NINA

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Je suis assise dans la cuisine, sur un tabouret, tentant de boire ma tasse de café. Je touille le liquide grâce à la petite cuillère dans ma main qui tinte contre les parois du récipient. Je suis les mouvements circulaires d'un seul œil. Je suis comme absente, dans un autre monde. Je n'ai pas réussi à dormir cette nuit, encore. Je crois que depuis que je suis rentrée, je n'ai trouvé le sommeil qu'une fois, tout au plus. C'est horrible. Avant de rentrer, là je comprenais. Mais maintenant que tout va pour le mieux, je souhaiterai pouvoir trouver la force de m'assoupir, même quelques minutes sur un vrai matelas...

Je sursaute quand quelqu'un vient déposer une assiette devant mes yeux cernés. Madeleine me sourit de toutes ses dents parfaitement blanches, remplie de bonne humeur, ce qui fait plaisir à voir.

- Comment tu vas ce matin ? Bien dormi ?

Sa voix mielleuse résonne dans ma tête. J'ai l'impression d'avoir pris une trop grosse cuite, sauf que celle-ci ne veut pas me lâcher.

- Super et vous ? Je mens en me forçant à sourire moi aussi.

- Ah oui ? Je t'ai entendu crier cette nuit dans ton sommeil...

- Un cauchemar sûrement, je continue, en me rendant compte qu'elle ne m'a pas répondu.

- Ma chérie, toutes les nuits tu cries ainsi. A ce stade, il ne s'agit plus de cauchemar, mais d'un traumatisme.

- Non, je vais super bien. Tout va parfaitement bien.

Je me lève et vide ma tasse dans l'évier. Je sens qu'elle me scrute, et ce depuis qu'elle m'a vu arriver chez elle la semaine dernière. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'accueille à bras ouverts, mais ça m'a fait plaisir de me sentir... je ne sais pas, appréciée ?

- En tant qu'ancienne psy, et, maman... je sais quand quelque chose ne va pas chez une jeune fille comme toi. A toi de voir si tu veux qu'on en discute ensemble ou non.

Je me tourne vers elle, les bras croisés sous la poitrine, les yeux vissés sur ses pantoufles roses, surmontées de petits chats gris.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais très bien.

Elle semble déçue mais ne réplique rien, si ce n'est un hochement de tête. Elle s'installe à table, et moi je me dirige vers les escaliers.

- Dis-moi Nina, est-ce que tu as mangé quelque chose ce matin ?

- Oui oui.

Je ne pensais pas qu'une personne puisse réussir à déceler quand je mens mais c'est le cas. Et ça m'attriste un peu. Moi aussi, j'aurai voulu que ma mère me connaisse par cœur, qu'elle puisse voir quand je n'allais pas bien, qu'elle voit en un coup d'œil si je mens ou non... Mais non, ça n'a jamais été comme ça, et encore aujourd'hui... Quand je suis rentrée au collège, j'ai compris qu'il fallait changer, changer pour être accepter. Parce que oui, c'est ainsi que le monde fonctionne. Je voyais ce que je n'avais pas, et ça me rendait jalouse, et j'ai fais des choix pour appartenir à certains groupes. J'en ai fais voir de toutes les couleurs à mes parents, mais ils étaient toujours occupés par leurs travails pour s'intéresser à moi et mes attitudes de fille pourrie gâtée. Et dans le lot, ma mère n'a pas été là pour m'empêcher de faire les mauvais choix, pour me retenir alors que je m'approchais du fossé de la popularité... Ce qui m'est arrivé doit être un coup du destin, une sorte de punition à mon mauvais comportement, mais je le regrette à présent, parce que j'ai loupé sur ma route des gens formidables, comme Sam...

Sam... Je n'aurai jamais dû me rapprocher de lui, parce que maintenant, il me manque trop. Mais je devais m'éloigner, pour son bien, pour leurs biens. Je détruis tout, à chaque fois. J'ai détruit le mariage de mes parents, je le sais, et ça me brise le cœur d'en être l'auteur. Sans moi, ils n'auront plus de soucis à se faire, ils seront libérés...

- Nina ! Crie Madeleine alors que je suis allongée sur mon lit, les yeux au plafond.

Je roule sur le côté, me mets debout et prends une grande inspiration. Je descends les marches plutôt vite, m'attendant à recevoir une nouvelle désastreuse, mais une fois en bas, je vois qu'elle me tend mon téléphone.

- Il ne fait que de sonner depuis cinq minutes. Et ce n'est pas la première fois que je l'entends, rigole-t-elle, faisant disparaître ses yeux en de fins traits.

Je lui lance un « merci », et regarde l'écran. Jake. Je rejette encore une fois l'appel, et mets mon téléphone en silencieux.

- C'est ton copain ?

Je manque de m'étouffer en entendant ce qu'elle me dit. Jake, mon copain ?!

- Non, ce n'est pas mon, euh, copain...

- En tout cas tu dois ressentir quelque chose pour lui pour être devenue toute rouge.

Mes yeux s'ouvrent en grand et je fonce devant le réfrigérateur pour constater que j'ai les pommettes rouges pivoines. C'est gênant !

- Je suppose qu'il a dû faire quelque chose de décevant pour que tu refuses de le prendre au téléphone.

- Un peu oui...

- Tu sais, je vais te dire quelque chose d'important. Peut importe ce qu'il ait fait, en amour, on trouve toujours le moyen de pardonner, s'il s'agit toute fois du vrai amour... Quand notre fille avait environ cinq ans, nous avons vécu une mauvaise passe avec Evan. J'ai eu une aventure avec un de mes patients, ce qui m'a valu ma carrière et la perte de la confiance de mon mari. Je l'ai trahi comme personne ne devrait le faire et pour ça, je m'en voudrais toute ma vie. Mais j'ai compris mes erreurs, j'ai compris que j'avais fais quelque chose de mal, mais malgré tout, il est resté, et il a continué de m'aimer. Je ne le remercierai jamais assez de m'avoir pardonné cette faute de parcours, parce qu'il est mon grand amour...

Je l'observe : elle en a les larmes aux yeux, larmes qui perlent sur ses joues pâles. Je comprends ce qu'elle me dit, mais je n'arrive pas à l'assimiler. Comment comparer ce qui n'est pas comparable ? Je ne suis pas marier à Jake, s'est tout juste si je ressens quelques sentiments soient-ils pour lui. Mais il m'a trahi lui aussi. Pas dans l'adultère, mais il aurait pu...

- Il aurait pu... je laisse filer, avant de briser ma promesse en laissant couler mes larmes à mon tour.

- Ça va aller, fait-elle en me prenant dans ses bras, tout en me caressant le dos.

Est-ce que je dois lui pardonner, comme Evan a pardonné à Madeleine ?

Voili voilou. J'espère que vous avez aimé, et puis à votre avis ? Elle lui pardonne ou pas ? Je sais pas...😅

Tell me the truth...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant