Avec mes souvenirs
J'ai allumé le feu
Mes chagrins, mes plaisirs
Je n'ai plus besoin d'eux !
C'était, après tout, sa dernière soirée à l'hôtel. À moins qu'il ne reste un peu plus –il ferait son choix plus tard. Basile se rasa de frais, opta pour son plus beau costume, une chemise de soie et un nœud papillon très chic. Il dompta ses cheveux récalcitrants à coups de peigne et d'un peu de cire. Il se trouvait beau, prêt à assurer un numéro de charme exceptionnel.
Allons donc, se dit-il, ce n'est pas un numéro. Rien que les usages de la vie en société.
Lorsqu'il descendit au restaurant, il commençait déjà à faire nuit. Les rideaux étaient à peine entrebâillés ; les appliques dans le couloir et les lustres dans les salons brillaient de mille feux. La lumière ici était tamisée, il faisait assez chaud.
Contrairement au déjeuner, une seule table ronde avec été dressée, avec cinq couverts. Le positionnement des convives avait déjà été acté par Ferdinand, qui d'ailleurs réapparaissait pour placer un dernier bouquet de fleurs fraîches.
Basile tourna autour en regardant les cartons. Il fut soulagé de voir son nom à gauche de celui de Sophia, tandis que Prospero fermerait sa droite. Un candélabre allumé le protégerait d'Archibald, c'était mieux que rien.
La jeune femme apparut alors. Elle portait une robe de soirée blanche et nacre, élégante, différente de la veille ; un décolleté sage et une rivière de diamants. Sa coiffure était simple, en apparence seulement, et ses boucles d'oreilles, les coquillages irisés qu'il avait déjà vus.
Elle était éclatante, rayonnante ; il chercha les compliments en la voyant s'avancer vers lui. Elle s'assit à sa place et ôta ses gants de velours.
« Vous êtes magnifique, dit-il avec honnêteté.
— Vous aussi, se défendit-elle avec un sourire ravageur.
Un rouge légèrement brillant soulignait ses lèvres et un trait de maquillage suffisait à embellir ses yeux. Son teint n'était pas artificiel.
— Alors, Basile, après cette journée, comment trouvez-vous l'hôtel ?
— Il y a beaucoup plus de choses qu'il n'y paraît au premier abord.
— Vraiment ? Comment est-il au premier abord ?
— Très calme, presque... presque un sanctuaire. Puis il se révèle ensuite complexe. On dirait que de nombreux secrets sont entreposés entre ses murs.
— Nous avons tous nos secrets, dit-elle en penchant délicatement sa tête vers lui. Il est normal qu'ils fassent eux aussi partie des lieux, au bout d'un certain temps.
Les trois autres convives apparurent. Ils arboraient eux aussi des tenues plus recherchées qu'au déjeuner ; le costume de Prospero était rehaussé de fraises, celui d'Archibald s'ouvrait sur un pourpoint de soie et la légion d'honneur était épinglée à sa boutonnière – tandis que le poète y avait mis une rose rouge.
— Mademoiselle, dit-il en s'approchant. Permettez-moi de vous dire que vous êtes superbe.
Il lui fit le baisemain non sans préciosité, cela la fit sourire.
— Vous avez dû être un grand séducteur, dans vos jeunes années, remarqua Sophia.
— Je le suis toujours, se défendit-il.
— Chers amis ! Tonitrua Archibald Stockholm. Je suis ravi de vous voir tous réunis. Ravi aussi de voir que nous sommes cinq, et non plus seulement quatre.

VOUS LISEZ
Le chant des ombres
Short StoryAlice voudrait bien sortir de cette grande maison où elle a toujours vécu ; mais elle n'a pas encore retrouvé la clé. Chacun à sa manière tente de lui proposer une alternative : cesser de voir, de penser, de vivre. Depuis quelques temps, le cube est...