~Chapitre 10

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En cours, mes doigts ne parviennent plus à saisir quoi que ce soit.
Mme Curio s'enjaille sur la biographie de Victor Hugo et ne semble même pas remarquer qu'aujourd'hui, je ne la provoque pas.
Je fais claquer mon stylo quatre couleurs entre mes doigts, mais quand la couleur change alors qu'il était dans ma bouche, la douleur se repends à une vitesse exorbitante dans mes dents et ma gencive. Je le relâche d'un coup, et Stéphane dépose alors son attention sur moi.
-Ça va ?
Connard. Ça ne va pas la tête de me parler alors que je viens de me faire ce genre de douleur ! Tu veux mourir ou quoi ?! Salaud.
Je lui adresse alors un geste pas très très joli.
-Théodorine, qu'avait vous fait à l'instant ? Crie ma prof sur un ton plat qui tranche avec l'enjouement dont elle a fait preuve depuis le début de l'heure.
-Un geste poétiquement incorrect.
Les autres élèves piaffent. Bande de volatiles.
Mme Curio ne prends pas la peine d'ouvrir sa bouche pour m'enfoncer dans ma misère, elle prend mon carnet, et je sais d'ores et déjà que ce soir je n'aurais pas accès à mon portable. Je la supplie du regard, mais mon geste n'a pas été spécialement appréciée par Madame.
J'entends une voix familière.
-Mais Madame, c'est Stéphane il l'a cherché.
Amber. De quoi elle se mêle. Cette pauvre traîtresse cherche sans doute à se faire pardonner.
Stéphane à la bouche béante.
Dans cette salle de classe où le temps semble être arrêté, je remarque que nous sommes tous des hypocrites. Tous violemment jaloux d'un camarade. Que ce n'est pas un jeu de rôles. Les regards désireux et envoûtants dans ce lycée. Tout le monde veut être machin ou machine. Mais peut-on réellement vivre ensemble si chacun suit ses envies ? Pourquoi personne ne se contente d'être lui même ...
Je fais grincer ma chaise en bois, tout en me disant que ce n'est pas tout à fais ça. C'est parce que je suis moi avec mes sentiments que je suis jalouse d'Amber. La jalousie qui te déchire le cœur, qui te retire toute ton innocence.
Mme Curio blablate. Je me demande si elle en est victime aussi. Si c'est une maladie ... Dans ce cas celui qui parviendra à la soigner sera un génie. Je l'attendrai.
Ma vision divague alors sur les cent quatre-vingt carreaux du plafond de la salle huit.

Je prends conscience que ce qui nous relie à la vie sont les autres.

Mon corps fatigué cherche le repos, des réponses, et surtout une amie, Amber. Amber, quel crime es-tu en train de commettre en te rapprochant de lui ? Quel feu es-tu en train de raviver dans ma poitrine, et j'imagine celle de Lou ? Elle ne doit pas avoir la conscience tranquille. Nous ne pouvons atteindre le bonheur sereinement si le chemin pour y arriver empiète sur ceux des autres. Je commence à avoir mal à la tête, tous ces jolis mots sont bien trop complexes pour ma petite tête.

Voilà trois jours que j'ignore les deux amants et que Iphi s'est rapprochée de moi.
Mercredi elle a passé l'après-midi chez moi, pour un sois disant exposé ( qui, au passage, n'existe pas ). Elle a aussi fait l'heureuse connaissance de ma tendre et chère maman. Le courant n'est pas très bien passé avec Gwen ; et nous avons beaucoup, beaucoup, parlé. Nous nous sommes imaginé Lou, le couple qu'elle formait avec Peter, et la personne magnifique qu'elle était ( selon les tourtereaux ).

Aujourd'hui, il est neuve heure, et je ne suis pas en cours. Maman est au boulot et Gwen à l'école. Moi je prépare ma valise de survie.  Mon iPhone est devenu un indispensable. Et je ne résiste pas à l'envie de l'allumer pour profiter de mes dernières minutes de wifi. Je tapote sur l'écran : « témoignages ados fugueurs » Mais les cent soixante et onze mille résultats correspondent à des forums de parents en catastrophe ... Moi je veux de l'aide, et je ne veux pas me sentir seule. Même si d'un autre point de vue ce n'est pas une fugue ... Je sais très bien où aller, et surtout, qui rencontrer. Je tombe quand même sur ce qui me convient.

Par Sarah0787 le 09/03/2008 à 18h40

Slt tt le monde, je voulais témoigner. Dire qu'à tous nos souçis la fuite comme unique et ultime solution. de la chance, même si la plupart du temps les flics finissent par nous retrouver et nous raménent à la baraque...C'est horrible.Réveil soudain, brutal a la surfaçe de la réalité...j'ai 16ans, j'attend plus que tout, désesperement ma majorité...Ces deux années vont être interminable a patienter..J'ai un pote depuis un ans âgé de 24ans un syrien pour lequel j'ai fugué a 15ans et demi. Mes parens le rejette et le haïsse. De plus dans l'ecole c'est l'echec total...Le mec que j'aime est un ennemi avec la justice...Fuir encore avec lui, construire notre avenir, dans lespoir qu'on ne me retrouve jamais durant un an....Les risques sont immenses, je ne sais d'ou provient ce courage exeptionnel, je me bats en permanence pour mon amour. 9a n'est pas un ereur de jeunesse. La vie, les lois des mineurs sont mal faîtes...Je sais que la fuite parfois peut arranger certaines, la communication avec les parents passent mieux..Dans d'autres cas, pour d'autres c'est l'enfer...Leur avenir se trouve gâché, mais moi j'ai l'espoir d'y arriver...Et si on ne me retrouvait pas?

Et là tu te dis que ce n'est pas un truc à faire à la légère. Une adulte qui n'a rien compris lui riposte que ce n'est qu'une grosse injustice de parler comme ça, que ce n'est pas la fin du monde, qu'il y a des gens qui décèdent ; alors « ne complique pas la vie des flics comme ça ». Quelle grosse conne.

Je prépare mes bagages. Mais surtout je navigue sur Internet une dernière fois pour tout ajuster. Sans pauses, en marchant à une vitesse d'un kilomètre et demi par heure ; je serais là-bas dans 23 heures. Me connaissant il faut que j'élargisse tout ça à trois jours. Direction Orléans. Direction le passé de Lou.

Apprentie à la vie { en pause }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant