Chapitre 8

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Point de vue de la mère:

- Stop. Chuuut... Tout va bien Estelle, ce n'est qu'un rêve.

Je ne sais même pas pourquoi je lui dis ça. "Tout va bien". Comme si tout, allait bien... Comme si tout était normal, comme s'il ne s'était rien passé!
Je crois que c'est mon rôle de parent de la rassurer. Mais je sais qu'elle n'est pas bête, loin de ça! Nous pourrions la rassurer sans nous arrêter, cela ne changerait rien... Comment peut-on rassurer quelqu'un, sa propre fille, l'enfant qu'il nous reste... Si l'on ne parvient même pas à nous dire qu'en haut de la colline, se trouve un merveilleux paysage, surplombé de montagnes, soleil levant sur les falaises... Mais ces falaises, ma paraissent beaucoup trop dangereuses pour les surmonter.

Clément pose sa main dans mon dos. Je me retourne et vois dans son regard quelque chose de nouveau. Quelque chose qu'en vingt ans de mariage, je n'ai jamais vu... Estelle nous fixe tous les deux, haletante, pleine de transpiration. Elle a encore crié. La voir comme ça me déchire le coeur! Elle est si précieuse, j'ai tellement peur de la perdre elle aussi!
Je ne supporterais pas qu'elle ne s'en remette jamais. Que moi, je n'arrive plus à grimper la falaise, peut importe! Mais elle, elle est jeune, sa vie lui tend les bras, il faut qu'elle remonte cette pente! Même si cela doit lui prendre du temps...

-Maman...

-Oui ma chérie?
Je caresse son visage et parle de manière à l'appaiser. Depuis l'accident, j'ai l'impression qu'elle est redevenue la petite fille fragile, qui voulait se sentir protégée de ses parents. Cette petite fillette avec un grand sourire collé au visage, ce petit rayon de soleil...
Je suis très fière de ce qu'elle est maintenant! Elle s'affirme... Elle avance petit à petit vers l'âge adulte!

-Maman?

-Je sais ma puce... Je sais!

Ces simples mots semble lui faire du bien... Elle ne parle presque pas...
Clément est tout aussi dépité que sa fille... J'essaye alors de rester dynamique, mais je n'y arrive pas. Cette maison est tout à coup bien silencieuse. Mais le silence nous fait à tout les trois du bien. Il nous permet de réfléchir, de pleurer seul avec nous même... Cela ne nous empêche en rien de nous consoler enssemble, mais nous respectons le deuil de chaqun...
Et puis! Sans... Sans Samuel, le bruit me semble incomplet!

Le regard de Clément se pose sur moi et me fait un signe de la tête en désignant Estelle.
Perdue dans mes pensées, je m'étais évadée de cette chambre, les yeux dans le vide, les yeux dans l'infini...
Estelle se rendort et nous quittons sa chambre. Sans un mot, je me glisse dans mon lit. Encore une chose qui me parait parfaitement inutile! Puisque je sais que ne dormirais pas.

Point de vue d'Estelle:

Je suis censée retourner à l'école dans une semaine. A vrai dire, je ne m'en sens pas capable. L'école me semble quelque chose de bien ridicule face au monde dans lequel je suis! Annie, Seb et bien d'autres gens ont sûrement essayé de me joindre mais mon portable est resté éteint depuis qu'il m'a détruit la vie. Depuis que cette sonnerie à retentit... Retentit dans ce silence presque parfait. Ce silence qui lui, était beau... Le silence présent, celui de maintenant est loin d'être celui d'avant! ce silence là, est aussi froid, dur et douloureux que la porte des ténèbres. Il est aussi noir que Cerbère, le chien des enfers.

Je décide néanmoins de l'allumer, je ne voudrais pas inquiéter mes amis!
L'appareil se met en marche et rapidement je reçois les notifications.
Une demie tone de messages s'affichent. Annie m'harcèle pour savoir comment je vais, pareil pour Seb mais un prénom attire directement mon attention.
"Célia".
Prise de curiosité, je glisse lentement mon doigt vers le message m'attendant à quelque chose de fade.

《 Estelle ! Si tu as besoins de parler, je suis à la bibliothèque demain à 15h...

La main tremblante, je laisse glisser mon téléphone en dehors de ma main et tomber sur le tapis. Comment est-ce possible que cette fille qui ne parle jamais, me propose à moi! De la rejoindre? Cette fille, qui se cache sous cette belle et longue chevelure noir ébène... Cette fille aux manières et au regards mystérieux, cette fille si obscur, et qui semble à la fois si pur!

Je ne suis pas sortie de chez moi depuis plus de dix jours. Même pas pour courire. Je ne veux plus courire, je veux seulement rester là, à dépérir! Mais pour moi, c'est une évidence.
Je dois être devant la bibliothèque demain à quinze heures!



La journée passe... Comme les autres. Enfin! Les autres depuis dix jours!
Je sors de ma chambre, les yeux mouillés. Je n'aurais pas dû allumer ce foutu téléphone! Je me doutais bien que je tomberais sur mes messages avec Sam!
Je traverse le couloir. Je n'allume plus la lumière. Ça me paraît logique... Puisque que la lumière de mon âme s'est éteinte!
Je trébuche contre un coin mais ne ressens rien! J'ai sûrement mal, mais je n'y fais pas attention.
Je marche... Ça fait longtemps que je n'ai pas volé! Des fois, j'essaye! Je mets de la musique, mais je ne parviens qu'à pleurer, pleurer cette vie, pleurer cette terre, pleurer cette injustice...
pleurer l'humanité!

J'arrive dans le salon. Dans cette pièce, le silence est encore plus présent. Il n'y a plus le bruit du clavier d'ordinateur, des émissions culturels à la radio, plus le son de l'apaisement... Seulement celui de Satan!
Qui hante nos esprits , le jour comme la nuit!
Bref... Cette journée passe, comme les autres.

Point de vue de Clément:

Je fixe l'écran noir de mon ordinateur. Plus les jours passent, plus la poussière s'accumule. Je vais prendre un retard fou dans mes recherches pour le travail, mais ça m'est égal.
Clarisse est affalée sur le canapé. Elle lit, mais je crois q'elle fait plus semblant! Cela fait environ une demie heure qu'elle n'a pas tourné la page.
Je me demande si un jour cette famille arrivera à tourner la page...

- Papa?...

Je relève la tête, sortant de mes pensées et vois son visage assombrit par la tristesse.
Je m'efforce de montrer un sourire.

- Oui ma puce?
Ça me surprend d'entendre sa voix prononcer "papa"
Il faut dire, que ça me surprend de l'entendre parler tout court!

- Demain! Je... j'aimerais bien aller voir une amie à la bibliothèque!

Son visage tourné vers le bas, les bras le long du corps elle tremble.
Habituellement, ça ne me ferait rien qu'elle me parle de sortir voir quelqu'un! Mais elle semble si... Si détruite et à la fois bien d'être seul ces temps-ci, que je ne peux m'empêcher d'être surpris.

- Oui! Heu... Et bien si... Si tu veux!
Elle me fixe, cette fois droit dans les yeux et me remércie en hochant la tête.
Je la regarde s'éloigner toujours le regard collé au parquet, les yeux vides...

Je tourne la tête vers l'ordinateur et vois mon reflet dans l'écran noir.
Je vois un homme fatigué, qui semble attendre quelque chose.
Cet homme, c'est moi.
Cet homme qui attend de voir un autre homme passer dans le reflet de sa vie.
Celui de son fils!


La vie continueraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant