Chapitre 4

1.3K 82 2
                                    

Francis soupira, gérer la puberté et les sautes d'hormones de ses jumeaux était particulièrement difficile. Alfred étant diagnostiqué Alpha, il entamait un nouveau cycle de croissance le faisant manger et dormir bien plus qu'à l'accoutumée, le rendant également plus agressif et colérique. Voire même capricieux, ce qu'il était déjà de base alors avec ça en plus... Dans le cas de Mathieu qui lui entamait son cycle d'Oméga, ses émotions étaient exacerbées, le faisant rire ou pleurer à la moindre occasion, déjà sensible de nature, là aussi ça n'arrangeait pas son cas. Son corps aussi commençait à changer, là où Alfred prenait en centimètres et en muscles, lui prenait en finesse et en courbes. Sa voix également, bien qu'elle va muer, sera toujours plus délicate que celle de son frère. Francis étant Oméga, il comprenait ce qui arrivait à son second enfant mais gérait un peu à l'aveugle concernant l'autre. Ce qui l'attristait, c'était de devoir les séparer un peu plus souvent pour éviter un accident fâcheux causé par les hormones. Ils n'avaient que treize ans et aucun contrôle sur leurs actions, dans un an ou deux, Francis ne serait plus obligé de les surveiller autant car ils seront capables de se freiner seuls. La première fois qu'il avait vu Alfred embrasser Mathieu, il cru frôler la crise cardiaque mais les jumeaux eux-mêmes n'étaient pas sûrs de comment ils en étaient arrivés là. Certains diront curiosité de la jeunesse, pas faux, mais autant être prudent. C'était déjà une chose très rare que des jumeaux soient de type différent et l'intérêt scientifique que ça avait déclenché avait considérablement effrayé leur père qui avait ordonné à Romulus de faire cesser ce raffut, refusant catégoriquement qu'on utilise ses enfants comme des rats de laboratoire.
- Papa, est-ce que ça va?
Francis cligna des yeux, réalisant qu'il était resté stoïque, une rose à la main pendant plus de dix minutes. Il se reprit puis sourit à Alfred, ses grand yeux bleus le fixant. Il semblait inquiet alors son père termina son bouquet puis l'emmena dans la cuisine avec lui, le faisant asseoir devant un verre de lait.
- Qu'est-ce qui te tracasse?
- Pourquoi Matt il est pas comme moi?
- Je ne sais pas Al, c'est la génétique qui a choisit.
- Je veux pas lui faire du mal... Ça fait que six mois depuis notre anniversaire mais il est déjà plus petit que moi et il a toujours des mains toutes fines. J'ai peur de ça... On était pareil avant.
- Al, Matt sait que tu l'aimes et il sait que tu ne lui feras pas de mal. Tu sais, les Omégas ne sont pas si fragiles que ça. Tu trouves que j'ai l'air faible?
Le garçon observa son père puis secoua la tête. Son papa il était fort mais parce que c'était son papa, il avait du mal à imaginer Mathieu comme un adulte fort. Bien sûr, il avait lu avec eux le petit manuel expliquant les différences entre Alpha et Oméga mais tout ça restait bien compliqué et obscur pour eux. Mathieu avait commencé son traitement, prenant consciencieusement sa pilule chaque matin au réveil et pour le moment, son premier cycle de chaleur ne s'était pas déclenché.
- J'aurais voulu qu'on soit comme Arthur.
- C'est vrai que être Bêtas ne vous aurait pas apporté de soucis... Je suis désolé Alfred...
Le garçon regarda son père qui affichait un air de très grande tristesse et il comprit qu'il l'avait blessé. Il se leva alors pour serrer dans ses bras son papa, le serrer fort.
- Non. C'est pas ta faute, tu es le meilleur des papas du monde! C'est vrai que c'est bizarre, que je me pose pleins de questions... Mais tu es avec nous alors tout ira bien!
Francis le serra en retour, inspirant son odeur délicate, encore celle d'un enfant mais il savait que bientôt, elle changerait pour se faire plus sauvage et séductrice. Heureusement, les parents et les enfants ne s'influençaient pas, étant en quelques sortes immunisé contre les phéromones l'un de l'autre.

Mathieu était justement en promenade avec Arthur, Alfred dormant encore quand ils étaient partis. Lui aussi se posait beaucoup de questions et il voyait à quel point leur père semblait inquiet et déstabilise, alors pour ne pas en rajouter, il étudiait dans son coin via les livres et Internet. Grignotant une crêpe au sirop d'érable dans un parc pendant que Arthur lisait le journal, ses yeux violets se perdaient dans le vide. Serait-il aussi beau, intelligent et doué que Francis en grandissant? Allait-il trouver un Alpha qui l'aimerait plus que tout? Ou un Bêta? Il n'envisageait pas les filles, ça rendrait la situation beaucoup trop compliqué pour son jeune esprit. Il sursauta quand une main se posa sur sa tête, croisant ensuite le regard émeraude du compagnon de son père.
- Tu sembles perturbé Matt. Cette histoire d'Alpha et d'Oméga hein?
Il hocha timidement la tête. Arthur referma puis plia son journal, se tournant ensuite vers le jeune. La première fois qu'il l'avait vu c'était aussi dans un parc, il jouait au ballon avec Alfred alors que Francis les surveillait. Cela faisait presque dix ans déjà, un peu moins, huit peut-être. Peu importe.
- Être Oméga ne ruine pas ta vie tu sais. Tu peux faire les études et le métier que tu veux, en plus tu as une bonne personnalité, tu trouveras quelqu'un de bien.
- Oui... Papa est super beau, il est intelligent aussi et il travaille comme chef dans un restaurant chic. Je sais que les autres Omégas de père ont de bons emplois aussi...
- Alors qu'est-ce qui t'inquiète?
- Papa avait l'air vraiment terrifié quand on a fait un bisou avec Al. On sait qu'il faut pas faire ça entre frères et on le voulait pas vraiment, ça s'est fait tout seul. J'ai eut chaud alors Al s'est approché pour voir si j'allais bien et voilà... C'est de ma faute c'est ça? C'est de ma faute si Al a fait une bêtise?
Arthur enlaça tendrement le petit garçon sanglotant, lui murmurant des mots rassurants. Pas compliqué de deviner que c'était les phéromones Omégas qu'il avait dégagé à ce moment là qui avait attiré Alfred, s'éveillant à peine à ses sens d'Alpha. Pour autant, ce n'était la faute ni de l'un ni de l'autre... Ils ne pouvaient pas encore lutter contre leur nature. Avec le temps et les médicaments, ce genre d'accidents n'arriveraient plus. Il le câlina longuement puis une fois calmé, il le laissa finir sa crêpe avant de rentrer à la maison, retrouvant leur famille. Francis et Alfred les accueillirent avec le sourire, une bonne odeur flottant dans la cuisine, augurant un excellent dîner en perspective. Les deux frères jouèrent ensemble dans le salon à un jeu vidéo, laissant les adultes roucouler entre eux. Francis avait souvent l'impression de patauger mais heureusement, son anglais était là pour le maintenir à flots. Aussi emmerdeur soit-il, il n'aurait échangé Arthur contre rien au monde.

Romulus venait d'avoir un dîner de famille avec Florentina, évidemment, et leurs trois fils: Lovino, Feliciano et Carlino. Chacun vivant avec sa chacune, si on pouvait dire bien que concrètement, un seul vivait avec une fille. Il s'agissait de Feliciano qui avait dégoté une allemande sublime, nommée Monika. Il reconnaissait là son goût pour les beautés blondes. Lovino papillonnait avec un espagnol qui était semble-t-il un horrible bâtard mais comme il restait avec, ce n'était sans doute pas si terrible. Carlino était pour le moment entre deux eaux, flirtant avec joie ici et là. Et de chaque coté de la barrière. Sa première famille se portait donc à merveille et ça lui faisait chaud au cœur, vu les récents ennuis rencontrés par les autres. Affalé sur le lit conjugal, son ordinateur portable sur les genoux et les lunettes sur le bout du nez, sa femme vint le rejoindre.
- Sur quoi travailles-tu?
- Gilbert a des ennuis avec un Alpha, il semblerait que ça soit lié au partenaire de Hendrich. J'essaye de me renseigner là dessus.
- Oh je vois... Sinon les petits jeunes vont bien?
- Tous sains et saufs, ne t'en fait pas Amore mio.
Elle posa sa tête sur son épaule, ses longs cheveux ondulés d'un riche châtain cascadant alors sur leurs peaux nues. Elle était en nuisette et lui ne portait qu'un bas de pyjama. Elle le regarda travailler un moment, recoupant différentes informations sur ce Kievan Braginski, ayant trois enfants Yekaterina, Ivan et Natalia. Il avait divorcé d'avec sa femme qui avait refait sa vie ailleurs. Florentina savait que Romulus avait rencontré son partenaire destiné juste après leur mariage mais comme elle était enceinte et qu'il l'aimait, il avait abandonné ce garçon. Elle se souvenait de lui, il était mignon et vraiment gentil, quoique têtu. Très pieux également, qu'était-il devenu? Elle ne pouvait le demander directement à Romulus, ne souhaitant pas faire de la peine à son mari, du moins, ne pas lui en faire encore plus.
- Il y a un truc qui cloche...
- Quoi donc?
- Je dois demander une chose à Hendrich.
Quelques minutes plus tard il reçu ce dont il avait besoin, une photo du dénommé Kievan à l'époque où lui et Hendrich s'étaient rencontrés. Il ressemblait beaucoup à celui posant sur la photo annonçant le mariage de Yekaterina avec son fiancé estonien mais ce n'était pas lui. Bizarre, une telle ressemblance... Cela méritait une investigation plus profonde. Il y passerait peut-être la nuit mais le cas de Gilbert était un peu pressé cela dit.
Quand il termina enfin ses recherches, la nuit était déjà très entamée et Florentina dormait à poings fermés près de lui.
- Enfin je te tiens.
Il sauvegarda toutes les données avant de les envoyer par mail à Hendrich qui ne s'attendait sûrement pas à ce genre de découvertes. Enfin, l'italien se décida à aller se coucher, enlaçant la femme de sa vie tendrement. Oui, il souffrait d'avoir rejeté celui qui aurait pu, aurait dû, être parfait pour lui mais il aimait sa femme et leurs enfants. Il l'aimait vraiment, d'un amour sincère. Elle savait pour les Omégas et leurs enfants depuis le tout début et l'avait accepté, sachant la mesure drastique qu'il avait prise pour la protéger auparavant. Elle était amoureuse de lui depuis le premier jour et espérait le garder jusqu'au dernier même en sachant qu'il ne serait jamais complètement à elle.

Loïs soupira, enfin la pause entre les cours! Bien sûr, il adorait ce qu'il faisait mais une pause était toujours le bienvenu. Il se tourna alors vers son voisin de table pour discuter, un très beau garçon aux yeux violets et aux cheveux bleu layette. Linois était constamment habillé de couleurs pastelles, avec plein d'accessoires mignons et parfois girly. D'ailleurs, sa passion était de s'habiller en Sweet Lolita dès qu'il le pouvait, visiblement pas gêné de porter une robe. Après tout, chaque robe était unique car il les fabriquait lui-même. Loïs avait eut une double surprise concernant son voisin de table, de un malgré sa délicate beauté, il était de type Alpha et de deux, son frère aîné appelé Armand était le compagnon du propriétaire du café Le Bel Air, là où il avait discuté avec Hendrich quelques temps plus tôt. Le monde était petit!
- J'ai encore du mal à croire que tu sois un Alpha...
- Honnêtement, moi aussi. Après tout, mon taux hormonal n'a augmenté que depuis l'année dernière.
- C'est rare d'être diagnostiqué à quinze ans...
- Les scientifiques appellent ça un gène dormant. Jusque là, j'étais un Bêta aux yeux de tous, ça n'a changé que quand il y a eut l'accident avec l'Oméga l'an dernier. Le pauvre avait oublié sa pilule pile le jour où ses chaleurs se sont déclenchées... Ça a créé une vraie commotion dans la classe, le prof étant parti faire des photocopies.
- Et alors?
- Alors je me suis levé et je l'ai prit dans mes bras, ça a dissuadé les autres de s'approcher. Je ne l'ai pas lâché avant qu'il ne soit en sécurité à l'infirmerie et que l'infirmière lui eut fait son injection. Après ça, elle m'a dit d'aller refaire un test à l'hôpital et voilà.
- Tes deux parents sont Bêtas mais ton frère et toi êtes Alphas... Ce qui veut dire que tes deux parents avaient le gène pour donc forcément, il y avait des Alphas dans ta famille. Ou des Omégas, mais c'est pas le plus important je crois.
- Le frère de ma mère est Oméga mais mes grands-parents, j'admets que j'en sais rien. Et puis, c'est important dans un arbre généalogique les Omégas, ce sont eux qui ont le plus de chance de transmettre le gène Alpha que les Bêtas après tout.
Le couturier en devenir esquissa un sourire, appréciant la remarque sur l'importance de son type. L'odeur de Linois était vraiment agréable, quelque chose d'attirant mais pas prenant. En comparaison, celle de Romulus était très épicée et entêtante. De ce qu'il se souvenait Julien se trouvait quelque part entre les deux, une fragrance musquée mais hautement supportable. Cette réflexion le fit s'interroger sur sa propre odeur, lui-même ne pouvant bien sûr pas la sentir. Un peu gêné, il se pencha pour murmurer sa question à l'oreille de son ami. Celui-ci réfléchit quelques secondes puis lui sourit.
- Tu as une bonne odeur, c'est frais et doux. Comme... de l'adoucissant.
- Je sens la lessive?
- Non je veux dire que c'est attirant mais plaisant. Mais je ne saurais pas mettre une senteur précise dessus.
Ils s'entre regardèrent un moment puis se mirent à glousser, attirant l'attention de quelques camarades. Ils durent pourtant se calmer, le professeur annonçant la fin de la pause.

Hendrich fixait la photo envoyée par Romulus avec intensité, sur cette photo d'invitation au mariage, ce n'était pas Kievan. Ou du moins, ce n'était pas le sien, pas celui de ses souvenirs. Une autre photo s'afficha sous ses yeux, tirée d'un journal et annonçant une cérémonie de remise des diplômes et cette fois, il reconnu le jeune homme.
Scandza Braginski, 25 ans, diplômé de l'université de Sciences Politiques de Moscou.
Vingt-cinq ans... Soit cinq ans après leur «aventure» si on pouvait dire les choses ainsi, et trois ans après qu'il se fut uni à Romulus. Scandza... Ainsi c'était son véritable nom. Il était le cousin du véritable Kievan, un peu plus âgé. Mais pourquoi lui avoir donné un faux nom à l'époque? Sa conscience lui rappela que lui-même n'utilisait pas son nom officiel mais tout de même. Lui n'avait pas mentit à ce moment là. Du moins, pas sur ça... Il soupira, Gilbert était donc entiché d'un cousin éloigné finalement donc même si l'envie leur prenait de faire des gosses, ça ne serait pas un problème. Il envoya donc un texto à son aîné, lui résumant les faits. A lui de choisir si il voulait se rapprocher de ce Ivan ou s'enfuir comme lui-même l'avait fait il y a de cela si longtemps. Fatigué de tout ça, il referma son ordinateur portable, éteignit son téléphone puis s'allongea sur le canapé en cuir blanc. Fermant les yeux, il revit une fois de plus le sourire de celui faisant battre son cœur malgré presque trente ans d'absence.

Hendrich venait pour la première fois de poser les pieds à Berlin, invité par l'un de ses professeurs à assister à une conférence. Très studieux, il était évidemment venu. Précautionneux, il gardait sur lui ses plaquettes de pilules et son kit à injection. Il détestait sa nature d'Oméga, le faisant paraître faible. Il travaillait donc d'autant plus durement pour réussir tout ce qu'il entreprenait. Il était grand et avait quelques muscles, forgés avec difficultés à la salle de sport, essayant de gommer une apparence trop délicate. Il ne pouvait pourtant pas grand chose contre les traits élégants de son visage ni contre sa voix, pas aussi profonde qu'elle aurait dû l'être. Il portait un parfum très masculin pour camoufler la délicate odeur de sous-bois qu'il semblait trimballer et envoyait paître fermement tout Alpha malgré tout intéressé. Il avait d'ailleurs bien prit soin de ne jamais coucher avec l'un d'eux afin de pouvoir se trouver une femme plus tard. Sa vie était réglée comme un papier à musique. Jusqu'à lui.
- Excusez-moi, pourriez-vous m'indiquer le chemin jusqu'à l'auditorium?
C'était une voix basse mais douce, comme une main de fer dans un gant de velours. Il se retourna et son regard bleu devint prisonnier des iris violets le fixant alors en retour. Ils restèrent ainsi plantés bêtement dans le couloir, s'observant comme si ils venaient de découvrir la Huitième Merveille du monde. Le jeune homme écarta une longue mèche blanche de son visage et esquissa un sourire, faisant faire un triple salto au cœur de Hendrich.
- Je... Je m'apelle Kievan. Et toi?
- ...Hendrich...
Le silence revint puis fut coupé par la foule estudiantine qui se présenta alors dans le couloir et ils furent emportés par cette marée humaine, se perdant de vue.
Ils se revirent seulement à la fête organisée pour conclure les trois jours de conférence, le lendemain, chacun devrait reprendre la route et ne pas se revoir. Repérer Kievan fut simple, sa longue chevelure blanche, légèrement ondulée, se détachait fortement. Attiré comme un aimant, Hendrich fut près de lui avant même de le savoir. Ils se regardèrent à nouveau,le russe posa sa flûte de champagne et ils sortirent de la salle. Arrivés dans la chambre du russe, ils fermèrent la porte mais Hendrich se souvint qu'il ne voulait pas être lié à un Alpha.
- Ferme les yeux et tend les mains. S'il te plaît...
Kievan obéit sans discuter, hypnotisé par le blond magnifique assit sur ses genoux, comme par magie. Ses mains furent attachées par sa propre cravate et ses yeux bandés par celle du blond. La suite ne fut que gestes désordonnés, souffles erratiques et gémissements étouffés. Aucuns baisers, juste un acte sexuel vite fait accompli, sans tendresse, juste un besoin à assouvir et à faire taire au plus vite. Une fois l'affaire finie, Hendrich l'avait détaché puis s'était enfuit, les larmes coulant à profusion. Son corps avait goûté aux délices mais son cœur était en miettes. Il ignorait que c'était aussi le cas pour Kievan.


Hendrich rouvrit les yeux et essuya ses joues. A bientôt cinquante ans, il serait sans doute temps d'enterrer cette histoire et cet homme que son nom fut Kievan ou Scandza. Cela restait le mieux à faire, il l'avait déjà décidé auparavant. La constance était le choix le plus raisonnable.

Nassim hésitait à ouvrir la lettre qu'il avait reçu, une lettre venue de Baal Hammon. Devant lui, Farah et Yasmine jouaient aux poupées sur le tapis, Amir dormant tranquillement dans son berceau. Sa vie était bien rangée, toute jolie et lisse. Sauf ce détail, gros comme un paquebot qui était Baal. Finalement, il décacheta la lettre et déplia le papier, les mains légèrement tremblantes. Il prit une grande inspiration puis lu la délicate écriture. Il lui présentait surtout ses excuses concernant sa manie de l'effrayer à chaque fois qu'il essayait de faire quelque chose, accordant le point que le kidnapping était une vraie mauvaise idée. Mais pour le reste, ce n'était vraiment que de la maladresse. Il lui parla de Falcata aussi, lui disant que cet Oméga le suivait depuis des années. Pourtant, malgré toute l'affection, la possessivité et l'attachement qu'il éprouvait pour son bel ibérique, il voulait vraiment Nassim. Malgré le corps parfait de son partenaire quadra, il ne pouvait s'empêcher de rêver à celui du jeune homme. Il précisa que ce n'était pas des paroles pour lui faire peur, seulement son obsession pour lui était difficile à faire taire. Il avait essayé de ne pas développer de sentiments à son égard mais il n'avait pas réussit. Il ne pouvait s'enlever Nassim de la tête, même en sachant qu'il était lié à un Alpha, même en sachant qu'il avait enfanté trois fois avec ce même Alpha. Après encore moult excuses, sans chercher à se justifier, admettant ses erreurs, demandant un pardon sans vraiment penser l'obtenir. Et tout à la fin, il y avait un rendez-vous. Il avait dit que son yacht allait repartir au large à l'aube, par conséquent il attendrait toute la soirée et toute la nuit si il le fallait sur le quai, attendant que Nassim vienne. Si il ne venait pas alors Baal allait complètement disparaître de sa vie, se contentant de son quotidien avec Falcata ou peut-être un autre. Il abandonnerait son cœur à la mer sans jamais, jamais revenir le chercher.
- Papa triste?
La voix de sa cadette le tira de ses pensées, était-il triste? Il passa la main sur son visage, sentant effectivement quelques perles salées. Il s'essuya prestement avec sa manche puis encouragea la petite à continuer de jouer avec le joli poney bleu à la crinière multicolore. Baal lui faisait peur, il l'avait toujours terrifié. Il devrait être heureux que celui-ci accepte enfin de s'en aller sans plus jamais tenter de le contacter. Un véritable Adieu, une libération! Et pourtant... Il avait un nœud dans la gorge et le cœur en berne, un poids écrasant sa poitrine. Bientôt, ce serait l'heure du goûter, il avait encore du temps pour se décider. Cette fois, il était le seul et unique décisionnaire de sa vie. A lui de ne pas regretter plus tard...

Ewen mordillait son stylo, plus vraiment concentré sur ses devoirs. La soirée avançait petit à petit mais ses devoirs de maths restaient au point mort. Son esprit divaguait depuis le cours Sciences Naturelles, où ils avaient commencé à aborder le sujet de la génétique plus en profondeur. Avec un certain amusement, si l'on pouvait dire, Ewen avait fait le rapprochement entre la situation de Romulus et celle de la population en générale. Sur dix-sept enfants, seuls cinq étaient des filles, sur les garçons restant, deux étaient de type Oméga et seulement trois de type Alpha. La modification génétique ainsi que le chromosome féminin restaient encore et toujours en minorité dans la population.
Une tasse apparue soudainement sous son nez, le faisant relever les yeux pour croiser le regard d'un marron ambré de son compagnon. Il sourit, se sentant un peu idiot d'être ainsi le nez en l'air et le cerveau déconnecté.
- Tu as besoin d'aide avec tes maths?
- Oh non, j'étais juste perdu dans mes pensées.
- Dis en plus.
Le petit brun lui fit donc un résumé de ses pensées tout en dégustant le chocolat chaud amoureusement préparé par son chéri. Julien esquissa un sourire, voilà une tête bien faite et bien remplie, capable de réfléchir à la situation actuelle de leur société. Non pas qu'il ait pu penser que son partenaire soit sot, loin de là mais il avait de sérieux doutes sur l'éducation dispensée par Wido. C'était un homme intelligent, très intelligent mais aussi très particulier, dans le sens vicieux et franchement peu fréquentable. Il n'avait jamais levé la main sur Ewen bien sûr, et encore heureux, mais ne lui avait jamais montré une once d'intérêt. Savoir pourquoi il l'avait élevé pendant seize ans demeurait un mystère, y comprit aux yeux du concerné lui-même. Cependant, il ne souhaitait pas penser à son père qui était pour lui à la fois précieux mais étranger.
- Continue de bien penser, c'est important. Mais en attendant, fini tes maths, histoire qu'on puisse passer du temps ensemble ensuite.
- Oui Julien. Tu as une idée de ce que tu veux manger ce soir?
- On verra ça ensemble tout à l'heure.
A peine avalé que son chocolat se retournait déjà dans son estomac. Depuis quelques jours, il se sentait un peu vaseux mais au début il avait mit ça sur le compte des trop hautes émotions qu'avaient entraînés les événements. Visiblement, c'était autre chose. Le temps devenait plus frais même ici, dans le sud de la France et peut-être était-ce simplement un coup de froid. Il espérait vraiment que ça ne soit que ça... Certes, il avait accepté que son corps ne fut là que pour enfanter, dans sa relation planifiée avec Romulus or ce n'était pas le cas avec celle qu'il entretenait amoureusement avec son Alpha. Ils avaient discuté du fait que Julien pouvait le féconder mais c'était tout. Jamais ils n'avaient parlé du fait qu'un bébé pourrait arriver suite à leurs nuits de bonheur. Ewen douta, posant ses mains sur son ventre. Et si...? Il prenait toujours ses médicaments régulièrement mais ils n'avaient pas pensé à un contraceptif quelconque. Ça serait vraiment la tuile si c'était ça... Ou pas? Il soupira mais reprit ses devoirs, il se montait sûrement la tête pour rien. La fatigue, tout ça.

D'un autre coté de cette grande famille, un couple profitait de la chaleur d'une bonne soirée hammam. Heraklès se laissait masser la nuque, les épaules et le dos par les mains fortes de son amant turc, quasiment son mari vu les années de fréquentation et de cohabitation. Ils vivaient un peu en retrait du reste de cette famille surdimensionnée, bien qu'ils ne soient pas hostiles à donner des nouvelles ou à discuter. Bien que l'Oméga ne pu donner qu'une seule et unique fille à son Alpha, celui-ci se préoccupait toujours du bel éphèbe grec et n'était pas contre en croquer un bout à l'occasion. Ce point particulier avait longuement posé débat avec Sadiq, peu amène à l'idée de partager son compagnon sexuellement. Mais avec le temps, ce coté des choses avait fini par s'aplanir. Plus ou moins.
- Éole est déjà grande.
- Oui. Une jeune femme qui entame l'âge adulte.
- Tu n'as jamais regretté de ne pas en avoir d'autres? Depuis le temps, l'autre con aurait pu réessayer de t'engrosser.
Le grec s'éloigna, peu heureux de ce genre de dénomination. Il n'était pas une vache bonne à être engrossée, justement. Cela étant, Sadiq ne semblait pas être rude envers lui mais envers l'italien, du moins, il préféra l'interpréter ainsi.
- Non. De toute façon, il s'est largement rattraper avec les jeunes.
- T'es pas si vieux.
- Peut-être. Mais ça ne me servirait à rien d'essayer maintenant.
- Tu ne voudrais pas essayer avec moi?
- Tu n'es qu'un Bêta, bien que tu ais des antécédents Alpha dans la famille, ça ne servira à rien.
- Qui ne tente rien n'a rien.
Le turc se leva et entraîna son amant hors de leur hammam privé pour le conduire dans la chambre luxueuse, faisant tomber leurs serviettes respectives. Heraklès se laissa tomber sur le lit et accueillit contre lui son compagnon, retrouvant la chaleur de son corps, exacerbée par leur séance à la vapeur. Il pressa sa main sur la nuque de l'autre, plongeant son regard vert brillant dans celui vert olive de son partenaire. Front contre front, ils avaient l'un de ces moments tendres qu'ils n'avouaient pas mais aimaient se donner. Cette douce observation se mua en tendres baisers qui finirent par entraîner de délicates caresses. Ce soir, ils feraient l'amour plutôt que de se battre passionnément.  

Partenaire destinéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant