Chapitre 8

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Je me vois partout. Dans le miroir d'en face, puis dans son reflet, puis dans le reflet du reflet. Je suis entourée de centaines de moi. Entourée de miroirs.

Je ne sais pas pourquoi je suis ici, seule, attachée à l'aide de plusieurs chaines à une chaise des plus inconfortables. Je fais face à mon reflet. Je m'observe. Je n'ai pas tellement changé. Certes, ma peau déjà pâle est devenue presque translucide, et mes cheveux châtains ont perdu de leur éclat, et j'ai peut-être un peu maigri, mais je reconnais totalement la personne aux grands yeux verts qui me fait face. C'est bien moi. Les plus grands changements ont été opérés intérieurement. J'ai encore du mal à imaginer que c'est moi qui ai enfreint l'une des Règles Premières, moi qui ai été envoyée en prison par une dizaine de M. moi qui suis qualifiée de personne dangereuse, et moi qui ai perdu le contrôle de mon corps. Oui, j'ai beaucoup changé, un à peine une semaine.

- Mademoiselle Launay.

Je ne bouge pas. Grâce aux miroirs recouvrant les murs de la pièce, je vois un homme, dans la petite quarantaine, s'approcher de moi.

- Pourquoi avez-vous fait ça ?

Je baisse les yeux, n'osant pas affronter son regard. Je sais que ce que j'ai fait est mal. Je le sais, car je n'ai jamais vu quelqu'un dans le même état que moi il y a quelques minutes.

- Je ne sais pas, fut la seule chose que je pu répondre.

Et c'était vrai. Je n'en savais rien.

- Regardez-moi. Ce que je vais vous dire est très important.

Je lève doucement le regard, prête à affronter son regard perçant.

- Vous êtes un cas rare. Rare, mais pas unique, reprend-il. Des gens qui ont eu la même réaction que vous tout à l'heure existent, et grâce à eux, - et nos précédentes opérations -, nous savons comment vous soigner de ça.

Je veux savoir ce qui se passe en moi. Je veux savoir pourquoi, je me sens tellement différente.

- Qu'est-ce qui m'arrive ?

-Eleanor... Ne vous sentez pas mal à cause de ça, vous en serez bientôt débarrassée. Jusqu'à maintenant, seul des cas de Blanc ou Vert ont été étudié. A notre connaissance, il n'y a aucune autre couleur qui puisse être atteinte par ce mal.

Je me commence à trembler. Qu'essaye-t'il de me dire par là ? Que je suis Blanche ou Verte ? Que je suis censée faire partie des couleurs les plus basses de notre Monde ? Il ne remarqua rien et continua posément :

- Nous avons appelé les meilleurs soigneurs de l'hôpital le plus proche pour vous. Ce mal dégénératif peut devenir très dangereux s'il n'est pas pris en main assez tôt. Vous avez beaucoup de chance.

Je ne sais pas s'il se moque de moi. J'ai beaucoup de chance, vraiment ? Dois-je lui rappeler tout ce qui s'est passé dans ma vie en moins d'une semaine ? Que je suis un danger pour notre Monde et que je resterais prisonnière ici jusqu'à la fin de mes jours ? Et pour couronner le tout, je viens d'apprendre que je suis touchée par une maladie rare dont les seules personnes étudiée sont Blanches ou Vertes ? Il se fou de moi.

- Je vais vous amener en salle d'examen. Suivez-moi.

Il se tourne et se dirige vers une énième porte donnant directement dans un long couloir illuminé par la lumière la moins naturelle du monde qui me brûle les yeux. Depuis mon arrivée ici j'ai traversé tant de salles et de couloirs, que je commence à me demander si ce bâtiment a une fin. Si je ne vais pas continuer à découvrir de nouvelles pièces dans vingt ans. Ce serais bien, n'empêche, il y aurait toujours quelque chose de nouveau. Peut être que je serais morte, dans vingt ans, qui sait. Mon voisin de cellule d'en face ne paraissait pas si vieux.

- Assied-toi ici.

Je m'exécute.

- Les soigneurs ne devraient pas tarder à arriver.

A peine eut-il finit de parler, qu'une horde de cinq personnes, vêtue de blanc uniquement, le bas du visage caché sous un masque en tissu entra.

- Alors c'est elle ? dit l'un des soigneurs en s'approchant de moi.

A cause de son masque, je ne peux voir que ses yeux, d'un bleu limpide. D'un bleu si profond, qu'on pourrait s'y perdre. Comme une mer déchainée. Il me fixe avec une telle intensité que je détourne le regard.

Déjà enfant je détestais les visites annuelles obligatoire à l'hôpital. Je détestais qu'un inconnu puisse me connaitre mieux que moi. Je détestais devoir tout dévoiler. J'avais l'impression d'être à nue. Heureusement pour moi, je ne suis presque jamais tombée, malade. Je peux remercier ma santé robuste, qui m'a évité ce calvaire.

Je vois les soigneurs qui s'étaient réuni dans leur coin revenir vers moi. Je manque de nouveau de croiser les deux pupilles océan, mais je tourne la tête avant que quelconque contact visuel puisse être établi. Je ne sais pas pourquoi je fuis ainsi, mais croiser ce regard si pur me met mal à l'aise.

- Eleanor. Afin de pouvoir procéder à vos examens, nous allons vous anesthésier, afin que vous ne puissiez ressentir aucune douleur. Vous serez automatiquement réveillée quand la procédure aura prit fin.

J'hoche la tête. A vrai dire, je m'en fou. Je veux juste être soignée.

EXISTEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant