Ce matin, lorsque Clarisse s'est réveillée, Loki n'était pas là. Sur le canapé, sa couverture était sagement pliée, comme par quelqu'un qui était parti tôt dans la matinée, peut-être même avant que le soleil ne se lève.
Comme il n'avait aucun compte à lui rendre, et que, surtout, Clarisse n'en voulait aucun - elle craignait toujours la police secrète des secrets qui doivent rester secrets - elle se leva en se disant simplement qu'il rentrerait quand il s'ennuierait.
C'était dimanche. Le soleil tapait fort sur les vitres de la cuisine. Ses rayons avaient réveillé Clarisse, en passant à travers les rideaux et en lui tombant directement sur les yeux.
Sans savoir pourquoi, Clarisse sentit que cette journée avait un goût différent. Spécial. Appréciable.
L'air était léger. Et en passant dans sa poitrine, il la faisait plus légère elle aussi. Avait-on enfin atteint le fond des puits de pétrole ? Les voitures ne circulaient-elles plus ? Le silence plein qui occupait la pièce allait presque dans ce sens. C'était comme un jour d'apocalypse. Mais pas celle des films, avec des zombies et des attaques bactériologiques, c'était la fin d'un monde oppressant d'exigences, clôt sur lui-même, sur le temps qu'il fallait toujours occuper, toujours remplir, pour ne pas perdre d'argent. C'était la fin du temps.
Clarisse regarda l'eau de son café s'évaporer dans l'air. Qu'est-ce que ces gouttes d'eau attendaient de la vie ? Et est-ce qu'elle était en droit d'en attendre plus, elle, Clarisse, sous le prétexte qu'elle arrivait simplement à savoir qu'elle pensait ?
Elle enfila une robe blanche qu'elle avait retrouvé au fond de son armoire. Elle était beaucoup trop légère pour cette époque de l'année mais Clarisse n'aurait bientôt plus froid. Sa taille était bien serrée jusqu'aux hanches, puis la robe s'évasait jusqu'à ses genoux. Elle tourna une fois sur elle-même, comme le font les petites filles. Et puis elle recommença.
Clarisse alluma Youtube et fit tourner la musique à son tour. Le morceau, choisit au hasard, fit balancer sa tête, puis ses épaules, son bassin reprit le dessus, elle se leva et cette fois-ci, ses pieds se décidèrent à entrer dans la partie.
Elle poussa les meubles pour faire de la place et comme une bulle, elle se mit à danser. Son corps, en harmonie avec les notes qui s'élevaient dans l'air, glissait sur la légèreté de son cœur. La robe tournait bien et son éclat blanc tranchait parfaitement sur l'écran noir de la télévision. Elle se voyait danser et elles étaient deux dans le petit appartement. C'était des milliers. Clarisse monta un peu le son. Sa poitrine battait au son des basses et ses chevilles suivaient le rythme de la voix claire qui dégageait la mélodie. Elle qui détestait les fêtes, les bals, la danse, elle trouvait ce matin-là une plénitude.
Sur la moquette, son corps, la musique et l'univers ne faisaient plus qu'un. Elle était l'air qu'elle respirait, les notes qu'elle entendait. Et l'univers prenait place dans ses propres poumons, en repoussait les limites. La musique est une force.
Clarisse l'ignorait.
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La colocation de Clarisse
FanfictionClarisse est une étudiante comme les autres. Quand elle est fatiguée, elle se repose, quand elle a faim, elle mange. Et quand elle en a le courage, elle discute avec son colocataire, même si, la plupart du temps, c'est lui qui commence à poser les...