~Chapitre 11

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Mais quelle conne.

Je croyais vraiment pouvoir marcher tout ce temps avec des ballerines ?!

Parce qu'à peine trente minute plus tard, et bah il fallait que la réalité me rattrape ! Et bah oui, c'est toujours la même chose pour Bibi ! Elle se croit dans un manga, décide de fuguer avec du style (prononcé « staïle » s'il vous plait) mais non ! « Arrête de râler et trouve une solution, Bibi ». Mais voilà, la solution, elle est tout simplement inexistante.

Ma vue divague vers le ciel, découvert pour un mois de janvier. L'étroite route que je suis depuis une demie heure scinde un splendide paysage, entre forêts et champs. Un peu trop beaucoup vide à mon goût, puisque j'ai une énorme impression qu'aucune présence, humaine ou animal, soit passées ici depuis un certain bout de temps. Mes oreilles, elles, s'égarent, puisqu'un vrombissement d'automobile se fait entendre. Une Dacia couleur caramel chasse ma première image du lieu. Je m'écarte de la chaussée en sursaut. La bagnole se stoppe devant moi, et j'aperçois, à travers la vitre grisée, une silhouette robuste de vieil homme. La vitre s'abaisse l'instant suivant et laisse apparaître les détails de son visage. On dirait qu'il a été sculpté dans du bois, des traits carrés un double menton, les yeux alcooliques. Je lui mettrais bien la soixantaine si son pif n'était pas si parfais et ses lèvres si lisses. Je me rends alors compte qu'il essaye d'entreprendre une discussion.

-Que fais une si jolie jeune fille toute seule dans l'bled ?

Sa voix est sinistrement rauque. Je frissonne. Pervers. Je suis isolée dans la campagne, et aucun individu ne connait mon emplacement.

-C'est qu'elle est sourde en plus ? Il me fusille du regard, et moi je déglutis.

Mais l'idée d'une petite folie éclot en moi. Je m'arme de mon timbre le plus solennel et je conteste ses vilains propos.

-Je suis une personne de sexe masculin.

Il hausse ses sourcils et ne semble pas tomber dans mon jeu, puisqu'il sort son bras de l'automobile pour essayer d'empoigner le mien.

-Minette minette, je vois clair dans ta petite enterloupe, mais si tu viens je pourrais en avoir le cœur net.

Tout mon être va exploser, je bouillonne.

-Laissez-moi tranquille, vous n'êtes pas pédé à ce que je sache. Ma voix ressemble vraiment à celle d'un garçon ; je me suis beaucoup entrainée en primaire pour faire fuir les autres filles, mais malheureusement, le corps ne suit pas dans le bobard. Une autre voiture, je reconnaît le bruit. Lui aussi puisqu'il se crispe et replace ses mains sur le volant, mais ne démarre pas ; et moi, je suis clouée sur place. Je fais un signe à la conductrice, la berline freine, et une vieille dame asiatique en sort.

Le pervers ne démarre pas. Je guette le moindre vrombissement de la Dacia. Mais il pose un regard de victoire sur moi quand il distingue que la sauveuse que j'attendais est une grand-mère. Mais je ne perds pas une seconde pour sauter sur cette dernière en priant.

-Oh mamie, ce passant m'a encore pris pour une meuf, qu'elle insulte ... ! Je fais semblant de me morfondre, mais la vieille ne semble pas gober un seul mot de mon blabla.

-What ...? Sorry but I don't understand ...

Crotte alors. J'ai séché tous les cours d'anglais. Je me mords les doigts et essaye de rassembler le plus de vocabulaire acquis lors de divers films d'horreur.

-Help me please ...! He wants kill me ! La réalité se retrouve légèrement déformée, mais c'est tout ce que je suis capable de dire sur le moment.

L'homme se redresse et ricane, il fait vrombir sa voiture, pour finalement en sortir. La p'tite dame elle, cherche son phone. Moi, je suis tétanisée. Un pas, deux pas, il est en face de moi. Mon regard se ballade à son opposé ; tandis que la vieille semble dans une autre dimension « so ... Where is my fucking phone ? ». Je me retiens de lui rétorquer « in your ass », puisque je n'en ai pas le temps : quelque chose me heurt le visage. Une claque. Je divague. Quelque chose me chope.

-Mamie ... Please ...

Je n'ai pas le temps de voir l'expression de la vieille, je m'évanouis.



Je hume l'air et grimace. Cette senteur d'Essence remplis mes poumons. Je concentre toute mon attention sur le lieu qui m'entoure : un huit mètres carrés chargé de cartons de déménagement, tapissé de fringues nauséabondes et de canettes usagées. La petite pièce ne m'inspire pas vraiment confiance à vrai dire ... Je suis seule. Mon second réflexe est de m'inspecter. Ainsi je constate que mon ravisseur m'a déposé sur son sofa en cuir, sans prendre le soin de m'attacher. Je réalise aussi avec dégoût qu'il m'a sans doute touché ; mais je n'ai pas de temps à perdre, il me faut détaler avant que l'individu ne revienne. La seule fenêtre donne sur une immense cour, et sa bagnole n'est garée nul part. Mon téléphone n'est plus dans ma poche non plus ; mais je n'aurai pas pu appeler mes parents étant donné qu'ils m'auront ramené de force à la maison (et j'ai quelque chose à accomplir), et j'aurai été incapable de situer à Iphi ou Amber l'endroit où je suis détenue. Si ça se trouve, je suis à des kilomètres de l'endroit où l'on m'a agressé.

Je ressens alors un picotement à mes pieds et constate que mes converses se sont fait la malle. Sans godasse, ça va être plus compliqué pour rejoindre Orléans à pieds ; si j'arrive à sortir d'ici.

Quelqu'un toque à la porte en bois. J'en déduis vite que ce n'est pas le détenteur de cette maison, il l'aurai directement ouverte, et cette personne-là attende qu'on le fasse. Deux solutions s'apparaissent à moi :

- Je demande de l'aide.

-Cette personne est un individu pas net qui côtoie le pervers, il faudrait mieux se planquer.

Mais pour une fois, l'espoir l'emporte sur la peur. Je rejoins la lourde porte à pas de souris, et de la sueur froide commence à dégouliner dans mon dos, à travers mon vieux top Jennyfer. La personne insiste. Toc Toc Toc. Mais moi, Théodorine, n'a jamais peur. En théorie.

Ma main tremblante se rapproche de la poignée. Mais avant d'ouvrir à qui que ce soit j'interpelle la personne.

-Qui ... Qui est là ... ? Ma voix flanche.

Un petit sursaut de l'autre côté se devine.

-Oh, it's you ! God, thank you ...!

La vieille. C'est la voix de la vieille de tout à l'heure. Que fou t'elle ici ?! Pourquoi elle est là et pas les flics ? Elles ne les appelaient pas il y a peu ?! La grand-mère est bien une innocente touriste, logiquement de mon côté ... ?


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⏰ Dernière mise à jour : May 29, 2017 ⏰

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