10. Une rencontre, et une "pipe"

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GUSTAVE – CHAPITRE DIX

Depuis que la vieille grand-mère du sixième étage nous a aperçu en train d'échanger notre salive en bas de l'immeuble, elle me regarde très mal en me croisant. Son regard est menaçant et sous-entend un reproche muet. Je l'ai ignorée plusieurs fois avant d'apprendre qu'elle a laissé courir la rumeur que j'étais gay dans toute la résidence. Ce qui était faux.

Je ne suis pas gay. Oui, je sors avec un garçon. Mais est-ce que ça prouve réellement que je suis gay au point de ne plus apprécier les filles pour préférer seulement les garçons ? Entre deux révisions de ma spé maths, j'ai fait des recherches sur Internet pour être sûr de comprendre ce que je traversais. Depuis tout petit, les adultes de notre société nous poussent à aimer des personnes du sexe opposé. Je les comprends dans un sens, ils ont été formatés ainsi et en cherchant à nous formater également, ils nous socialisent et nous intègrent dans cette petite société humaine.

Je ne suis pas gay. J'y ai réfléchi longtemps avant de comprendre ça réellement. Pour me le rentrer dans le crâne j'ai dû me faire des remarques foireuses à l'égo. J'apprécie Thalès pour Thalès, pas parce que Thalès est un garçon. Et peut-être que si tout cette histoire foire, j'apprécierai une Olivia pour elle-même, pas parce qu'elle est une fille. Peut-être même que j'apprécierai un Lucie, pas forcément « une » ou une Colin, pas forcément « un ». Peut-être même que je dis que de la merde en amour, parce que j'en suis à ma première relation et que je ne sais absolument pas ce qui m'attend à l'avenir.

J'ai dû l'expliquer à ma mère quand elle a appris pour la rumeur. Je lui ai dit pour Barnabé Basquin, elle a digéré la nouvelle avec beaucoup de mal. Elle a été compréhensive, mon beau-père également mais c'est assez troublant pour mes parents 100% hétéros de savoir que leur gosse puisse sortir avec une autre personne du même sexe. C'est la société qui nous formate ainsi. Si je me pose des questions, pourquoi mes proches ne s'en poseraient pas également ?

- Donc tu aimes ce garçon ? Demande ma mère en remuant son café avec sa cuillère. La vieille n'avait donc pas tord Gustave ?

Qu'est-ce qu'on s'en fiche de savoir si la vieille a raison ou pas, qu'elle se mêle de ses affaires, Choucroute l'aurait aboyé dessus s'il vivait encore sur Terre.

- Nuance maman, tu dis ça comme si je savais tout sur l'amour.

Elle m'a souri.

- Alors c'est vraiment de l'amour ? Interroge-t-elle sur un ton taquin qui ressemble à celui que prend toujours Théo.

J'ai levé les yeux au ciel.

- On ne parle pas de degré de sentiments, c'est pas la même chose. Je ne veux pas entrer dans ce débat là. Je te demande juste ce que tu veux dire par « donc tu aimes ce garçon ? », qu'est-ce que tu sous-entends ?

Ma mère, Marie Morin, a haussé ses épaules. Son avis m'importait, même si tout le monde sait que je m'en fiche de tout. La discussion s'est interrompue là avec l'arrivée de Théo qui ne sait strictement rien sur cette histoire de « sortir avec Barnabé Basquin ». On est vendredi soir, ça fait cinq jours que je n'ai pas vu le gars qui me demande tant de réflexions sur moi-même et j'ai encore des devoirs pour le lendemain matin. Je suis rentré dans ma chambre après avoir expliqué une énième fois à ma mère que je n'étais pas gay. Je ne mens pas, sur le coup, je crois réellement en ça.

*

J'ai allumé mon téléphone sur le trajet pour aller en cours. Avec tous mes devoirs, je ne lui donne jamais de nouvelles. Lui, m'envoie des messages quotidiennement pour raconter sa vie, Val' par-ci, les gens de sa classe par-là. Je lis toujours les premières lignes de ses pavés en envoyant un simple « OK, super. » à chaque fois.

Le mauvais théorème de ThalèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant