Chapitre 9

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Loïs s'assit avec joie sur l'un des bancs bordant l'entrée de son lycée. A huit mois et demi de grossesse, il se sentait plus lourd qu'un cachalot. Il avait arrêté l'école à sept mois, les médecins préférant qu'il reste tranquille pour cette première grossesse. Mais là, il voulait absolument parler à Linois en face à face. Bien sûr il aurait pu le faire venir à la maison mais il voulait prendre l'air aussi. Héraklès avait bien prit la nouvelle concernant son Alpha, ou plutôt, le fait que ce dernier l'abandonne. Le grec n'avait presque plus de chaleurs suite aux difficultés de son unique enfantement alors il n'était pas vraiment nécessiteux d'un Alpha. Sadiq avait décidé de fêter l'événement en demandant son compagnon en mariage. Concernant Francis, Arthur serait sans doute plus rassuré de pouvoir choisir un Alpha potable pour son compagnon Oméga plutôt que de devoir supporter encore et toujours Romulus. Concernant Charles, il pouvait sûrement grâce à ses connaissances se trouver quelqu'un de bien. Lui, il était enceint jusqu'au bout des yeux et serait vraiment en très mauvaise posture sans Alpha. Machinalement, le brun caressa son ventre. Il protégerait cet enfant, coûte que coûte.
- Loïs? Qu'est-ce que tu fais ici?
- Oh, Linois! Je t'attendais en fait.
Son ami aux cheveux bleus s'assit près de lui, sous ce temps plus que clément du mois de Juin. Heureusement, il ne faisait pas trop chaud sinon le futur père serait vraiment mal à l'aise.
- J'ai des choses très importantes à te dire, Lin.
- Oh, d'accord.
- Romulus... Eh bien, il va finir par me quitter. Il aide ses autres Omégas à se trouver de nouveaux Alphas. Bien sûr je suis enceint et il ne compte pas me lâcher de sitôt mais je me dois de me préparer. Je vais avoir un enfant, je ne peux pas accepter ne serait-ce qu'une forme d'insécurité.
- Pourquoi ce revirement de la part de Vargas...?
- Son partenaire destiné. Il va probablement donner le divorce à sa femme aussi. Ou garder les deux amours de sa vie, je ne sais pas.
- Oh, je vois...
Loïs se tourna vers son ami et prit ses mains dans les siennes. Lui faisant comprendre à quel point c'était important pour lui. Cependant, il attendit que les autres personnes soient parties ou suffisamment éloignées. Ce que Loïs avait à dire était hautement personnel et le dévoiler ainsi, dehors, était franchement limite mais la situation pressait à son sens.
- Linois, je suis enceint de plus de huit mois, je commence à nidifier, je ne devrais même pas être ici.
Linois sourit bêtement à la mention de nidification. Lors des deux derniers mois d'une grossesse Oméga, ce dernier prenait possession exclusive d'un endroit ou d'une pièce entière qu'il allait remplir de couvertures, de coussins et de vêtements portant l'odeur à la fois de l'Oméga et de l'Alpha, il y passerait ensuite le premier mois d'existence de son nourrisson, celui-ci ne serait alors pas terrifié par l'odeur puissante de son père Alpha. Et puis tout simplement, il était très Alpha de fondre devant le comportement absolument adorable d'un Oméga construisant son nid et s'y lovant avec un air de détente parfaite. Le fan de Lolita se reprit, comprenant que justement, Loïs était devant lui et non pas dans son nid. C'était en effet, bizarre. Un peu inquiétant.
- Loïs, qu'est-ce que tu fais ici?
- Je suis venu te demander d'être mon Alpha. Quand Romulus me quittera, je veux que tu sois à moi. Je me ferais tout petit, tu pourras faire ce que tu veux à coté. Prendre une Bêta ou un autre Oméga, promis. Je n'ai même pas commencé mon nid car je veux le construire avec ton odeur dedans pour que ma fille t'identifie comme de la famille.
- Tu vas avoir une fille? C'est génial! Attends, tu veux que je sois ton Alpha? Pour de vrai?
- Oui, je t'en prie. Je t'aime beaucoup, tu respectes les Omégas. Tu prendras soin de nous. Matériellement, Mumus continuera de payer pour encore un moment donc tu n'auras pas à t'en soucier.
- Ça te fera mal Loïs, la première fois avec moi, la morsure... Tu appartiens à un autre.
- Un autre qui va partir. Je serais abandonné. Je ne veux pas finir comme ces Omégas qui se tuent dans des petits boulots et des passes occasionnelles pour boucler les fins de mois ou tenter de tuer leur mal-être. Je ne veux pas que ma fille me voit comme une loque. J'ai échappé à l'horreur, ce n'est pas pour y retourner. J'ai confiance en toi.
L'autre lycéen resta silencieux. Il comprenait. Romulus Vargas était millionnaire et il continuerait à payer les frais de ses enfants et les études en cours de ses Omégas mais ensuite? Être Oméga était terriblement compliqué, on les voulait soumit mais débrouillards. C'était un peu étrange. Linois respira profondément. Bon, son frère aîné Armand, fréquentait depuis des lustres un Oméga de type indépendant. Antoine tenait son propre café Le Bel Air et n'était toujours pas lié à son compagnon Alpha. Antoine fumait, envoyait chier les gens, conduisait une moto qui était un véritable bijou de mécanique. C'était un Oméga avec une personnalité diablement Alpha. Ce qui le rendait aussi sexy et séduisant que irritant et déviant. Oui, on le percevait comme déviant. Enfin bref, Linois connaissait déjà des situations exceptionnelles donc pourquoi pas.
- Je t'aime beaucoup aussi Loïs. Lions-nous et peut-être que notre tendresse deviendra de l'amour.
- Merci Lin! Merci! Je serais un Oméga exemplaire je te le promets.
- Sois toi-même et ça sera parfait.
Ils se sourirent et s'étreignirent avec une délicatesse touchante. Ils n'étaient que lycéens mais dans une société où il était légal de se lier à quinze ans, autant ne pas trop réfléchir à ce détail. De plus, Loïs portait une fille et l'État lui donnerait plus d'aides pour cela.

Falcata s'étira dans le lit king size, recouvert de voilages suspendus blancs, crèmes et dorés, légers, élégants. Il était dans la chambre d'Esus et attendait que celui-ci revienne avec de quoi boire et manger.
- Fichues chaleurs... expira-t-il lentement.
Son ventre brûlait, le tiraillait sans pitié. Son corps lui réclamait ardemment ce dont il le privait depuis des années: un bébé. Mais Falcata était plus qu'obstiné à ce sujet, il refusait clairement et nettement de mettre bas un jour. Bien sûr il ne pouvait nier sa nature Oméga qui le poussait pendant trois jours à frotter son cul contre n'importe quelle bite Alpha en priant de se faire remplir jusqu'à la lie mais bon... Oméga indépendant, il prenait la pilule contraceptive depuis des années. Mais il y avait toujours une chance que ça foire pendant la période de chaleur. Il se tourna, reniflant l'odeur du sublime parisien. Une odeur de forêt, de sous-bois humide, de fraîcheur printanière. Une odeur qui le fit bander derechef alors que son dernier rapport sexuel ne datait que d'une quinzaine de minutes. A peine. Il frotta son pénis dur contre un coussin moelleux, calé entre ses jambes, le nez enfouit dans l'odeur purement Alpha. Lui et Esus entretenaient une relation depuis leur rencontre en boîte et c'était donc naturellement qu'ils décidèrent de passer ces trois jours spéciaux ensembles. Plus qu'un à tenir et ça serait fini. Falcata aurait aimé ne plus être fertile, après tout, il avait la quarantaine et aurait dû avoir déjà une tripotée de gamins. Sauf qu'il n'en avait jamais eut aucun et qu'un Oméga pouvait enfanter sans problème majeur jusqu'à la soixantaine, merci à leur longévité amplifiée par celle de leur Alpha. Être lié pouvait avoir pas mal d'avantages en vérité.
- Je t'ai apporté du jus d'orange et des croissants.
- Hm... J'ai plus envie de dévorer ta queue que des viennoiseries...
