° CHAPITRE 10 °

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Le soleil est haut dans le ciel. La chaleur monte. Je transpire déjà. Une légère brise vient me rafraîchir. Je soupir longuement, me concentrant sur une question existentielle : comment vais-je m'en sortir ?
Devant moi, Elwing me fixe de son regard perçant. Un bâton dans la main droite, elle fait un pas en avant, quant à moi, j'en fais un en arrière.

"La fille des enfers aurait-elle peur ?" me lance-t-elle avec un sourire narquois.

"Je ne sais pas me battre ni me contrôler..."

"Ça change rien au fait que tu dois combattre. Sinon, pars, enfuie-toi. Mais dans ce cas, tu ne reviens plus ici."

Je ne parle plus. Je n'ai jamais voulu qu'on m'emmène dans cet institut... ce n'est pas ce que j'envisageais pour mon futur. Alors pourquoi ne pas partir maintenant et ne plus jamais revenir ? Peut-être serait-ce la meilleure solution, finalement. Je n'ai sûrement pas ma place ici. Je me comporterais comme une lâche mais l'idée de me faire tabasser ne me viens pas vraiment à l'esprit.
Mes yeux dérivent sur ceux de Leah. Elle a un regard froid et les sourcils fronçés. Je vois ensuite Brian et Barry... puis la forêt.
L'adrénaline m'envahit. Je porte mes jambes à mon cou et traverse le champs à toute vitesse. Des moqueries se font entendre dans mon dos. Les cris de Barry sont un éternel écho dans ma tête. Je franchis la forêt sans me retourner une seule fois.
Les appels se font de moins en moins audibles. Lorsque le silence règne, je m'arrête à un arbre et glisse sur celui-ci. Je fourre ma tête dans mes genoux et sanglote. Je reste un moment dans cette position confortable. Lorsque nous sommes enfermés dans un cercle vicieux sans aucune sortie devant nous, la remontée jusqu'à la surface est souvent difficile.
Un bruit de pas m'alerte. Je relève la tête et mets tous mes sens en éveille. Ce sont des pas rapides mais légers. Je regarde autour de moi, essayant de garder mon calme. Soudain, deux enfants se tiennent devant moi. Les jumeaux ! La petite me regarde puis me tend la main.

"Vous ne devriez pas être ici." leur dis-je.

"Maman va piquer une crise, c'est vrai. Mais nous sommes là pour t'aider." me fait remarquer Thibault, si je me souviens bien.

"Et nous allons te ramener." rajoute sa soeur.

"Je suis bannie je vous rappelle."

"Tu es spéciale et très puissante, personne ne peut te bannir."

Je ne bouge toujours pas, les yeux dans le vide, cherchant une issue. Mais un grondement me fait sortir de la rêverie.

"C'était quoi ça ?" je demande, le coeur battant la chamade.

"Ce pourquoi il est interdit de venir dans ce lieu." me dit Marine, je crois. "Cours ! Il faut partir tout de suite !"

Je me lève avec une peine immense et active mes jambes. Les grognements se rapprochent dangereusement et des pas lourds font trembler le sol.

"Allez-vous en ! Téléportez-vous ! Je vais le retenir." je leur implore.

"Non ! Tu n'es pas assez forte pour ce combat ! Personne ne l'est ! Vient !"

"Navrée..."

Je m'arrête de courir et me retourne.

"Ne fais pas la brave ! Tu ne pourras jamais le vaincre !!"

Les pas s'avancent de plus en plus.

"Alors allez chercher de l'aide ! Mais ne restez pas là, je ne bougerai pas."

Plus un bruit derrière moi. Par contre, devant, c'est une autre histoire. Je commence à voir une silhouette au loin. C'est une bestiole énorme ! D'ici, je peux voir que ça se tient sur deux pattes et que ça fait environ quatre fois ma taille, c'est-à-dire, quatre fois un mètre soixante-cinq. Mais plus la bête s'approche, plus j'ai l'impression qu'elle n'est pas seule. Je décide de monter dans un arbre pour avoir connaissance de mon adversaire. En face de moi, un arbre a justement quelques branches basses et solides. Je cours et monte au sommet de celui-ci en quelques secondes. Le monstre arrive justement à ce moment. Il regarde autour de lui persuadé d'avoir vu ou sentit quelque chose. Je me baisse pour essayer de le distinguer. Mon dieu !! Est-ce possible ? Se tient, juste en-dessous de moi, un ours énorme avec des pattes aussi grosses qu'une casserole et un pelage aussi noir que le charbon. Mais le plus effrayant sont ses trois têtes pratiquement collées les unes aux autres par les joues. Trois gueules énormes comportant de splendides dents blanches acérées comme des rasoirs, six yeux bleus océaniques et cinq oreilles ; l'une est sûrement collée dans une des têtes. Est-il possible de battre ce monstre ?
Une idée me viens soudainement. Je secoue une branche de l'arbre qui se trouve à proximité de celui sur lequel je suis. Celle-ci craque, l'ours lève les yeux et s'acharne sur le bois en question. Ce dernier bascule sous le poids et s'écrase sur la terre molle et humide. Je me concentre,et ferme les yeux pendant que l'animal cherche à travers les branches une trace de viande fraîche.

"Allez..."

Mais il commence rapidement à perdre patience.

"Allez, un petit effort... pense à Camille."

J'arrive à créer un léger feu qui prend de plus en plus d'ampleur. La bête est attirée par les craquements des branches sous les flammes. Il s'avance en fureur. J'attends... Encore. Encore. Maintenant ! Avec un effort surhumain, je brûle entièrement l'arbre, le monstre avec. Il a seulement le temps de pousser un cri de désespoir, essayant de se relever. Il réussit à sortir du feu, des trous dans sa fourrure pleine de braises. Mais, je ne sais comment, je l'entoure d'un cercle de flammes plus hautes que lui. Il tente de traverser la barrière de feu mais, à peine passe-t-il une griffe que celle-ci se réduit en cendre. Le cercle se rétrécit, condamnant l'ours à une mort certaine. Un dernier hurlement se fait entendre avant un calme. Seules les flammes brisent le silence. Je me laisse glisser jusqu'au sol. Si je ne veux pas que toute la forêt calcine, il vaudrait mieux qu'il pleuve. En parlant de cela, une vague d'eau éteint immédiatement le feu qui se propageait déjà trop. Je me tourne pour voir les jumeaux et une dizaine de personnes. Un homme se tient devant eux, laissant la vague s'atténuer. Jordan...
Tout le monde me regarde d'un air interrogateur. La sueur coule sur mon front. Brian et Barry viennent me serrer dans leurs bras. Je m'avance ensuite vers Elwing, qui est au premier rang.

"Si vous m'acceptez, je voudrais revenir à l'institut."

Et par ma plus grande surprise, Elwing se prosterne devant moi, un genou à terre, suivit de tous les autres.

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Un chapitre mouvementé ! Avouez au début vous vous disiez "Quelle lâche ! Part pas !" Haha ! N'hésitez pas à mettre un commentaire ou à voter !
Gros bisou 💋

DiaboliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant