Chapitre 3

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Julien refusa obstinément d'emmener Ewen à l'hôpital, préférant le ramener directement chez eux, ce fut donc Romulus qui les reconduisit à la maison. Henri profita de ce temps de pause, si on pouvait dire, pour aller voir son propre compagnon au dit hôpital. Heureusement, le choc n'avait pas été assez fort pour déclencher un accouchement et Charlie pourrait sortir dès qu'il s'en sentirait capable. Inquiet pour l'adolescent, Henri le rassura bien vite, tout s'était bien passé et le garçon était sauvé.
L'eau coulait dans la baignoire et Ewen était toujours blotti dans la veste de Julien, prise une fois la couverture de survie rendue aux secours. Le roux était là, préparant le bain. Ses yeux violets étaient toujours emplis de fièvre, son corps chaud et ses mains tremblantes... Il avait à la fois peur et était excité comme jamais. Comment faisait Julien pour ne pas lui sauter dessus dans la seconde, lui arrachant son pantalon pour le prendre là, contre le carrelage aux nuances de bleu diverses? Ils avaient fait pleins de choses délicieuses ensemble mais ils n'avaient pas encore été au bout...
- Le bain est prêt.
- Tu y viens avec moi?
Le temps sembla s'étirer dans cette salle de bain embuée puis d'un coup, il l'attrapa par la main pour le rapprocher brutalement de lui et l'embrasser sauvagement. La veste tomba, le pull valsa dans la pièce et bien vite, les mains fortes parcoururent son torse, son dos avant de se fourrer dans son pantalon pour agripper ses fesses. Ewen laissa échapper un petit bruit, sentant déjà son corps recommencer à bouillir et là en bas, il se sentait mouiller. Comme une nana... Une femelle en chaleur...
- Ewen... Ewen... Ewen...
L'appelé ferma les yeux, serrant dans ses bras l'autre homme. Tant de détresse et d'attente dans sa voix... Julien termina de le déshabiller puis le souleva pour ensuite le déposer délicatement dans la baignoire. Il vira ses fringues à son tour mais il ne pu entrer dans la baignoire, une main à la blancheur de perle s'étant posée sur sa cuisse. Son regard ambré fixait l'autre, celui-ci semblait fasciné par son sexe en érection. Une trique difficile à contenir, en vérité. Les deux mains pâles se posèrent sur chaque cuisse alors que la bouche rose se rapprochait de sa hampe. Le roux déglutit puis perdit le souffle au moment où ces lèvres se posèrent sur ses chairs... D'abord de simples petits bisous puis de petits coups de langue avant que l'une des mains ne vienne s'emparer de son pénis. Ewen se redressa un peu, pour se mettre en face, les joues rouges et l'air lubrique, terriblement érotique, il ouvrit la bouche pour lécher un peu plus son nouveau jouet avant de finalement le faire glisser puis coulisser entre ses lèvres. Julien passa sa main dans les cheveux noirs, laissant entendre son plaisir d'être ainsi dorloter par cette bouche plus que désirable... Cependant, il finit par le repousser malgré le gémissement de désappointement de l'Oméga, clairement en manque de sexe.
- Patiente juste un peu, fais moi de la place.
Le lycéen obéit et Julien se glissa derrière lui, collant de suite le dos de Ewen contre son torse. Bien vite, les doigts pianotèrent sur les côtes pâles puis descendirent sur la taille, les hanches avant de finalement atterrirent entre les cuisses ouvertes malgré l'étroitesse de la baignoire.

Ewen arqua le dos, sa tête se posa sur l'épaule de son compagnon. Julien le masturbait lentement, faisant encore monter la pression, d'autant plus alors que ses dents mordillaient la peau fine de son cou. Il portait toujours la marque des crocs de son rouquin, sa marque d'Alpha. Ses soupirs et gémissements se répercutaient contre les murs recouverts de petites gouttelettes à cause de la vapeur générée par le bain chaud. Sentant l'impulsion, le plus jeune se mit à genoux, se retenant au bord opposé de la baignoire pour ne pas tomber, mettant ainsi son postérieur juste en face du visage de son compagnon.
- Julien...
- Oui, ça arrive Ewen... Patiente encore...
Patienter, il n'en pouvait plus! Il creusa davantage le dos pour se présenter à son futur amant, son unique amant jusqu'à la fin de ses jours. Mais pour le moment, il le voulait tout de suite! Les mains écartèrent ses fesses puis il sentit la langue de l'autre jouer sur ses plis intimes, à la fois mouillés de l'eau du bain et de son propre fluide. Comme une femme oui... Cette pensée s'effaça à l'instant où l'autre commença à jouer sérieusement sur le tour et à l'intérieur. Il se raccrochait comme il le pouvait au bord de la baignoire, l'esprit totalement embrumé par les plaisirs de la chair, ignorant combien de temps ce délicieux quoique frustrant traitement dura. Puis il se fit de nouveau tirer en arrière, sentant cette verge tant désirée enfin entrer en lui, lentement. Il se sentit frissonner, presque trembler à cette sensation si longtemps voulue, ce que son corps lui réclamait désespérément depuis tout à l'heure. Pourtant, Julien ne le laissa pas se reposer sur ses lauriers car il ne pu se retenir, là tout de suite il ne souhaitait pas lui faire l'amour mais le baiser. Le baiser avec force et le faire crier, imprimer autant sa marque que sa semence en lui, sur lui... Le posséder pour de vrai, pour toujours. Enivré de son corps, de son odeur plus qu'entêtante, de sa voix qui se cassait sous le plaisir, Julien se laissait aller à ses instincts d'Alpha. Des instincts primaires qui faisaient qu'il voulait l'emplir au point de le mettre en cloque pour le marquer sien. De nouveau ses dents se plantèrent dans la chair, tirant un cri plus aiguë de la part de Ewen qui était aussi essoufflé que éperdu de plaisir. Il venait de jouir mais son être était toujours brûlant, impatient et désireux. Julien le fit se relever juste histoire de l'avoir en face à face avant de l'empaler à nouveau profondément, gardant un rythme soutenu pour voir le visage de son Oméga ravagé par le plaisir que lui procurait son sexe bien enfoncé à l'intérieur de lui... Ses pensées étaient vulgaires mais il s'en foutait. C'était bon, si bon, vraiment bon à en crever... Ce que ne pouvait nier Ewen, perché sur des sommets de luxure.

Deux heures et quelques plus tard, Ewen était blotti dans le grand lit, profondément endormi. Sa peau était marquée de leurs ébats mais son corps était rassasié et son cœur allégé. Enfin le bonheur d'être lié à son compagnon, plus que ça, son partenaire destiné. Un couple Alpha-Oméga qu'on ne pourrait pas briser au risque de les tuer l'un l'autre. Julien était allongé près de lui, l'observant dormir avec un air énamouré. Il avait eut la peur de sa vie quand Ewen n'était pas rentré de l'école, encore plus quand il avait su que c'était un mec riche comme Crésus et plus puissant qu'un politique qui l'avait entre ses mains. Heureusement tout s'était bien terminé, son adoré était en sécurité près de lui. Par mesure de précaution, Romulus avait désigné deux gardes du corps pour surveiller les alentours pendant encore un moment. Cependant, Baal n'avait aucun intérêt pour Ewen alors l'italien ne s'inquiétait pas trop de ça. D'autres soucis plus graves se présentaient...

Quand enfin Loïs eut l'autorisation de sortir de l'appartement de Nassim, il avait rencontré un homme qu'il ne pensait pas voir. Hendrich Hohenman, le premier Oméga de Romulus se trouvait sur le pallier. Laissant l'Alpha entrer, il avait demandé au jeune homme de le suivre. L'adolescent avait accepté, quelque peu inquiet de cet espèce d'état d'urgence qui s'était déclenché et qu'il n'avait pas comprit, et qui venait de tomber aussi soudainement qu'il était apparu. Il suivit donc le grand allemand jusqu'à un petit café sympa, un décor classieux avec de vieilles photos d'aviation sur les murs. Deux hommes semblaient travailler ici, un petit avec une longue queue de cheval noire et un grand dégingandé avec une chevelure châtain rebelle. On leur servit leur commande et silencieusement, Loïs bu son chocolat chaud, tellement concentré dessus qu'il faillit le renverser au moment où l'autre lui parla. Ce dernier fronça les sourcils à son geste.
- Est-ce que ça va?
- Oui oui, pardon. Vous disiez?
- Je demandais juste si vous vous sentiez bien malgré la situation.
- Eh bien, je n'y comprends pas grand chose... Mais j'ai la désagréable impression de ne jamais rien comprendre ces derniers temps.
Le grand blond soupira doucement puis lui fit un résumé de la situation concernant Ewen, Baal Hammon et malheureusement, Nassim. Bien qu'il ne donna pas de détails sur ce dernier point, ne voulant pas trahir la confiance de son jeune camarade. Loïs baissa les yeux sur sa boisson, semblant vouloir se perdre dans la mousse brune. Cette situation semblait bien compliquée et vraiment peu enviable. Sentant que le sujet était lié aux partenaires destinés, bien que concrètement ce n'était pas le destin mais une réaction chimique entre les phéromones des deux parties, il voulut se renseigner un peu plus. On n'avait jamais trop d'informations n'est-ce pas?
- Hendrich, vous êtes le premier Oméga de Romulus mais après vous, il a toujours cherché d'autres Omégas. Je suppose que vous n'êtes pas son destiné et que nous ne le sommes pas non plus. Est-ce la raison pour laquelle il cumule les relations?
Les prunelles bleues s'étrécirent, se faisant encore plus sévères qu'à l'habituel. Le plus jeune se sentit comme un enfant devant un professeur particulièrement mécontent, pourtant, une réponse vint.
- Romulus a fait un choix il y a bien longtemps. Un choix qui a fait passer Florentina avant ses instincts et le reste. Respecter ce choix consiste également à ne pas poser ce genre de questions.
Ce qui impliquait que Romulus avait rencontré son destiné quelque part et qu'il l'avait repoussé ou du moins, ne l'avait pas réclamé afin de protéger sa femme.
- Si il prend tant d'Omégas c'est pour tenter de combler le vide dans son cœur...?
Hendrich ne répondit pas mais ce silence valait en soit une réponse. Tous n'étaient qu'un remplacement, une illusion, quelque chose pour combler un trou béant qui avait dû se creuser douloureusement au fil des années. Beaucoup pensaient que de rencontrer son destiné était une bénédiction, quelque chose de merveilleux et incroyable mais avec ce qui se passait autour de lui, il commençait à voir ça comme une affreuse malédiction.

Romulus s'assit sur le grand lit aux draps oranges, la housse de couette étant en imprimés d'inspiration safari, le matelas se creusa doucement sous son poids et fit donc pencher la silhouette allongée vers lui. Il leva la main pour la poser sur les courts cheveux noirs, sentant le léger sursaut provoqué à son geste.
- Je suis désolé, Nassim.
Le concerné ne répondit pas, visiblement peu enclin à la conversation. Un état plutôt inquiétant sachant que le jeune tunisien adorait papoter.
- Je ne savais pas à quel point j'ai pu te faire souffrir jusque là...
Cette fois, le jeune homme se retourna et ses yeux à la couleur perçante se fixèrent au regard ambré plus doux que le sien. Ses fins sourcils se froncèrent, montrant qu'il ne comprenait pas vraiment ce que son aîné semblait vouloir lui raconter. Un sourire triste répondit à sa bouille perplexe.
- J'ai parlé à Baal Hammon et je sais ce qui existe entre vous.
- ...
- Je suis désolé, je pensais sincèrement te sauver, il y a six ans de cela...
- Mumus...
- Tu lui appartenais de droit et je t'ai volé. Tu es une personne adorable Nassim et tu m'as fait des enfants merveilleux... Cependant... Tout ça n'aurait pas dû être entre mes mains mais entre les siennes.
Machinalement, Nassim posa une main sur la marque présente sur sa nuque représentant la forme parfaite des dents de son Alpha. Une marque qui l'avait fait souffrir et pensant que l'italien allait se débarrasser de lui si jamais son corps faisait un rejet, il s'était forcé à l'accepter. Accepter cette marque avait été bien plus dur que de donner son corps ou de supporter un accouchement, y comprit celui d'Amir qui avait été loin, très loin d'être une partie de plaisir. Il s'assit finalement, les genoux repliés contre sa poitrine et la tête basse.
- C'est bien si tu sais ce qu'il y a entre lui et moi Mumus, car la vérité, c'est que moi je n'en sais rien du tout.
- Tu es son partenaire destiné, bien sûr à l'époque tu étais très perturbé et craintif alors tu as tenté de le rejeter. C'est normal je suppose, tu étais terrorisé et soudain cet homme est apparu, cet homme qui mettait ton corps sans dessus dessous sans que tu ne puisses rien y faire...
- ...C'est trop tard maintenant. J'ai accepté ta marque et j'ai porté tes enfants. Il ne m'a jamais touché, je ne vais pas mourir.
- Non, tu ne vas pas mourir. Mais tu ne vas peut-être pas vivre non plus... Tout ton être réagit à la simple mention de son nom alors imagine ce que ça ferait si tu le revoyais un jour.
- Alors fais en sorte que je ne le vois jamais. Il me fait peur... Je ne veux pas qu'il s'approche de mes bébés.
- Si c'est ce que tu souhaites.
Si son Oméga s'était montré plus enclin à en apprendre plus sur Baal, sur leur relation et un futur possible, Romulus lui aurait dit que ça aurait été possible de réécrire la marque sur sa nuque. Habituellement, ça serait plus compliqué car son corps l'ayant accepté, une nouvelle aurait provoqué un rejet violent mais là, il s'agissait de son véritable Alpha, poser la sienne par dessus l'ancienne aurait été du gâteau. Il accueillit entre ses bras le jeune homme tremblant et accepta son baiser, bien qu'il soit amer. Le quadra songea qu'il n'avait pas goûté ses lèvres salées de ses larmes depuis des années et que ça ne lui avait pas manqué...

Charles soupira, l'alerte était enfin passée. Sa marmaille n'avait pas trop appréciée de se voir enfermée dans leur villa, sans même pouvoir gambader dans les grands jardins à l'anglaise. Victoria et les jumeaux jouaient dans la salle de jeux à l'étage, Wyatt et Shawn, les aînés, étaient donc dans leurs chambres, sur Internet ou à jouer aux jeux vidéos. Une mélodie jouée au piano résonnait à travers les couloirs, une symphonie délicate, élégante et guillerette. Il suivit le son et fini par arriver dans le salon, souriant en voyant son amant. Il s'approcha à pas feutrés avant de finalement s'asseoir à ses cotés, le pianiste sourit à son tour alors que leurs mains dansaient en quatuor sur le clavier. Claude Marronnier était un pianiste français connu, Charles l'avait rencontré à un concert où il était allé avec Romulus, en remplacement de Hendrich qui était indisponible ce jour là. Si Charles n'était pas venu, l'italien aurait probablement emmené Francis. Ses trois Omégas blonds étaient les plus à même de supporter ce genre de soirée un peu mondaine et pompeuse. Héraklès aurait finit par dormir et ronfler dans la loge et Nassim était trop jeune, Loïs n'étant pas encore là à l'époque. Bien sûr, Romulus faisait beaucoup de sorties avec sa femme mais c'était des rendez-vous bien à part. La musique s'atténua jusqu'à se taire et les deux joueurs se regardèrent alors, yeux émeraude contre iris gris. Un doux gris cendré, une teinte subtile à son goût bien que son possesseur la trouva terne.
- Je suis désolé que tu as été bloqué ici à cause de l'alerte.
- Ce n'est pas grave, j'ai pu passer du temps avec toi et les enfants.
- Oui, les petits sont toujours heureux de te voir. Les autres aussi mais ils font leur tête de mules.
- Ils ont de qui tenir.
Charles protesta de suite mais se calma bien vite en voyant le fin sourire sur les lèvres de l'autre. Claude était une personne toute en délicatesse et fragilité, il était grand mais tout fin même jusqu'à ses mains qu'on pourrait confondre avec celles d'une femme. Sa voix avait la douceur du velours, son regard n'inspirait que gentillesse, un sourire timide mais adorable et une chevelure blonde soyeuse. Un beau gosse à la carrière en plus florissante. Ils étaient ensembles depuis un moment déjà, plusieurs années en fait. Jack et Zayne devaient avoir quatre ou cinq ans, quand leur Daddy tomba sous le charme de ce jeune homme aux doigts de fée.

Assis épaule contre épaule sur le tabouret matelassé, ils regardaient par la baie vitrée au delà du piano noir à queue. Déjà six ans d'amour entre eux... Charles avait eut peur au début, Claude aurait-il pu accepter ses enfants déjà nés en plus de son Alpha? Pourtant le jeune homme, un Bêta tout ce qu'il y avait de plus normal, l'accepta tout entier. Lui, ses enfants, sa relation non exclusive, sa marque... Tout.
- I love you, Claude...
- Moi aussi.
Leurs mains se lièrent, la sensation d'être ensemble était exquise. Le pianiste n'avait jamais ronchonné à laisser son amant aux soins, ou plutôt aux envies, de son Alpha. Même encore maintenant, il arrivait que Romulus fasse une visite surprise à son londonien favori pour lui faire voir des étoiles après s'être assuré que ses enfants se portent à merveille. Le corps de Sir Charles Edmund Bolton ne lui appartiendrait sans doute jamais complètement mais son cœur, lui, était en sa possession. Ce qui était sans doute le plus important.
- Si je n'avais pas été Oméga...
- Chut. La vie est bien ainsi, tu adores tes enfants et je ne t'aurais pas rencontré sinon.
- Tu as sans doute raison.
Claude était pour lui un baume à son cœur, un bandage pour sa fierté blessée. Il avait été élevé comme un noble anglais, une personne faite pour régner et se faire respecter. Se faire craindre, presque, afin de reprendre le business familial. Mais à la puberté, le résultat de la prise de sang était tombé: il était un Oméga. Il avait entendu sa mère pleurer et vu son père se détourner de lui. Devenu un adolescent mal à l'aise, colérique et rebelle, sa relation avec ses parents avait vite tourné au vinaigre. Traîné à un gala de charité, engoncé dans un costard ne lui plaisant pas le moins du monde l'année de ses quinze ans, il y rencontra un bel italien charmeur et charmant malgré sa trentaine. Une quinzaine d'années les séparait... Mais ça n'arrêta pas le garçon qui vint lui faire du gringue, sachant que ça foutrait en rogne ses parents. Il ne s'était pas trompé là dessus. L'inconvénient étant que ce qui aurait dû être un coup d'un soir entre lui et Romulus s'était soldé par une grossesse non désirée. Sans sourciller, le millionnaire prit ses responsabilités et emmena Charles avec lui, l'aidant à gérer tous les changements de sa vie, dont le majeur: la naissance de Shawn. Trois ans après vint Wyatt puis tout les autres. L'anglais expatrié ne parlait pas beaucoup à ses parents, ne leur envoyant que des photos des enfants de temps en temps. Il ne recevait généralement pas de réponses hormis une carte de vœux pour les fêtes de fin d'année et son anniversaire. Il était sûr que c'était d'ailleurs Minerva, la gouvernante, qui le faisait plutôt que réellement ses parents mais qu'importe.
- Si tu partais, j'ignore comme je ferais pour tenir...
- Tu tiendrais par amour pour tes petits bouts et tu le sais. Mais je ne compte pas partir, je t'aime beaucoup trop...
Charles était l'assurance que lui n'aurait jamais. Une force brute parfois difficile à contenir, un caractère de cochon et un cœur en or. Lui, il avait subit beaucoup de préjudices de la part de camarades envieux par le passé, sans être capable de réagir. Claude était de nature réservée, timide et presque effacée même du haut de ses vingt-neuf ans. Plus jeune que son amant mais ça n'avait aucune importance, tellement timide d'ailleurs que ce fut Charles qui lui apprit l'art du sexe à vingt-trois ans. Le pianiste était même plutôt soumis au lit, laissant son anglais ardent gérer comme bon lui semblait, lui laissant son corps comme terrain de jeux et Dieu qu'il savait en jouer! Il n'était pourtant pas non plus une étoile de mer morte sur le rivage mais il devenait si vite fasciné par la beauté et l'érotisme de l'Oméga qu'il en perdait toutes pensées cohérentes. Un bruit de course dans les escaliers en imitation marbre, ou bien en vrai il l'ignorait, le tira de ses rêveries. Les deux boulets de canon lui sautant dans les bras aussi fallait l'avouer, tout ça dans le but de s'installer sur ses genoux.
-Jack! Zayne! Je vous ai déjà dit de ne jamais courir dans les escaliers!
- Sorry Daddy...
Le prodige du Conservatoire de Paris esquissa un sourire en serrant les bouilles blondes contre lui, faisant briller de joie leurs prunelles ambrées. A eux tous, ils formaient tout de même une famille, certes un peu bizarre mais tellement, tellement heureuse.

En rentrant chez lui, Hendrich s'aperçut qu'il avait un message sur son téléphone fixe. Il appuya donc sur le répondeur qui se mit en route, la voix de son aîné retentissant alors malgré un brouhaha incessant.
«Hey P'pa je crois que j'ai un problème! J'demande jamais d'aide parce que même si j'suis un Oméga j'peux être super awesome! Comme toi. Mais là c'est la merde. Faut que tu me files un coup de main, après tout, toi aussi t'as rejeté ton Alpha. Je passerais t'voir demain dans l'aprèm, s'te plaît soit à la maison et ne dit rien à Lutz ou Franny»
Il soupira lourdement. Gilbert était effectivement un Oméga comme lui mais tout comme lui encore, il bridait sa condition au maximum pour avancer le plus loin possible. Plusieurs fois il avait craint que son fils ne surconsomme ses suppresseurs mais heureusement non. Il n'était pas stupide à ce point. Le message datait d'hier et midi était passé. Sa progéniture la plus bruyante devrait donc arriver sous peu. Il se demanda bien quel genre de problème Gil pouvait bien avoir pour refuser d'en parler à Ludwig, son petit frère adoré dont il était très proche. Quoique, il aimait tout autant Franziska, juste différemment. Cependant, ses deux autres enfants étaient des Bêtas et ne pourraient donc pas aider leur frère qui semblerait-il avait un souci quelconque avec un Alpha. Gilbert travaillait dans une boîte de communication et événementiel, précisément, Gilbert était devenu un wedding planner. Oui les gens organisant les mariages. Il espéra donc que ce n'était pas un souci par rapport à un client. Se pinçant l'arrête du nez, Hendrich fini de déposer ses affaires puis alla la cuisine pour faire couler du café.
«Après tout, toi aussi t'as rejeté ton Alpha»
Cette phrase tournait en boucle dans sa tête alors qu'il fixait son café, n'entendant donc pas de suite que la porte d'entrée s'était ouverte. Il ne voulait pas se rappeler de ça, du moment où sa fierté l'avait peut-être privé de l'amour éternel, n'étant devenu qu'un spectateur de cet amour se consolant ailleurs. Il sentit une main sur son épaule et se retourna pour voir l'inquiétude de son fils.
- Tu pleures P'pa. Est-ce que ça va aller?
- Quoi?
Il leva la main pour la passer sur son visage, sentant effectivement les traces mouillées sur ses joues. Qu'il était stupide de repenser à tout ça après tant d'années... Il soupira lourdement et s'assit sur l'un des hauts tabourets de bar. Gilbert s'assit près de lui, avec encore son manteau noir et son écharpe rouge, aussi rouge que ses yeux. L'albinisme de son fils l'avait longtemps préoccupé et encore plus quand il avait su sa nature d'Oméga. La nature ne semblait pas vouloir gâter son premier né... Pourtant, Gil avait toujours avancé dans la vie sans se plaindre, n'acceptant pas l'échec sans s'être battu jusqu'au bout.
- Je suis désolé P'pa, c'est de ma faute si tu es comme ça.
- Ne dis pas de bêtises.
- Il faudra leur dire la vérité un jour. A Lutz et Franny.
- Ils n'ont pas besoin de le savoir. Toi seul méritait de savoir car c'est ta vie, ta naissance. Maintenant dis moi quel est ton problème.
Il y avait sept ans d'écart entre Gilbert et Ludwig, neuf avec Franziska, ce qui leur donnait respectivement vingt-sept, vingt et dix-huit ans. L'aîné observa son père, impossible en voyant son visage lisse hormis de légères pattes d'oie au coin de ses yeux bleu ciel et sa chevelure d'un blond brillant de lui donner ses quarante-sept ans. La plupart des gens pensaient qu'il était dans sa trentaine. Les études avaient conclus que la beauté des Omégas faisait partie de leur modification génétique, leur donnant une plus longue longévité. En effet, plus longtemps ils seront beaux et attirants, plus longtemps ils pourraient être utiles à la reproduction, le but premier de leur apparition. Idem pour les Alphas. Gilbert prenait ce fait avec dérision, après tout, lui avait déjà les cheveux blancs comme neige! Il posa son manteau et son écharpe avant de se servir une tasse de café.
- Je pense que je l'ai trouvé P'pa. Mais je ne veux pas que lui me trouve.
- Gilbert... Réfléchit bien, je n'ai pas trouvé le bonheur en me refusant à lui. Ne fait pas la même erreur par fierté.
Ses mains se serrèrent sur sa tasse inconsciemment, ses yeux rubis fixant la faïence neutre de la cuisine.
- Il me fait peur. Est-ce que tu avais peur de lui?
- Non. J'avais peur de l'emprise qu'il aurait pu avoir sur moi mais lui-même ne me faisait pas peur.
- Moi aussi. C'est un client.
- Il va donc se marier. C'est encore plus un mauvais plan de s'approcher de lui, je suppose.
- En fait, il paye le mariage de sa sœur. Il est si grand, si... Impressionnant. Chaque fois que j'entends sa voix je me sens vibrer, quand je serre sa main, j'ai l'impression de me liquéfier. C'est insupportable.
- Il s'en est probablement rendu compte... Si il ne t'approche pas, ça résout ton affaire.
- Mes yeux le cherchent, mon cœur fait des sauts périlleux, mon estomac fait des nœuds et mes poumons se gèlent. Et je ne sais rien de lui. Je suis juste une femelle en chaleur devant lui et j'ai horreur de ça.

Hendrich esquissa un sourire. Il se voyait lui, quasiment trente ans en arrière. Un jeune homme refusant ce que la nature et la génétique lui dictaient et envoyant balader un homme qui admettait être fou amoureux de lui. Il se présentait toujours en tant que Hendrich Hohenman mais c'était en fait le nom de sa mère, il devrait normalement se présenter en tant que Hendrich Beilschmidt, le nom que portait ses enfants par ailleurs. Ce petit subterfuge lui avait servit à s'échapper. Ce n'était pas un coup de foudre amoureux mais un désir instantané qui se créait entre l'Alpha et l'Oméga concernés par le «destin» Une bête histoire d'alchimie au niveau de leurs phéromones. Il pouvait comprendre que tous les Omégas, et probablement les Alphas, ne voient pas ça d'un bon œil. Il n'y avait pas de libre consentement, juste le corps qui partait en roue libre. Effrayant à souhaits. Bien sûr il y avait aussi des cas où tout se passait à merveille comme pour Ewen et Julien. Tout dépendait du caractère des concernés.
- Et comment il s'appelle alors? Demanda-t-il en se relevant pour prendre la boîte à biscuits.
- Ivan Braginski.
La boîte en fer tomba violemment au sol, faisant sursauter Gilbert. Il se leva pour venir ramasser tous les morceaux de biscuits éparpillés ainsi que le couvercle qui avait sauté il ne savait où. Cependant il paniqua bien plus quand son père, pâle comme un linge et tremblant, fini par s'évanouir sur le lino blanc de la cuisine. Maladroitement, il vérifia tous ses signes vitaux puis le porta comme il pu jusqu'à son lit, le veillant jusqu'à ce qu'il revienne à lui. Il se tordait les mains nerveusement, qu'est-ce qu'il avait bien pu dire pour que son paternel, si fort, tombe dans les pommes? Était-ce le nom? Ne sachant que faire d'autre, il appela Romulus à la rescousse. L'italien et l'allemand n'étaient pas amoureux l'un de l'autre mais ils se connaissaient par cœur. Il saurait forcément ce qui ne tournait pas rond dans cette tête blonde.
Les yeux bleus papillonnèrent puis s'ouvrirent enfin, une fois la mise au point réussie. Hendrich avait reconnu l'odeur épicée de Romulus à ses cotés et assit au pied du lit, Gilbert le regardait avec angoisse. Il soupira puis s'assit, calé contre les oreillers.
- Tu nous as fait un sacré remue-ménage. Je vais être en retard pour rentrer à la maison, Flo va me tirer les oreilles.
- Je m'en excuse, tu peux y aller.
- Si je m'en vais ton fils me poursuivra. Crache le morceau Hendrich, il est temps.
La main pâle se resserra sur celle bronzée et son compagnon lui transmit autant de force et de courage qu'il le pouvait. Sa voix était faible quand il se mit à parler, une voix qu'il n'avait jamais prise en présence de ses enfants. Gilbert en était touché, son père étant son idole de force, son modèle de réussite...
- Tu sais que j'avais vingt ans quand je t'ai eut... Or, j'ai rencontré Romulus plus tard, deux ans plus tard en fait.
- Je sais que l'vieux n'est pas mon père. Les tests à ma puberté ont fait foirer le mensonge.
- C'est vrai. Mais c'est lui qui t'a élevé et nous ne t'aurions rien dit si l'infirmière n'avait pas éventer le secret. Après tout, tout fonctionnait très bien tel quel.
- Ouais.
- Braginski... Je connais ce nom. Ton père le portait déjà... Kievan Braginski. Je me persuade chaque jour de l'effacer de ma mémoire... Mais tu es là et je ne peux l'oublier. Je t'ai toujours donné mon amour, autant qu'une personne telle que moi puisse en donner.
- Et ce Kievan là, c'était lui ton Alpha. Comment t'as fait pour lui échapper après avoir couché avec lui?
Il vit son père rougir. Pas croyable.
- Crois-moi Gil, tu ne veux pas les détails. Je ne pensais pas que j'aurais un enfant, je le pensais si fort que j'en ai fait un déni de grossesse. J'ai travaillé encore plus dur pour que tu ne manques de rien, jusqu'à ce fameux voyage d'affaires à Berlin où j'ai rencontré Romulus. Tu avais à peine deux ans alors en grandissant, tu as fini par penser qu'il avait toujours été là.
- Je suis en chaleur sur mon demi-frère? C'est ça que tu penses?
- Je ne sais pas...
Un silence pesant s'installa dans la chambre sobrement décorée en blanc, gris et bleu pâle. Romulus promit de se renseigner davantage sur ce Ivan Braginski, par chance, il avait juste le même nom et pas le même sang. Sinon, une situation déjà bien épineuse allait vite devenir un bourbier cataclysmique.  

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