Esus éclata de rire, amusé de cette réponse prévisible. Il était moitié moins âgé que son partenaire, en gros, mais ça ne le dérangeait nullement. Ils étaient Alpha et Oméga et si ils se liaient, leur âge n'aurait plus aucune importance. L'un mourrait seulement quand l'autre le fera, donc principalement de vieillesse. Les victimes d'accidents étaient majoritairement des Bêtas ou alors des autres types mais non liés. Il y avait plus d'une raison pour laquelle on voulait lier les uns aux autres rapidement. Cet aspect santé était d'autant plus visible dans les couples de partenaires destinés. Mais pour le moment, Falcata ne pensait pas à tout ça. Esus fut contraint de lui attacher les mains et lui fit boire lui-même le jus et lui donner la becquée pour qu'il avale un croissant. Afin d'apaiser son chamboulement interne pendant cette pause nutritive, Esus le masturbait lentement de sa main libre. Tout un art que de s'occuper d'un Oméga en chaleur. Pourtant, en tant que Alpha, il était tout aussi chamboulé. Il sentait une tension dans le creux de ses reins, dans ses fesses, ses testicules. Son corps ne se lassait pas de bander lui non plus, aussi embourbé qu'il était dans l'odeur chaude et légèrement épicée de Falcata, fruitée aussi. Des phéromones en pagaille d'un coté comme de l'autre, s'excitant mutuellement pour que les deux tiennent le coup.
C'était le soir du dernier jour, enfin cette horrible sensation dans son ventre s'était calmée. Son corps était parcouru de courbatures, son estomac criait famine... Il était recouvert de semence, la sienne surtout mais un peu de celle d'Esus aussi, ainsi que de son propre lubrifiant naturel. L'air sentait le sexe à plein nez. Il serait bon d'ouvrir les baies vitrées et de se glisser dans la douche. Ou alors dans la baignoire ressemblant à une mini piscine. Falcata se mit sur le flanc, sa main passant alors dans l'épaisse chevelure dorée, les mèches encore plus bordéliques qu'à l'accoutumée. Les superbes yeux océans étaient pour le moment fermés, ce subtil mélange de vert et de bleu encore caché par des paupières aux longs cils. Esus était d'une beauté raffinée, sans doute était-il né d'un père Oméga. Ils ne parlaient pas de leurs familles, ils parlaient plutôt boulot, vie quotidienne et fantasmes. Falcata commençait à créer un véritable lien, une base solide avec ce garçon et il ne voulait pas qu'on le lui prenne. Quand Esus ouvrit les yeux, il fut chamboulé. Il ne trouva pas l'habituel sourire séducteur de son partenaire mais de grands yeux émeraudes brillants de larmes. Il tendit la main, caressant la joue délicatement dorée par le soleil du sud.
- Qu'est-ce qui t'arrive Falcata?
- Je viens de me rendre compte que je suis vieux, que tu es jeune et que tu n'es pas à moi. Que tu te lasseras et que je serais seul encore une fois.
- Nous pouvons nous lier, si tu le souhaites vraiment.
- Au bout de trois mois?
- Beaucoup se lient après trois heures dans un lit. En quoi trois mois serait moins bien?
- Tu veux d'un vieil Oméga qui refuse d'enfanter? Qui aime les plans à trois, les orgies et d'autres choses? Tu pourrais trouver un Oméga vierge, élégant et plus adapté à toi.
- Mais peut-être que c'est toi qui est adapté à moi. L'instinct se trompe rarement et tu le sais.
- ...Quelles seraient tes conditions?
- Tu peux continuer ta vie, travailler, voir tes amis. Soit fidèle, Fa, sinon, parle avec moi et on verra. J'aimerais peut-être te regarder avec quelqu'un d'autre.
- J'aime beaucoup coucher avec des Omégas.
L'ibérique sentit une odeur d'excitation en provenance de son vis à vis et sourit. Parler d'un plan Oméga/Oméga à un Alpha était un peu comme parler d'un plan lesbien à un Bêta. Ça leur donnait la gaule rien que d'y penser. Et contrairement à une relation Alpha/Alpha, ce n'était pas si mal vu, à condition que ça soit pour jouer et non une véritable relation. Cependant, il existait pas mal de colocations Omégas, allez donc savoir ce qui s'y passait vraiment. L'État avait beau être intrusif, ça n'était pas ses oignons.
- On va se lier alors?
- On ne sait rien de nos vies. Mais là encore, c'est le cas pour la plupart des couples au début. Donc... Allons y. Je veux un Alpha à moi.
- J'en suis honoré.
Esus ouvrit grand ses bras délicatement musclés sous la peau satinée et Falcata s'y lova avec aisance et bonheur. Enfin un endroit à lui, une personne à lui. Ce sentiment de bonheur, si il perdurerait, lui ferait sans doute oublier Baal et Ibiza, où il avait pensé rentrer.

Théodose donnait l'un de ses cours magistraux, un peu perturbé par le fait de savoir que tout à l'heure, il n'aurait pas rendez-vous avec Florentina, comme cela arrivait parfois, mais avec son mari. Romulus Vargas provoquait toujours des choses étranges en lui. Déjà de part son apparence imposante, sa haute taille, ses muscles toujours aussi parfaits et toniques qu'à vingt ans, son regard ambré pénétrant et son sourire éclatant. Puis de part sa vie aussi, c'était un homme d'affaires rayonnant, ayant engrangé des millions d'euros, comme si tout ce qu'il touchait pouvait se transformer en or. A croire qu'il avait hérité de la Main de Midas. Théodose jeta un coup d'œil à sa montre, il restait à peine cinq minutes de cours, inutile donc de lancer le nouveau paragraphe. Il en donna donc le titre aux élèves en guise d'indication pour la prochaine fois et les laissa ranger leurs affaires, rassemblant les siennes. En regardant son portable, il s'aperçut qu'il avait reçu des messages de la part de son copain. Leur relation était légère, chacun chez soit, des sorties de temps en temps mais rien de très profond. Pas de déclarations d'amour en tout cas. Ça ne le dérangeait pas vraiment, il n'était pas sûr que tout ça dure longtemps de toute façon. Théodose était un Oméga et maintenant que son corps savait ce qu'était le plaisir avec un homme, il ne pouvait s'empêcher de penser à ce que ça serait de se donner à un Alpha. Pourtant, ça n'était pas si simple, en effet, si il se laissait aller à coucher avec un Alpha ça serait irrémédiable, il ne pourrait plus éprouver de plaisir à toucher une femme. C'était physiologique, biologique. Une loi de la nature. Du coup, il voulait y réfléchir. Coucher avec un Bêta ne l'empêchait pas d'essayer de trouver une femme. Las de ses questionnements sur les types et les problèmes qu'ils engendraient, il termina de boucler ses affaires et parti en direction du parking de la fac. Il devait se rendre dans un bar chic pour y voir le si grand Romulus Vargas. Toujours sans savoir ce que celui-ci lui voulait exactement.
Romulus vida son verre de rhum, les glaçons tintant contre le verre. Sa haute stature étant appuyée contre le bar d'une façon irrémédiablement féline. Sa cravate était légèrement défaite, sa chemise un peu ouverte, laissant voir un triangle de peau dorée alléchant. Romulus ne l'avait pas fait pour être sexy, il l'avait fait parce qu'il avait chaud à cause de sa nervosité. Voir Théodose après avoir passé quasi trente ans à se forcer à ignorer jusqu'à même son existence était presque un choc. Florentina l'avait regardé avec tendresse ce matin là, sachant par avance qui il allait voir et pourquoi. Leurs trois fils étaient adultes, elle avait vécu une vie de rêve auprès de son propre Prince Charmant, il était sans doute temps qu'elle le laisse partir afin qu'il goûte lui aussi à son propre bonheur. Oh bien sûr, la pensée de ne plus l'avoir lui fendait le cœur mais après avoir parlé ces derniers mois, elle s'était résolue à le laisser guérir de ses blessures. Au moins essayer. Avec son partenaire destiné.
Théodose franchit la porte du bar classieux, ses beaux yeux vert à l'éclat doré cherchant le millionnaire. Il le trouva accoudé au bar et il déglutit, ce type rayonnait d'une aura de mâle Alpha à l'état pur. Sa nature Oméga s'excita d'elle-même et ça l'agaça légèrement. Il n'était tout de même pas si soumit à sa génétique, si? Il fréquentait pas mal d'Alphas à la fac pourtant, autant du coté élèves que professeurs. Ridicule. Il s'avança d'un pas confiant vers l'autre, ignorant son cœur qui s'amusait à faire des embardées et son entrecuisses commençant à mouiller. Pitié qu'il ne le remarque pas. Romulus releva les yeux, des orbes marrons qui s'assombrirent à son approche, son nez frémissant légèrement. Génial, ils étaient en mode animaux. Pourtant Théodose l'ignora et s'assit sur le tabouret en face, tendant sa main pour que l'autre la serre, de façon masculine et non pas exigeant un baise-main très Oméga. La grande main chaude enserra la sienne, cette paume ferme, ces doigts forts. Le prof de fac la reprit aussitôt que la politesse le lui permit. L'autre sembla déçu.
- Que me vaux l'honneur de vous rencontrer?
- Vous êtes l'un des amis de ma femme, pourquoi ne voudrais-je pas vous connaître?
- Vous marquez un point.
Il commanda un verre de vin blanc, ne comptant pas boire davantage que ce dernier.
- Si je vous disais la vérité nue, vous risqueriez de me fuir, Théodose.
Le concerné cligna des yeux. C'était si important que ça? Il prit une gorgée de son vin, très bon par ailleurs, puis soupira. Le choix d'un lieu public mais néanmoins assez intime lui sembla plus clair.
- Parlez, Monsieur Vargas.
Ses doigts faisaient nerveusement tourner son verre à pied. Il avait beau essayer de freiner son attirance soudaine envers l'Alpha, celle-ci se faisait plus forte à chaque regard, à chaque mot. Bordel, ce n'était pas le premier Alpha de sa vie, pourquoi tout tournait en vrille dans sa tête?
- Tu es mon partenaire destiné, Théodose. Je le sais depuis nos années de fac mais j'avais mit Florentina enceinte alors je l'ai choisit et je ne t'ai jamais approché.
- ... Jusqu'à aujourd'hui.
- Oui, jusqu'à aujourd'hui.
Bonté Divine. Par Jésus, Marie, Joseph et la Sainte Trinité. Par tous les Saints et les Anges de la Création. Oui oui, il s'emportait un peu mais fallait le comprendre, enfin! L'un des hommes les plus puissants de l'Europe économiquement parlant venait de lui dire qu'ils étaient des âmes choisies par Dieu pour s'unir à vie et dans l'au-delà. Il y avait de quoi flipper! Il bu son vin, le vidant d'une moitié presque d'un coup.
- Oh putain de merde...
Romulus sourit, clairement amusé de le voir d'un coup jurer. Manquerait plus qu'un blasphème ne franchisse ses lèvres pour que ça soit le pompon. Personnellement, il trouvait cela assez adorable.
- Je n'attends pas une réponse immédiate mais je me devais de te le dire. D'autant plus que Florentina et moi nous nous sommes décidés pour une séparation de corps. Elle ne souhaite pas divorcer et je veux qu'elle continue la belle vie. Cependant, nous habiterons chacun de notre coté.
- Oui oui, je sais ce qu'est une séparation de corps, merci...
Il se sentait perdu. Peut-être le serait-il moins si il avait vu le Pape déambuler en soutane rose fluo avec des plumes sur la tête. Il pria rapidement pour s'excuser de cette pensée envers le Saint Père. Il fini son verre et en commanda un deuxième. Il n'osait pas regarder en face Romulus, il lui semblait d'un coup bien trop imposant, bien trop viril, bien trop... sexy. Bien trop tout en fait. Il lui faudrait effectivement du temps pour digérer qu'il était censé être la moitié de cet homme à la force brute.

Gilbert était affalé sur son canapé, la tête d'Ivan sur ses genoux dont il profitait pour passer ses mains dans ses cheveux clairs. En face de lui étaient assis son frère et sa sœur. Frederika mâchonnait un chewing-gum mentholée qu'il sentait d'ici, l'air pas traumatisée. Ludwig était aussi guindé que d'habitude. L'aîné de la fratrie soupira longuement puis prit la parole.
- Papa est à Moscou en train de se rabibocher avec son partenaire destiné. Et il ne reviendra pas.
- Et tu comptais nous le dire quand? Asséna Ludwig avec un regard acéré.
- Quand il l'aurait autorisé. Ivan est le petit cousin de Scandza, le mec de Papa. C'est pour ça que j'ai une longueur d'avance sur vous deux.
Frederika restait calme, sa main droite jouant avec le bout de sa longue natte blonde. Elle ressemblait énormément à Hendrich et Ludwig, hormis ses yeux noisettes. Elle soupira à son tour puis riva ses yeux à ceux rouges de son frère.
- Et ton secret? Lud et moi nous en doutons, mais c'est à toi de nous le confirmer.
Ivan sentit son compagnon se crisper, ses ongles grattant un peu trop fort son cuir chevelu. L'une des plus grandes peurs de Gilbert était d'être rejeté par sa famille, d'être mis à part à cause de ses différences, dont notamment celle-ci. Il prit le temps de se calmer puis se mit à sourire, un sourire de pâle comparaison par rapport à d'habitude.
- Okay les mioches. Grand frère n'est pas vraiment votre frère, je suis du sang de Scandza et non de Romulus.
Ludwig hocha la tête mais semblait fortement contrarié par un détail, ce qu'il finit par faire savoir.
- Gilbert, tu es toujours notre grand frère. Tu as aidé Papa à nous élever, tu faisais nos petits déjeuners, nos goûters. Tu nous aidais dans nos devoirs. Ton ADN un peu différent du nôtre ne changera jamais ça.
- Lud a raison, tu sais. C'était juste pour avoir la confirmation mais ça ne change absolument rien. On a bien vu quand tu es entré au collège et que tu as fais le test que ça n'allait plus vraiment. On avait naturellement pensé quand on a eut l'âge de comprendre que c'était le fait d'être un Oméga qui t'avait contrarié mais à la lueur des événements avec Papa...
- Vous avez fini par le comprendre...
Le raisonnement de ces deux là était parfaitement logique. Il ressentait une fierté toute paternelle concernant leur intelligence, quelque chose lui disant qu'il les avait bien élevé. Qu'il avait été un bon grand frère, un bon modèle. Une notion qui lui avait toujours tenue à cœur mais d'autant plus quand il avait su qu'ils n'avaient pas le même père, un moyen pour pallier cette différence sans doute. Il se détendit visiblement, sa main reprenant les douces caresses dans la chevelure du russe silencieux jusque là.
- Bien, ça étant réglé, je voudrais vous dire que je compte faire des enfants à votre frère. Qu'en pensez-vous?
- Je vais être tata! C'est super cool!
- Vous êtes jeunes, vous êtes liés, vous avez une bonne situation financière. Je pense que c'est le bon moment.
- Et mon avis on s'en brosse?!
Gilbert était rouge pivoine, raide comme un piquet. Loin de s'en sentir gênés, les autres oscillait entre rire et sourire. Après s'être liés et avoir emménagés ensemble, c'était après tout l'étape suivante la plus légitime.

Francis regardait les dossiers qu'on lui avait fait parvenir, c'était des profils d'Alphas. Il devait donc en choisir un parmi eux tous mais lui n'avait pas vraiment d'idée de qui choisir. Bien sûr certains correspondaient à ses goûts mais il était plus difficile de contenter Arthur qui voulait donner son avis. Ce que l'autre acceptait tout à fait mais bon. Ça ne l'avançait pas beaucoup dans son hésitation. Après plusieurs jours à lire et relire les profils, le chef cuisinier d'un superbe restaurant étoilé fini par en sélectionner un. Il fallait donc le montrer à Arthur. Le soir même, l'anglais regarda attentivement le dossier, la photo et la description.
Roderich Edelstein, vingt-huit ans comme Francis, né un 26 octobre à Vienne en Autriche. De beaux cheveux bruns, des yeux améthystes recouverts par des lunettes rectangulaires classes, des traits aristocratiques, une peau de lait avec un grain de beauté sexy au coin de la bouche. Compositeur de musique classique, pianiste de renom. Un Alpha de race, il fallait l'avouer.
Arthur réfléchit un moment, passant sa main dans ses cheveux blonds. Ce Roderich était superbe, ce qui devait plaire à Francis, de très bonne famille, ce qui plaisait à lui-même. Il fallait donc le rencontrer pour se décider.
- Très bien, donnons lui rendez-vous.
- Tu es sérieux?
- Oui. Il a l'air beau et intelligent. Et riche, ce qui peut être utile pour les enfants même si ni toi ni moi ne sommes sans le sou.
- D'accord, je le contacterais. Sa situation est également particulière donc il est courant pour toi et moi.
- Je vois. Dis moi en plus.
Francis expliqua que ledit Roderich avait épousé une femme, Elizabeta, une championne d'escrime hongroise. Bien sûr sa famille avait été vexée qu'il n'épouse pas le bel Oméga parfait sous tous rapports qu'ils lui avaient dégoté probablement à la sortie d'une Maison. Le mariage étant déjà fait, ils n'y pouvaient pas grand chose mais ils lui mirent une pression constante pour qu'il prenne au moins un Oméga avec lui. Que leur héritier ne fasse une crise de rut serait franchement mal vu. Roderich avait cédé mais il ne voulait pas se coltiner un Oméga pot de colle ou au moins ne pas le blesser en ne tombant pas amoureux de lui. Alors quand il avait entendu parler d'un bel Oméga ayant déjà des enfants et une relation amoureuse, ayant seulement besoin d'un Alpha pour gérer ses chaleurs et possiblement aider à l'entretien financier, ça avait attiré son attention. Voilà le résumé de la situation.
Ils avaient quitté le sud de la France pour deux ou trois jours, montant sur Paris afin de voir ce pianiste en question. Le rendez-vous avait été posé dans le restaurant d'un hôtel de luxe, probablement là où le couple étranger résidait. Francis et Arthur s'assirent à une table qu'on avait réservé à leur attention, le serveur offrit d'ailleurs à Francis un magnifique bouquet de roses rouges. Il sentait merveilleusement bon et les pétales semblaient être de velours.
- Ça a dû coûter une blinde.
- Oui sans doute mais il est magnifique. Je n'en ai pas reçu de tel depuis longtemps. Sans te vexer mon lapin.
- Shut up.
Francis gloussa légèrement, amusé de cette réponse. Ils burent un café et papotèrent à voix basse, de cette façon intime qu'on les couples qui se connaissent depuis longtemps. L'autre couple arriva peu après la fin de leurs cafés. Roderich puait l'élégance et le raffinement à dix kilomètres à la ronde. Arthur nota que les pupilles de Francis s'étaient dilatées rien qu'en le voyant et inspirant son odeur. Bon, l'autrichien semblait vraiment attirer son compagnon. La femme à ses cotés était splendide, dans un tailleur pantalon ultra chic, ses longs cheveux châtains et ondulés tombant souplement jusqu'à mi-dos. Le second couple s'assit en face du premier. Roderich tendit la main à Francis qui lui tendit la sienne en retour et il rougit en sentant le délicat baise-main qu'il reçu. L'anglais hésitait à lever les yeux au ciel mais étant lui-même féru de bonnes manières, ça le charmait un peu, lui aussi. Finalement, Arthur se détourna d'eux, plongeant dans un regard aussi émeraude que le sien.
- Nous sommes mis à part.
- Ils doivent apprendre à se connaître et à se sentir.
- Oui, se sentir. Il paraît que vous, les Bêtas, vous ne sentez pas grand chose. Pourtant je ne suis pas d'accord, il émane de vous une odeur de thé et de rose très agréable.
Arthur cilla. «Vous les bêtas»? Comprenant son léger souci, la femme lui sourit.
- Je suis une femme Alpha. Une raison de plus pour les parents de Roderich de nous enquiquiner.
- Ah, je vois.
Elizabeta lui sourit à nouveau, appuyant son menton sur ses mains croisées.
- Avez-vous peur que je touche à votre compagnon Oméga?
- Ne le ferez-vous pas?
- Être femme et Alpha est absolument horrible. C'est comme d'avoir une érection fantôme chaque fois que l'on voit un Oméga. Nous pouvons prendre du plaisir avec eux mais ça reste inachevé. C'est plutôt déplaisant donc non, je ne toucherais pas à ce superbe spécimen français.
C'était plutôt cru mais il comprenait ce qu'elle voulait dire. Du coup il se demanda comment ça se passait au lit entre deux Alphas. En attendant, les deux autres avaient l'air de se courtiser à leur aise. C'était sans doute tant mieux si ils se plaisaient.

