Jupiter One

~Chapitre 2~

Leewan

Dire que ma journée démarre très mal est un euphémisme. Les problèmes s'enchaînent les uns derrière les autres, sans me laisser le moindre répit. J'ai à peine le temps de trouver une solution qu'une autre tuile me tombe dessus.

Tout a commencé par une panne de courant. Mon réveil n'a pas fonctionné, ma voiture n'a pas chargé. Bien entendu je n'ai pas cru bon de mettre mon téléphone en charge, du coup la batterie crie famine. Forcément puisque là où je vais, mon portable me sera totalement inutile. Bilan : je suis coincé et impossible de communiquer. Notre modernité verte n'a que des avantages, mais il reste encore de gros progrès à faire !

Les centrales nucléaires ne sont plus qu'un lointain souvenir, tout comme le pétrole, le charbon, le gaz et autres productions plus que polluantes. Chaque construction urbaine est équipée de panneaux captant l'énergie du soleil, chaque bâtiment rural d'éoliennes qui ont remplacé les affreux pylônes en béton. Chaque habitation, usine, service public ou privé est autonome. Nous produisons ce dont nous avons besoin, le surplus est stocké. C'est parfait pour la planète, mais pas toujours infaillible.

Je n'avais vraiment pas besoin de ça aujourd'hui ! Je dois prendre le commandement du Jupiter One, et je vais être en retard si je ne trouve pas tout de suite comment me sortir de cette situation délicate. Etre à la bourre le premier jour ça la fout franchement mal, et je doute que l'amiral comprenne ma situation. Je file chez mon voisin qui possède des batteries de secours. Il est étrange mais sympathiquement dévoué, et j'ai la chance qu'il travaille à domicile.

Nous avons appris, par obligation, l'entraide et la solidarité. La dernière guerre n'a pas duré longtemps, mais elle a eu pour effet de nous contraindre à oublier les mots « égoïsme » et « chacun pour soi ». Nous faisons donc tout ce que nous pouvons pour les autres selon nos moyens, en fonction de nos emplois du temps. Aussitôt que mon téléphone s'allume, j'appelle ma sœur Layan qui me confirme qu'elle vient me chercher sans délai. Ouf !

Avec un peu de chance ça va aller. Sauf qu'elle me contacte au bout de cinq minutes pour m'avertir qu'elle se trouve coincée dans les embouteillages. Mon gentil voisin ayant insisté pour me donner une batterie autonome, je m'empresse de prévenir la Fédération de ma situation. Me confondre en excuses ne va pas faire avancer les choses, alors je me contente de tenir l'assistante de l'amiral au courant.

Je reste calme, inutile de s'énerver, cela ne fera pas arriver ma sœur plus vite, mais je grimace quand même. Je suis sur le trottoir à attendre, lorsque je me rends compte que je ne suis pas le seul dans la panade. Ma voisine de palier quitte l'immeuble en courant, mon voisin de dessus peste comme un furieux depuis sa fenêtre, celui du rez-de-chaussée lève les bras au ciel, l'air complètement catastrophé.

— Ça va Lee ? C'est aujourd'hui que tu pars non ? me demande-t-il en venant me serrer la main.

— Oui, c'est bien aujourd'hui... enfin si j'arrive à me rendre à la base !

— C'est tout le quartier qui n'a plus de jus. Tu attends un taxi ?

Je secoue la tête avec un air navré.

— Non, je n'y ai pas pensé, j'ai appelé chez moi. Mais vu l'ampleur de la panne, je crois que j'ai bien fait ! Visiblement les taxis sont tous pris d'assaut.

— Oui je sais, j'ai une heure d'attente. Comment va ta mère ?

— Elle essaye de ne pas montrer son angoisse face à mon départ.