Jupiter One

~ Chapitre 3. ~

Eden

Si j'en crois le regard échangé entre eux, Jayce Jones et Leewan Archer se connaissent aussi. Je suis parfaitement au courant que la Fédération constitue les équipages en fonction de la compatibilité de caractère, mais aussi en fonction des affinités que chacun peut avoir avec les autres.

Et là je me demande ce que JJ vient faire dans l'équation. Il est aussi transparent qu'un mur de béton. Il a une telle maitrise de ses émotions qu'il m'est très difficile de savoir ce qu'il pense ou ressent. Blindage naturellement mis en place dû à un fait traumatisant de la guerre ? Occultation volontaire suite à un évènement trop douloureux ? Ou tout simplement aptitude naturelle ? Il sera donc la première personne avec laquelle je vais m'entretenir. Je dois être en mesure de cerner tous les membres de la passerelle, afin de leur venir en aide si cela s'avère nécessaire. Leur passé ne me regarde pas, sauf si cela peut affecter le présent.

Jayce et moi sommes tous deux lieutenants commander, c'est-à-dire les deux seules personnes avec le plus haut grade en dessous de celui de capitaine. J'ai besoin d'un moment pour pouvoir enfin étudier la liste du personnel embarqué, tant que nous sommes encore dans l'espace de la fédération. Je précise qu'avec nos avancées technologiques, elle s'étend pratiquement à toute notre galaxie. Je fais signe au commander que je m'éclipse, il acquiesce d'un simple hochement de tête.

Dès que je suis dans la coursive, j'examine la configuration du vaisseau. Les quartiers se trouvent juste en dessous, c'est-à-dire au niveau quatre, divisé en plusieurs secteur. Le plan m'indique que je suis au secteur trois, celui des officiers. En cas d'alerte, nous avons un ascenseur dédié qui nous conduit directement au poste de commandement.

Le niveau trois est réservé en intégralité pour un tiers à Clayton Harris, notre médecin, et le reste à Gabriella Collins notre biologiste scientifique agronome. Les niveaux deux et un sont dévolus à toute la mécanique du Jupiter One. Réacteurs, moteurs, système de survie, armement, et etc, le tout sous le commandement de cinq chefs ingénieurs et d'une multitude de robots mécaniciens. Et enfin au niveau zéro, se trouvent les nacelles de survie, les navettes d'explorations, toutes nos réserves, le pont d'envol, ainsi que le sas d'entrée du vaisseau.

En gros, si vous voulez jouer à cache-cache, vous êtes au bon endroit.

Ma cabine est judicieusement agencée et spacieuse. Elle n'a rien d'un hôtel cinq étoiles certes, mais je ne suis pas en voyage d'agrément non plus. Une fois que j'aurai déposé quelques effets personnels, elle sera moins spartiate et plus accueillante.

Je ne prends pas le temps de m'installer, je verrai ça plus tard. Je me plonge dans l'étude du personnel. Parcours scolaire, expérience dans le métier, vie de famille, et autres antécédents. Nous partons pour des mois, loin de notre Terre, sans aucune aide possible en cas de problème. Alors même si je suis tenue au secret professionnel, j'ai accès à certains détails.

Je mets deux dossiers à l'écart, celui d'Erin que je connais, et celui du capitaine. Je veux d'abord me concentrer sur les autres... sauf que je n'arrive pas à détacher mon regard de son nom, qu'il est responsable de nos vies, et que je dois avouer que j'ai hâte d'en savoir plus sur lui. Je ferme les yeux une seconde et le bleu des siens apparait instantanément. C'est là que j'ai un déclic, que le fameux détail de mon enfance refait surface. Je connais Leewan Archer ! Et même mieux que dans mes souvenirs. Enfin mieux est un bien grand mot.

Je clique sur son dossier sans plus attendre, et dès la première ligne j'ai la réponse. Voilà pourquoi son nom ne m'est pas inconnu, tout simplement parce qu'il était un copain d'Adam ! Oui, le petit blondinet boutonneux, portant des lunettes plus grandes que sa petite tête, avec une coupe de cheveux plus que discutable, et un atroce appareil dentaire... ce gamin timide et maladroit était toujours dans le sillage de mon frère. Je fixe la photo : il est carrément méconnaissable ! Mais la couleur de ses yeux est toujours la même, c'est ce qui a réveillé ma mémoire. L'effet pailleté n'est pas courant, leur éclat non plus. Je relis quand même pour confirmer. Même ville de naissance, même continent, même année, bref, tout concorde. Je fais une petite incursion dans mon passé.