Le cube

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La dernière source de lumière éclairait la porte d'entrée et l'immense escalier qui lui faisait face, dont dégringolait un tapis rouge.

Sur le côté droit, l'horloge comtoise faisait mine de poursuivre son mouvement, balancier mobile, mais aiguilles fixes. En face s'étendait un miroir plus grand que tous les autres.

Alice tenait en main la clé. Elle se tourna vers la porte et chercha la serrure avec fébrilité.

« Mademoiselle Alice, dirent des pas qui descendaient l'escalier.

Le médecin la cherchait de ses yeux sans lumière, précédé d'une canne au pommeau d'onyx, sondant les lieux comme un poisson des fonds marins.

— Ma chère, que cherchez-vous à faire exactement ?

— J'ouvre la porte, dit Alice.

La clé lui échappa des mains et se perdit dans le tapis.

— Voyons, ma chère Alice, ne sentez-vous pas ce désordre dans votre esprit, cette confusion ? La confusion n'est-elle pas un signe que vous allez trop vite ? Prenons le temps de réfléchir. Avant toute chose.

— Je croyais que mon indécision vous déplaisait.

— Oh, oui, vous êtes indécise, petite sotte ! Imbécile impertinente, créature vicelarde, éhontée, je vous honnis pour votre face de moineau, votre regard de poisson, vos sentiments à l'emporte-pièce, ou plutôt même, votre insensibilité totale ! La douleur ! Qu'est-ce que la douleur ! Vous ne savez pas ce que c'est de souffrir. Vous ne savez pas ce que c'est que le bonheur. Vous restez enfermée ici, Je vous interdis de vous défiler !

— Taisez-vous, dit Alice.

Elle fit un pas en arrière, mais la porte intransigeante la bloqua.

— Non, je ne me tairai pas ! Et cette injustice que vous nous faites tous ! Car il est trop facile d'être dans votre position, Alice. Il est trop facile d'être seul dans son monde. Secouez-vous ! Faites quelque chose, nom d'un chien !

Le chat déboula derrière lui et le heurta ; le médecin leva les bras en l'air, un instant, en équilibre précaire sur les tapis. Puis il glissa pour de bon, emmené sur le côté, éjecté au travers du miroir.

Il n'y apparaissait déjà plus.

— La clé, dit le miroir. Alice, retrouve la clé.

— Je n'ai pas de sentiments, dit-elle en continuant néanmoins à chercher. Je suis une coquille refermée sur du vide. C'est cela ?

— Cette maison, dit le miroir, n'est pas vide.

— Mais elle tombe en ruines.

— La clé, répéta le miroir. Alice, retrouve la clé.

À nouveau, des pas retentirent dans l'escalier, des coups sourds et féroces. Les derniers luminaires s'éteignirent ; Alice chercha en tremblant sa petite bougie. Le cube lui faisait face, dans l'entrée, seul avec elle et le tic-tac de l'horloge en stase.

— Que veux-tu ? demanda-t-elle.

— Je suis là pour t'aider.

Elle resta accroupie au sol, cherchant la clé de sa main, les yeux rivés sur la surface noire.

Le cube ouvrit des yeux de serpent et la regarda en retour.

— Je suis là pour t'aider, mon enfant, susurra-t-il. Pourquoi t'imposes-tu autant de difficultés ? Pourquoi veux-tu devenir, là où il te suffirait d'être, et de demeurer, pour toujours ?

Le chant des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant