Le village de Thiercelieux se trouvait dans une clairière dégagée qui était délimité en bordure par une brume blanchâtre et une forêt.
Et aussi loin que je me souviennes la seule chose enchanteresse de ce décor était le petit ruisseau qui traversait les rues escarpées de Thiercelieux et se jetait dans un lac en contrebas de la colline. Ce lac s'engouffrait dans la noire forêt en rivière silencieuse ; unique voie communiquante avec le monde extérieur. Aucun villageois n'avaient un jour pu quitter cet endroit, ceux qui essayaient se perdaient dans la nuée et n'en revenaient jamais.Depuis la cérémonie de passation, l'automne s'était considérablement installé ; et j'avais été recruté, avec pas mal d'autres jeunes pour finir de moissonner les champs. Le jour se levait à peine, nous attendions tous en dehors du village que le vieux Drems ramène sa charrette avec les outils. Un groupe de garçons s'entrainait à viser les oiseaux avec des pierres en attendant ; Tlalok Liodrès était parmi eux.
Il finit par arriver accompagné de maître Liodrès, le meunier. Drems descendit péniblement de sa chariolle car il était boiteux, puis se mit face à nous. Il se gratta le front en nous regardant.-Bha dis donc, vous êtes pas bien costaud. Enfin bon, je vais pas me plaindre !
J'étais assis sur une rocher derrière le groupe. Drems se lança dans des explications pour la récolte. Quand il eut fini, maître Liodrès répartit les outils et les rôles de chacun mais à ce moment là, cela faisait déjà bien une dizaine de minutes que mon esprit s'occupait d'autre chose. Une branche sortait de la brume, et un corbeau mangeait une souris dessus. Il s'arrêtait par moment pour croasser et reprenait ensuite le découpage de sa carcasse. Cette image était plaisante, pleine de mystère. Je me demandais à quoi pouvait ressembler la vie dans cette forêt lugubre sous son voile de brouillard.
-Adrien ! Je sursautais en entendant la voix forte de Liodrès. C'était un homme d'une trentaine d'années, bâtit comme un taureau et autoritaire. C'est la quatrième fois que je t'appelle. Il jeta en ma direction une fau, me levant je la ramassais. Tu ira en lisière des champs, couper les mauvaises herbes qui sortent du bois et qui empiètent sur nos champs. C'est compris ?
-Je le ferais.
Liodrès grogna et continua sa distribution de tâches. Prenant le lourd outil, je partis vers la forêt. Tlalok se détacha du groupe et me suivit, en m'appelant.
-Hé ! Adrien ! Attends-moi !
-Qu'est-ce que tu veux ? Je ne crois pas que ton père t'ait dit de venir m'aider.
Tlalok sourit et arriva enfin à ma hauteur. Je continuais à marcher.
-Je ne t'ai même pas attendu à la sortie du temple, c'est con parce que c'est vraiment chouette qu'on est été tout le deux prit. Il sortit joyeusement sa carte, et l'agita. On est enfin devenu joueur ; à nous le respect et la grande vie !
Je m'arrêtais. Nous étions en plein milieu d'un champs. Je le connaissais depuis longtemps ; ma mère le gardait toujours chez nous parce que ses parents travaillaient tous les deux au moulin. On avait grandi ensemble pendant presque 6 ans.
Après la mort de mes parents, on s'était éloigné. D'un autre côté nous étions vraiment différent dans nos caractères, c'était normal. Il était devenu ''chef d'une troupe d'andouille'' et une sacré grande gueule.Je regardais sa carte, elle était identique à la mienne, mais il n'y avait aucun dessin visible dessus. Une grande tristesse m'envahit. Tlalok finit par remarquer la fau que je portais.
-Oh, c'est encore toi qui vas faire les mauvaises herbes ? Il prit un air plaignant en rangeant sa carte. C'est vraiment pas sympa de toujours y envoyer les orphelins. Son visage s'illumina à nouveau. Ecoute, avec les gars, tout à l'heure on va essayer d'aller dans la brume ; histoire de voir ce que c'est vraiment ce nuage ! Tu viens avec nous ?
Il me tendit la main enjoué. Je repris ma route vers le bois. Cette fois-ci Tlalok ne me suivit pas.
-Ca ne m'intéresse pas.
~
Les premières heures de la matinée s'écoulèrent rapidement. Malgré l'air frais, j'avais chaud. La fau était très pesante, tout mes muscles me faisaient mal à force de la manier. Je revoyais dans ma tête la carte de Tlalok, brandit sous les rayons du soleil ; le bronze brillant. Quel rôle avait-il eut ? Pourquoi était-ce moi le Simple Villageois ??
Un croassement survint dans mon dos. Sur le sol, il y avait le corbeau, ses yeux me dévisageaient. Il reprit "crôaaa crôa"-J'enrage, cet imbécile de Tlalok peut être n'importe quoi. Et moi je ne suis qu'un moins que rien dans la Partie. Je ramassais sur le sol des grains de blés oubliés et les jetais au volatile. Il finit par s'envoler à nouveau au-dessus de la brume.
En me relevant, je vis Tlalok et trois autres garçons s'approcher du bois. Tlalok me regarda et sourit. Valentin, une petite teigne sans cerveau s'avança le plus près. Philap et Mok, les deux autres garçons ricanaient.
-Oh ! Oh ! C'est moi qui commence ! Il plongea sa main dans l'épais brouillard blanc, puis la ressortie. Par tous les dieux des enfers, c'est glacé !! Regardez ça, il contemplait sa main, fasciné. J'ai touché la robe de la mort les gars !
Ils s'essayèrent tous à ce jeu pendant quelques minutes, puis Tlalok les poussa et entra son bras entièrement dans le brouillard. Depuis le début de la scène, je n'avais pas cessé de les observer.
-Adrien, tu peux toujours venir si tu veux ! Me lança Tlalok.
-AhAh ! T'as peur petit adrien ?? Valentin vint vers moi, ses petits yeux de rat pétillaient. Montre nous hein, ton père c'était pas un crevard de loup ? Tu vas pas avoir peur d'un nuage ? Si t'as peur ?
-Ferme là Valentin ! Reprit Tlalok.
-Quand même Tlalok, intervint Philap. son père c'était bien un crevard de loup, il devrait pas avoir peur d'aller dans un forêt.
-J'ai pas besoin que tu me défendes Tlalok, et encore moins devant deux imbéciles. Je regardis Tlalok durement, ignorant Valentin et Philap. Occupe-toi de tes affaires et lâche moi !
-Ok, Tlalok changea d'expression, s'approcha du mur brumeux et y glissa à nouveau son avant bras. Alors Adrien ? T'as peur de toucher ? T'inquiète pas, s'il t'arrive quelque chose je pleurerais pour toi à la place de tes parents.
Philap, Mok et Valentin pouffèrent de rire. Tlalok me toisait du regard, un sourire en coin. Depuis le début, il n'attendait que ça, que je touche ce fichu brouillard. Je le savais. Je m'avançais vers la brume. Elle était d'une blancheur inquiétante. Ma main s'y engouffra. La brume était glacée, comme la morsure d'une première neige d'hiver.
Alors les trois garçons me saisirent et me jetèrent dans l'intérieur du brouillard.-Va hurler avec les tiens et embrasse le cadavre de ton père KragHuker ! S'exclama Tlalok.
VOUS LISEZ
Le Roman de Thiercelieux
Hayran Kurgu'' Pour Nahiid, pour Lokraasia et parce que je les hais je gagnerais la Partie ! '' Un village maudit sous l'emprise d'une déesse déchue, un jeu sordide et une partie sans fin... Adrien KragHuker, adolescent assez pertubé, rêve que d'une seule...