~Chapitre 4

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-Théodorine Duclos. Merci de rejoindre votre place.
-Ma place est avec Amber.
-Avec Amber est loin de signifier à sa table. Merci de rejoindre votre bureau à côté de Stéphane.
-À côté de Stéphane est loin de signifier ma table, Mme Curio.
-Et l'insolence est loin d'apporter quoi que ce soit à votre bulletin.
-Ce dernier a déjà creusé ma tombe.
-Mais il ne vous l'a toujours pas payé.
-Effectivement.

Ma prof et moi suivons toujours cette routine à la lettre. Chaque cours de français, je la jouait élève perturbateur, et notre petit duel, calme et méthodique débutait. Ce n'était pas forcément de l'insolence à nos yeux, du moins ce n'en n'était plus. Juste notre petit jeu, on sortait les grands mots, et appliquées, nous nous lancions dans le combat. D'un pas sûre et vaillant, je rejoint ma table sous les regards admiratifs des vingt sept élèves de la première E. Même si j'avais échoué notre à affrontement, je lisais parfaitement dans leurs yeux l'envie de mes camarades de pouvoirs rétorquer de tels choses à nos profs, sans risquer quoi que ce soit. Peut-être étais-ce du favoritisme, mais cela importe peu.

Le cours de Mme Curio est lassant, alors je me met à réfléchir à la vie, et à Amber, et puis tous ces événements. C'est quand même vachement bizarre de se dire que la mort à carrément frappé, et c'est quand même vachement bizarre que je ne ressente pas plus d'émotions. Je ne la connaissais pas Lou, mais c'est bizarre et puis c'est tout.
-Je demandais donc, Théodorine, pouvez vous répétez ce que je viens de dire ? S'impatiente ma prof de français.
-J'en suis malheureusement incapable, m'excusais-je en me rendant compte que cela fait un quart d'heure que je n'ai pas écouté un traitre mot de ce cours.
-Votre insolence dépasse les bornes, mademoiselle Duclos, sortez moi votre carnet, s'énerve Mme Curio. Cette prof est une des dernières qui vouvoie encore ses élèves, mais je lui tends mon carnet sans ronchonner, aggraver mon cas serait bien la dernière des choses à faire. Enfin, l'autre moitié du cours est comme la première, chiante, mais je survis avec l'aide de mes gribouillages sur les cahiers.


Peter est absent. Je l'aurai bien parié qu'il ne viendrais pas en cours, mais cela fait quand même bizarre de voir la table au fond du self ( la troisième en partant de la gauche ), vide. D'habitude il mange avec son amie, l'intello. Mais il semblerait que cette dernière aussi à dû se trouver des copains de rechange puisqu'elle mange avec des filles de secondes.
Je m'assoie solo, la bande à Stéphane ayant décidé de m'abandonner ( ou moi de les laisser ). Le repas vaut celui d'un repas du self, dégoûtant, affreux, infecte, même si la gaufre en dessert fait toujours plaisir.

C'est à ce moment là, devant mon poisson, que l'envie d'écrire un bouquin m'a pour la première fois traversé l'esprit. Je n'ai jamais été passionnée par la littérature ou quoi que ce soit, n'ai jamais eu plus que 14 en rédac', mais ma vie fait un virage à 180 degrés en ce moment. J'ai envie de graver quelque part mon adolescence. Et puis avec Amber et Peter, je sais que ma vie est en train de prendre un grand tournant. Même si, je ne je ressent pas pour l'instant, cela n'arrive pas tous les jours. Une petite follitude passagère, une drôle d'idée, et inattendue, pour moi, Théodorine Duclos, seize ans. Mais une ambition, un but. Mais maintenant que j'y réfléchie, j'me dis que finalement, une autobiographie est peu malin, ma vie, on s'en fout, alors que celle de ma pote, est réellement digne d'un roman. Malheureusement.

-J'peux m'assoir ?
-Je t'en prie.
L'intello est juste là, maintenant assise face à moi. La chanceuse a eu du cordon bleu. Mais bref. Qu'est ce qu'elle vient foutre bouffer avec moi au fait ?
Elle semble avoir deviné ma question.

-Je suis désolée de te déranger, mais, Peter t'as parlé de moi ? M'interroge t'elle.
-Pas dans mes plus lointain souvenirs, et puis tu sais, je ne le connais pas personnellement, pourquoi ...?
-Il m'a dit que t'étais au courant de l'événement et, elle tousse un coup gêné avant de reprendre, que je pouvais aller te voir si je me sentait seule. Comme quoi tu serais sympa et que tu saurais trouver les bons mots pour me réconforter ...

J'y crois pas, ce salaud à refilé mon nom comme on refilerai l'adresse d'un psy. Il est hors de question que je l'a console. Et d'où il le sort, le "je suis sympa", la seule fois où il m'a parlé je l'ai envoyé chier. Il pourrai pas plutôt s'occuper a chialer la mort de sa petite copine plutôt que de dire des âneries pareilles. Je regrette immédiatement cette pensée. C'est horrible, je suis la pire des ordures. Et puis au fond, je suis juste jalouse.

-Au fait, moi c'est Iphigénie. Se présente l'intello.
Tout à coup, une vague de compassion s'empare de moi envers cet tout petite être au prénom pourrie. Moi, Théodorine, ne suis peut être finalement la fille avec le prénom le plus pourrie de tout le lycée. Pauvre fille.
-Théodorine, tu peux m'appeler Théo.
Elle émet un petit rire, moquerie ou compassion à son tour, je me crispe par réflexe.
Et puis, elle s'écroule dans des sanglots incessants.

Oubliant Peter et mon égoïsme, je me lève ultra rapidement et la rejoint, bras grand ouvert, pour l'entourer.
Petite Iphigénie est très fragile, et l'inconnue qu'elle était il y a quelques minutes, "l'intello" a disparu de ma tête. C'est juste une humaine, que l'émotion, contrairement à moi, est en train de démolir. Ses larmes coulent en torrent, et ne manquent pas à attirer les regards des lycéens à l'affût de potentiel ragots ou échappatoire à leur routine. Je lui dépose délicatement dans l'oreille des petits mots tendres, rassurants. Mais ils n'ont pas l'air de faire effet, ses boucles brunes trempent désormais dans sa purée, et ses pleurs ont inondés le plateau gris. Ma nouvelle mission, l'emmener à l'abris des regards ! Je me prends ma petite réserve de gaufre dans la main, et toujours en l'enveloppant de mes mains, j'en prends une pleine bouchée. Nous nous levons, elle semble articuler une phrase mais je peine trop à le comprendre. Au bout d'un moment je n'essaye même plus, j'avance vers l'infirmerie le plus rapidement possible, avant qu'un piont me hurle que je n'ai pas rangé nos plateaux.
Une fois là-bas, petite Iphigénie me chuchote que c'est bon, elle va sécher ses larmes, et elle observe autour d'elle, faisant mine de chercher quelque chose. Je ne manque d'ailleurs pas de lui demander quoi, mais je n'ai pas saisi son explication.

-On sèche ...? Commença t'elle en laissant sa phrase en suspens.

Cette demande ne manque pas de m'ébahir, jamais je n'aurais pu l'imaginer avec cette idée en tête ! Mais je ne manque pas d'accepter, vite, avant qu'elle ne retire son offre.

Apprentie à la vie { en pause }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant