~Chapitre 9~

68 9 0
                                    


Leewan

J'avoue que je me sens un peu vexé. Oui, je la comprends, mais bon, même si je ne connais pas la femme qu'est devenue Eden, je ne me souviens pas d'une gamine aussi glaciale. D'autant plus que je suis pratiquement certain que je suis loin de la laisser indifférente. À moins que la rougeur que prennent ses joues, lorsque je plonge dans son regard, ne soit dû à une timidité maladive ? J'en doute. Bien que je ne sois pas empathique, je sais décoder le langage corporel. Et le sien est plutôt expressif.

Mais je viens de prendre une décision, et je suis bien résolu à la tenir. J'attends sagement la réponse à mon idée de renommer notre ordinateur de bord. Je veux l'avis de tout l'équipage, pas seulement des personnes qui m'entourent. Seul Jayce a haussé un sourcil étonné. Les réactions se faisant attendre, j'ai posé mes arguments, puis proposé plusieurs noms. Lorsqu'enfin un nom s'est détaché des autres, je l'ai validé. Va pour Eurêka.

Eden n'a rien dit, elle s'est contentée d'émettre un petit soupir que je suis incapable d'interpréter, mais elle acquiesce rapidement. Je suis soudain dominé par mes émotions. Un mélange d'angoisse, d'excitation, de panique, mais qui n'a rien à voir avec la jeune femme assise à ma gauche. J'ouvre la bouche pour lui parler, lorsque je suis interrompu par Eurêka. Il annonce un groupe de planètes, et me voilà en transe, blindé d'espoir.

Pas l'espoir de découvrir si près de notre Terre ce que nous cherchons, non, l'espoir insensé de retrouver mon père. Je dois aller voir, il faut que j'aille voir. Les informations qu'annonce Willy, ne sont pas du tout engageantes, mais tant pis, je veux survoler la zone. Je donne des ordres, et c'est mon second que je désigne pour m'accompagner.

Oui, je sais, je devrais aussi emmener Eden, mais Jayce est plus à même de me comprendre. Il a l'air surpris de ma décision, mais me suit sans discuter.

Pendant que je dirige la navette vers la première planète, Willy nous informe de sa composition. Je soupire.

— Ce n'est pas ici que tu vas le trouver, m'affirme gentiment Jayce.

— Je sais, murmuré-je.

— Tu devrais peut-être en parler avec Eden ?

— Non.

Il me jette un regard en coin tant mon 'non' a été catégorique.

— Pourquoi ? C'est son job il me semble !

Comment puis-je lui expliquer pourquoi je préfère éviter le commander pour le moment ? En tant qu'ami, il comprendra c'est certain, mais en tant que cousin de Melody, comment va-t-il réagir ? Je m'empresse de répondre :

— C'est trop tôt.

Il secoue rapidement la tête en esquissant un sourire un peu narquois, comme si j'étais un pur idiot. Je n'y prête aucune attention, mon regard scrutant la surface de cet endroit hostile. Je vois le Jupiter apparaître à travers les nuages, et les informations que nous donne Willy ne sont pas géniales. À cette distance, les scanners du vaisseau sont infaillibles. Ils peuvent repérer une aiguille dans une meule de foin. Jayce pose une question, moi une autre, les réponses sont sans appel. Il est inutile de continuer l'exploration. Il n'y a rien dans ce système. Pas un humain n'a mis les pieds ici.

C'est avec un énorme sentiment de déception que j'annonce que nous rentrons.

La vue d'Eden qui attend n'est pas bon signe. Elle a l'air furax, et je crois en connaitre la raison. J'attends que Jayce s'éloigne un peu, mais visiblement, elle se moque qu'il puisse entendre. Elle me jette un regard noir en me demandant quel est le motif réel de notre mission. Je ne m'attendais pas du tout à une telle question. Je suis d'abord ahuri quand elle insiste, puis je baisse la tête. Mon second a raison, je dois parler avec notre psy. Lorsqu'elle prononce mon prénom avec douceur, je craque. Je lui livre ma peine, mes espoirs, mes doutes. Je vois ses yeux s'embuer, tandis que je ne retiens pas mes larmes. Nous sommes assis au pied de la navette, dans cet immense hangar silencieux, juste elle et moi. Je vois son regard se durcir, mais le ton de sa voix, doux et ferme à la fois, me réconforte.

Jupiter OneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant