'autre alors que leurs visages se rapprochaient, leurs nez se touchèrent puis leurs lèvres se rencontrèrent enfin. Un baiser doux puis de plus en plus passionné. Bien vite cela devint un jeu de lèvres, de langues et de dents.
Leurs peaux pâles brillaient sous la faible lueur matinale, légèrement scintillante de sueur. Malgré le manque et les années de fantasmes, ils faisant l'amour calmement, tendrement. Hendrich se sentait tellement choyé, aimé, désiré, chérit... Il en avait presque les larmes aux yeux tant il pensait ne pas mériter toute cette affection. Scandza l'embrassa à nouveau, les mains du blond se nouant sur sa nuque alors qu'il continuait à aller et venir en lui, gardant ce rythme tendre et patient. Et pourtant, Hendrich mouillait plus que jamais, tellement que les draps en seront tachés mais à ce moment précis il n'en avait cure. La chaleur, l'odeur, le poids du corps de Scandza sur lui, son sexe en lui, tout était mille fois plus important. Il avait attendu ça si longtemps.
- Plus... Scandza... plus...
- Si je fais plus... pas me retenir de... mordre...
Garder cette situation sous contrôle lui demandait beaucoup de concentration et si il s'abandonnait plus au plaisir alors il ne pourrait pas se retenir et il allait effacer la morsure de Romulus par la sienne. Rien que l'idée le fit frissonner de plaisir et Hendrich geignit en le sentant grossir en creux de lui. Le blond se laissa faire encore un moment puis il repoussa l'autre, ignorant son regard interrogateur et un peu effrayé. Qu'il se rassure, il ne comptait pas le rejeter cette fois. Le si fier Hendrich se mit à quatre pattes puis laissa glisser le haut de son corps, ses mains venant écarter ses fesses. C'était la position d'un Oméga voulant s'accoupler, un Oméga se soumettant volontairement à son Alpha. Il croisa le regard bleu vitreux mais sérieux.
- Vient, Scandza...
Ce dernier ne se fit pas prier et il s'empara des hanches de l'autre, s'insinuant entre ses cuisses et guida son pénis à son entrée, faisant entrer sa longueur d'une seule poussée qui fit gémir et haleter son compagnon. Scandza se saisit des poignets du blond, tirant ses bras en arrière et le prenant alors fortement. Hendrich n'avait absolument aucun contrôle sur son corps, l'ayant entièrement livré au russe. Lui qui était si fier d'avoir gardé le contrôle sur sa vie tout au long de son existence, le voilà totalement soumit et à la merci d'un autre. C'était pleinement consentit et vraiment bon. Il gémissait et criait son plaisir, enfin honnête avec lui-même et en phase avec son Alpha.
- Hendrich... Hendrich... Hendrich...
- Hmm...Ahh, Scan...Oh! Sacandza...
Il sentit le souffle de l'autre sur sa nuque humide, le russe se servant de son nez pour dégager les quelques longues mèches blondes encore là puis il pressa sa bouche sur l'épiderme. Hendrich frissonna, son corps s'agitant alors qu'il était proche de l'orgasme. Il sentit les dents de l'autre frotter sur sa peau puis il s'éloigna avant de finalement revenir, mordant profondément. L'Oméga jouit en un cri, son corps s'arquant contre celui de son Alpha, ignorant le léger filet de sang coulant dans son cou.
- Ne te repose pas encore, Hendrich...
Son Alpha n'avait pas encore jouit lui et il allait se servir de son corps pour atteindre ses fins. Ce qui lui faisait extrêmement plaisir. Oui, les Omégas prenaient un réel plaisir à l'idée de satisfaire leurs Alphas. C'était déjà vrai entre lui et Romulus mais avec Scandza, ce sentiment était encore plus fort.
- Prend moi... Encore...
Le russe sourit et s'ingénia à le faire de nouveau crier et se tortiller. Ils avaient vingt ans d'amour à rattraper.  

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