Éole attacha ses cheveux en un chignon, ses cheveux avaient la même couleur et les mêmes ondulations que son papa. Elle y piqua quelques fleurs blanches. Elle n'aurait jamais cru que son père allait se marier un jour. Encore moins avec ce mec là. Non pas que Éole n'appréciait pas Sadiq mais elle était bien plus habituée à les entendre se hurler des insanités, se taper dessus, oui oui réellement, avait de finalement se sauter dessus. Bien sûr, elle avait quitté l'appartement familial depuis un moment. Elle portait un belle robe crème, sans manches, une étole blanche posée sur ses épaules pour qu'elle n'ait pas froid, au cas où. Elle portait une parure de diamants, bien que discrète et élégante. Un maquillage léger, sobre mais beau.
- Tu es magnifique.
Elle se retourna et sourit, contente de voir le grand homme turc. Oui, elle l'appréciait quand même. Elle se leva après avoir enfilé sa paire d'escarpins dorés. Elle s'avança et posa sa main dans celle plus large de l'autre, levant ses yeux vert à l'éclat doré vers lui. Des yeux sublimes, mélangeant ceux de Héraklès et ceux de Romulus.
- Je suis heureux que tu me confies officiellement ton père en ce jour.
- Papa est grand, il peut se débrouiller tout seul.
- Je sais mais tu comptes pour lui, tu es son trésor. Si tu n'étais pas d'accord, je doute qu'il m'aurait cédé.
- Je veux qu'il soit heureux. Et avec toi, il le sera.
Sadiq sourit, sincèrement touché. Il lui prit le bras élégamment et ils sortirent de la pièce, avançant jusqu'à la voiture pour aller ensemble à la mairie. Héraklès était déjà là bas, devant régler deux ou trois détails de paperasse, dont présenter au maire l'autorisation signée de Romulus, disant que oui, son Oméga pouvait épouser ce Bêta légalement. Sadiq arriva et ils se tinrent la main, se souriant comme des adolescents. Éole était le témoin de son père et Sadiq avait prit son jeune cousin comme témoin, un chypriote nommé Furkan. Elle le trouva fort joli et décida de mieux le connaître après la cérémonie. Après tout, il était normal de faire connaissance non?
Le mariage se passa à merveille, les deux époux étant sublimes dans leurs costumes blancs. Ils s'étaient passés les alliances, avaient échangé un tendre baiser. Le maire confessa ne pas faire ce genre d'union très souvent mais que leur bonheur manifeste faisait plaisir à voir. Officiellement, Heraklès restait sous la responsabilité légale de Romulus mais celui-ci ne s'occuperait pas de la vie privée du grec à moins qu'il ne le lui demande. Désormais, l'Oméga était protégé par son époux, qui s'était engagé à le chérir et le choyer. Heraklès avait toujours été du type indépendant mais pas dans le même genre tapageur que Charles, sauf si on le provoquait. Il y eut quelques frictions avec Romulus au début mais tout ça était déjà si loin.
- Nous sommes liés jusqu'à ce que la mort nous sépare.
- Ou jusqu'au divorce.
- Héra... Tu pourrais être plus sympa.
- Désolé, je voulais te taquiner. Je suis vraiment très heureux.
- Tu le seras encore plus dès ce soir.
- Pourquoi?
- Parce que tu seras assis dans un avion, direction Athènes.
Athènes. La sublime, magnifique, merveilleuse, mystique et divine Athènes. La ville à la gloire d'Athéna, déesse de la Guerre, du Savoir et de la Sagesse. Sa ville de naissance, celle qu'il avait quitté il y a de ça si longtemps... Il avait presque oublié les temples, les maisons blanches aux toits rouges ou bleus, les falaises et la mer turquoise. Lui qui portait un nom à la gloire de la déesse Héra, il était follement attaché à sa ville de naissance. Pourtant, il s'était efforcé de l'oublier, pour ne pas dépérir ici, sur les côtes sud de la France.
- Et après une semaine là bas, nous passerons une semaine chez moi, à Istanbul.
Son nouveau mari lui offrit un sourire tremblant, les larmes perlant presque à ses yeux. La Méditerranée, sa maison. Rien au monde n'aurait pu lui faire plus plaisir que ce cadeau là et ça prouvait à quel point Sadiq le connaissait bien.  

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