Chapitre 11

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Je suis là... Assise devant ma tasse de chocolat chaud et mes tartines. Je les fixes mais ne prends rien, je n'ai pas du tout faim!
Je dois dire que j'avais perdue l'habitude de devoir me lever si tôt, et que tout soit fait à la minute près.
Ça fait mal de revenir sur les rails! Un peu comme un faux départ... Comme si j'avais sauté dans le wagon direction "chemain du quotidien", et que j'avais glissé sur le quai de départ. Bien que je n'ai pas faim, je me force à croquer ma tartine, consciente que mon estomac en aura besoins pour cette longue journée.

Après le petit déjeuné, je me dépêche d'aller à la salle de bain. Ça me fait bizzard de ne pas avoir à attendre que mon frère est fini! On aura beau dire ce mérveilleux cliché que "les filles passent une heure à la salle de bain", Sam était de loin le record de cette maison!
Je laisse mes cheveux balans. Je compte bien m'en servire pour me cacher le visage! Parce que ce que ce que je redoute le plus, c'est de devoir faire face aux regards du collège entier. Parce que oui.  Quand quelqu'un meurt, que vous soyez de loin ou de près proche de cette personne, ça se sait!

J'arrive devant mon collège. Comme à mon habitude, je me cale contre l'une des nombreuses barrières à moitié défoncées qui longent l'entrée principale.
Je n'aime... Plus du tout, cet endroit... Parce qu'il me rappellera chaque matin, qu'en rentrant le soir, Sam ne sera pas là. Et pour moi, entrer à l'intérieur de ce bâtiment, est une pur perte de temps!

J'essaie de me concentrer sur ce qui m'entoure, comme me l'avait dit Annie. J'entends la circulation, j'entends les élèves aller vers leur collège, lycée!
J'entends la vie de quatre-vingt-cinq pour cent des gens.
Et pourtant, ce n'est pas la vrai...

- Estelle!

Annie se dirrige vers moi en criant. Elle me saute dessus, les larmes aux yeux.

- Estelle ... Tu es là! Tu es là...

Je la prends dans mes bras et la serre très fort. Je veux lui prouver que non. Non, je ne suis pas de verre.

- Oh mon Dieu Estelle! Tu m'a tellement manqué! Ça va ? Tu tiens le coup?

J'aimerais lui répondre que oui. Oui, je vais bien, j'ai accepté que mon frère soit partit... Mais ce serait mentir envers moi même, et je suis une très mauvaise menteuse...

- Je... Je ne sais pas! Je n'ai pas très envie d'en parler... Ok?

- Ok ! Pas de problème!
Attends une minute...
Elle me regarde de haut en bas.
Il ne manque pas quelque chose?

- Heu... Je sais pas! Pourquoi?

- Si! Je sais! Tes écouteurs! Tu ne les as pas!

- Ah oui...

- Ben quoi, "Ah oui"?
C'est pas normal!

- J'oublie un peu, en ce moment... de... d'écouter de la musique.

Elle me regarde tristement. Je m'en veux de lui infliger ça! Ça ce voit qu'elle essaye de me remonter le moral, même si elle même est triste, que lui rendre ses efforts par autant de nostalgie, me fait encore plus mal.
Seb arrive à son tour. Il me prend dans ses bras, sans un mot mais je sens que son coeur lui, est chargé de mots.
Il se relève, me regarde dans les yeux puis, se retourne vers Annie et l'embrasse tendrement.
Je devrais être surprise, je devrais les féliciter... Oui, je devrais. Mais je ne le fais pas. Je reste là, là et en même temps non. Mon esprit lui, est très loin. Je ne sais pas où, mais ce qui est sûr, c'est qu'il est quelque part où mon frère est aussi.

J'arrive devant mon casier, et rabat ma capuche sur ma tête. J'essaye de me cacher le plus possible.

- Faudra que tu prennes ton classeur d'EMC, me dit Annie.

- D'acc!

Je termine de préparer mes affaires et referme mon casier.
Je me relève et suis Annie dans la cour.
Tout semble être normal ici. Les élèves sont les mêmes, les cours aussi. J'ai un peu l'impression d'être une rescapée d'un tsunamis.
Annie me prend par la main, et me dirige vers la salle de classe.

- T'en fais pas! Ça va bien se passer!

- Si tu le dis...

Nous entrons dans la classe et à peine installés, le professeur nous annonçe un contrôle.
Je m'avance timidement vers lui.

- Heu... Monsieur?

- Oui Estelle?

- J'étais absente et je n'ai pas pû rattraper le chapitre!

- Et ben tu le fais quand même!  C'est ça prendre une semaine de vacances en plus!

- Mais monsieur! Je n'étais pas en vacances, je...

- Je m'en fou! Allez! Va t'installer, on perd du temps à parler de tes vacances!

Je me rassoie en répétant en boucle la phrase de mon prof de maths.
" C'est ça, prendre une semaine de vacances en plus!"
Pour qui il se prend?! Dieu?
En admettant qu'il existe?!
Mes yeux me brûlent plus fort encore que la dernière fois.
Des larmes chaudes se mettent à couler sur mon visage. Des larmes de colère. Parce que non! Ce con ne mérite pas des larmes de tristesse!
Annie pose sa main sur mon dos mais je la repousse. Tout le monde se retourne vers moi et me fixe avec compassion. Mais de leur compassion, je n'en veux pas!
N'y tenant plus, je me lève brutalement en faisant tomber mes affaires. Je prends mon sac et d'un pas rempli de haine, je me dirige vers la sortie de la salle.

- Estelle ! Qu'est-ce-que tu fais? Reviens ici! Me crie le professeur.

Sans l'écouter, je sors en faisant claquer la porte. Là, je peux dire que je joue le rôle de l'actrice principale! Il ne me manque plus que la musique.
Je cour presque dans les couloir du bâtiment. J'imagine la tête de mes camarades à l'instant présent. Il n'ont pas l'habitude de voir la première de la classe se révolter comme ça! Et bien il va falloir qu'il s'habituent... Parce que je ne vais pas me laisser faire seulement parce que je suis petite.
Consciente des conséquences de mes actes, je continue de marcher droit vers la sortie.
Par chance, personne ne surveille l'entrée.
Je pousse la grande porte en fer et me retrouve dehors.
Un vent frais me réveille le visage.
Toute tremblante, je me dirige vers un banc et m'affale dessus. Cette fois j'explose.
Des larmes de colère, de tristesse s'entremêlent, des larmes glaciales et brûlantes!  Je prends conscience de ce que je viens de faire. Je prends conscience des problèmes qui vont me tomber dessus.
Et c'est là... qu'en plein coeur de la ville, je sens mon coeur se gonfler et laisse échapper mon souffle dans un hurlement de douleur. Un cri, une plainte!
Des gens ce sont sûrement retournés, alarmés par ce cri.
Mais ça m'est égal! Il faut qu'ils entendent ce hurlement là! Car c'est celui qui montre à quel point cette vie, que quatre-vingt-cinq pour cent des gens mènent, n'est, et ne sera jamais la mienne!

La vie continueraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant