La fin de l'histoire

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C'était un beau jour de mai. Sur les arbres, les bourgeons fleurissaient.

- Et c'est ce jour-là que j'ai appelé ma mère. Je lui ai parlé de mon désir de changer de voie et je lui ai fait le même récit qu'à vous, docteur. Elle a accepté que je m'inscrive en philosophie, mais à la condition que j'accepte de vous raconter toute mon histoire et de vous expliquer les raisons de mon changement d'orientation. Comme vous, ça s'est vu, rassurez-vous, elle a cru que j'étais tout simplement folle. Il fallait avoir un esprit malade pour s'imaginer parler avec un personnage de bandes dessinées. Je devais l'être, véritablement, puisque Loki n'est pas une personne.

- Et bien, qu'est-ce alors ? Comment se fait-il que vous l'ayez vu ? Ne croyez-vous pas, Clarisse, qu'il y a là le signe d'une maladie de votre psyché ?

- C'était, docteur, moi-même que je voyais se refléter devant moi. C'était moi-même qui se couchait tout près, mais jamais contre moi. C'était moi-même qui m'adressait ces reproches acerbes. Je n'étais plus moi-même parce qu'il me manquait quelque chose, qui pourtant se trouvait juste en face de moi, buvait mon café et, souvent, posait des questions auxquelles je n'aimais pas répondre. Vous, vous croyez que c'est Loki qui n'existe pas, alors qu'en réalité, c'était moi-même qui n'existait plus. Je lui ai dit je t'aime quand il est parti parce que c'était la seule chose que j'avais besoin d'entendre. Je devais l'entendre de moi-même, pour accepter de redevenir moi-même, mais avant qu'il n'arrive dans ma vie, je ne savais plus comment on faisait, pour aimer. Pour s'aimer. C'est étrange, non ? de se dire qu'il a fallu tout une fanfiction pour dire quelque chose d'aussi simple.

- Peut-être ferions-nous mieux de nous revoir la semaine prochaine.

- Docteur, libre à vous de croire que je suis folle, mais au point où nous en sommes, ce n'est plus qu'une question d'interprétation. Loki ne reviendra plus jamais dans ma vie, parce que maintenant je sais comment réagir, les jours où je n'en peux plus. Je sais qu'on peut crier, qu'on peut pleurer, pour tout faire partir. J'ai longtemps cru qu'il suffisait simplement d'être ce qu'on attendait de moi. Qu'il suffisait simplement de suivre la voie. J'ai écouté les avis qu'on donnait comme les meilleurs ; j'ai fait des sciences. J'ai suivi le mouvement, j'ai pris un copain. Mais tout ça, c'était du vent. Lorsque tout doit mourir, docteur, savez-vous ce qu'il reste ?

- Non, mais vous allez me le dire.

- L'amour.

J'ai cru pouvoir croire que j'étais celle qu'on attendait de moi que je sois. La vérité c'est que je suis seule et je le serai toujours. C'est pour ça qu'il faut aimer Loki. C'est pour ça que, dans ma psychè comme vous dites, il sera toujours roi. Il aura l'univers entier s'il le souhaite, parce que l'univers, c'est ce que je tiens.

C'est ce à quoi on tient.

FIN. –


La colocation de ClarisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant