15. Plus qu'une rencontre, ft. l'"invitation d'Agathe"

6.4K 1.1K 226
                                    



BARNABÉ – CHAPITRE QUINZE

Les gens ne me croiront pas forcément si je leur dis que j'ai grandi de quelques centimètres ces dernières semaines. Moi qui croyais avoir fini ma croissance, je me suis retrouvé avec quelques centimètres en plus, souriant, le teint rayonnant. Le syndrome du cœur brisé persistait, j'allais le chercher les samedis sans grand succès, je l'appelais pour atterrir sur un numéro bloqué, je toquais chez lui pour tomber face à face avec sa mère jamais d'humeur à m'ouvrir. Je restais coincé sur sa photo de profil sur Facebook, lisais ses tweets sur un autre compte en silence. Je devenais un stalkeur amoureux. C'était chiant. Après, il y a eu le parc, le moment où je lui ai dit des mots que je pensais sincèrement. Un « je t'aime » naturel et détonnant.

Puis il y a eu sa réponse.

« T'existes même pas merde. T'es Barnabé. Moi j'aime Thalès, alors casse-toi. »

À force d'analyser ses mots après un mois et demi à le répéter sans cesse, je me suis rendu compte que le fossé creusé entre nous s'était agrandi en l'espace de quelques semaines. C'est terrifiant de devoir froncer les sourcils face à sa remarque, de tomber nez à nez avec la personne qu'on aimerait voir depuis des mois sans succès. Il a fallu que Val' m'envoie un message pour m'indiquer qu'ils l'avaient croisé au parc alors que j'achetais un croissant pour mon goûter du samedi, des semaines plus tôt.

« T'existes même pas merde. »

Je ne comprends pas forcément ce qu'il a voulu dire par là. C'est aussi compliqué que clair au fond. Une négation, un « merde » comme ponctuation. Il me dit que je n'existe pas. Pythagore m'a dit ça paradoxalement, alors que j'étais en chair et en os devant lui. Il est juste con j'crois.

« T'es Barnabé. »

Bravo, il sait mon nom.

« Moi j'aime Thalès, alors casse-toi. »

Ce passage meurt toujours sur mes lèvres. J'essaye de le répéter, mais à quoi bon. Il me dit je t'aime. En réalité, il dit « je t'aime » à Thalès, ce qui est en soit, une partie intégrante de moi.

Alors j'ai l'espoir qui me pointe son nez, qui me dit « magne-toi Barnabé, c'est pas fini ! ». Mais ça ne marche plus comme ça, il a un regard détruit, un air effrayé et son regard me fuit. Il me déteste encore plus que l'autre nuit. C'est flippant et mal barré finalement.

- Avez-vous entendu la question ? Monsieur Basquin ? Monsieur Basquin !

La voix de ma professeure de philo' se heurte aux murs. La classe murmure des choses que j'ignore.

- MONSIEUR BASQUIN ! Hurle la vieille sorcière en tapant avec son poing ma pauvre table.

Elle a la main toute rouge, le menton relevé et l'air intrépide d'une jeune rebelle. Madame Lester fait flipper souvent, mais là, elle ne ressemble à rien. On ne sait pas si c'est la table qui se moque du coup ou si c'est la main qui souffre du martèlement.

- C'est intolérable de ne pas suivre le cours alors que le BAC est dans moins d'un mois. Nous sommes en mai monsieur Basquin. Voulez-vous faire honte à notre groupe scolaire en se retrouvant aux rattrapages ? Piaille-t-elle avec conviction.

Je souris bêtement.

- Vous savez madame Lester, faut arrêter de fumer autre chose que des clopes devant le bahut. Ça vous colle à l'haleine.

Son expression se tord en un air offusqué. Je ris intérieurement. Bouffonne.

- Dehors, tout de suite. Un ou une volontaire pour l'accompagner jusqu'au bureau du CPE ? Demande-t-elle les joues rouges.

Le mauvais théorème de ThalèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant