4. Pas de rencontre, juste une "drama queen"

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GUSTAVE – CHAPITRE QUATRE

Ma mère a laissé un mot sur le frigo comme quoi elle et mon beau-père vont se la couler douce pendant deux jours dans le sud sans nous. Ça ne m'arrange pas du tout. Mon frère, lui est aux anges, avec sa foutue idée de soirée en tête.

Le seul truc réconfortant est que ma mère a pris le soin de faire le stock de lasagnes surgelés pour nous. Le plus gros hic, c'est mon beau-père André qui se croit tout permis dans cette maison et qui a pris le dernier chargeur de téléphones des environs.

Comme d'habitude, j'allais me retrouver dehors et ça me foutait les boules. Non pas parce que je n'étais pas invité mais bien parce que j'allais encore devoir ranger le lendemain et perdre du temps dans mes projets. Réussir son bac blanc d'ici la fin des vacances avec des révisions dans le noir, ce n'est pas la meilleure des idées.

À 20 heures moins le quart, heure où les potes – cons – les plus proches de mon frère arrivent, je dois déguerpir en vitesse pour ne pas être vu. On a été dans le même lycée et depuis Théo n'assume tellement pas Gustave – aka moi – le misanthrope dans le bahut qu'il préfère dissimuler mon existence. Mon ego n'est même pas blessé, il est juste entièrement blasé de cette situation énervante qui me jette dehors.

-       Delphine vient ? Demandé-je sur le pas de la porte.

Mon frère est tombé dans une profonde réflexion.

-       Je vais essayer mais elle a rompu avec moi hier soir. C'est un bon coup ou pas de la reconquérir ?

Bien fait pour lui, de toute façon il ne mérite pas cette fille avec qui j'ai eu une profonde discussion sur les alloc' en France il y a à peine deux jours quand mon frère cramait des pâtes dans la cuisine.

-       Laisse tomber, elle est trop intelligente pour toi.

Je suis parti sur-le-champ sachant très bien que Théo-la-grosse-merde allait faire sa crise de diva outrée dans les secondes à venir. L'ascenseur a pris trois plombes à arriver et j'ai sorti mon paquet de clopes. Vide... fuck.

Je me suis calé sur la pelouse, les écouteurs entre les dents, la grosse nappe de pique-nique comme seul support du cul et j'ai lancé Netflix sur mon portable en espérant que ça ne bouffe pas toute ma 4G. Mon opérateur pourra faire autant de pub qu'il veut pour son réseau parfait ; dans cette résidence, personne ne te sortira un jour : « ici, la 4G elle roule tellement bien que j'ai arrêté la fibre ». Et une réflexion de merde, une !

Avant, mon chien m'accompagnait dans ce genre d'abandon à la nature urbaine. Il me reniflait les jambes et passait son temps à aboyer sur les gens que je n'aimais pas – tout le monde en gros – et c'était généralement super plaisant. Mais depuis qu'il est mort en douce une nuit, je plonge dans la solitude totale. Les amis au lycée ne m'ont jamais intéressé, toujours en train de parler d'une drama queen qui a fait ci, un con qui a fait ça. Et c'est exténuant à la longue alors je sèche, je fume et fais mon gars hors de la société. La réalité me rattrape vite : je reste Gustave Allain, le gars pas cool du bahut qui crache sur les chaussures des surveillants et qui fait son rebelle alors qu'au fond, il n'est qu'un « moins que rien ». Et ça, c'est ma prof de physique qui me l'a dit en me rendant mon seul 17 de l'année. Les gens sont cinglés par ici.

La nuit tombe et je m'ennuie sincèrement. Je vois les groupes de jeunes glousser en ratant le code. Je me nourris de leur bonheur pour alimenter ma rancœur. Crétins trop heureux, j'ai envie de revoir mon chien.

-       Toujours à méditer sur ton chien, vaillant connard ?

Je n'ai même pas besoin de lever la tête pour deviner d'où provient la réplique. Encore lui.

Le mauvais théorème de ThalèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant