Chapitre 20

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Lundi, 8h47, une nuit de sommeil incomplète et des questions plein la tête, je mangeais mon premier vrai petit-déjeuner depuis longtemps : du pain un peu trop dur, des fruits desséchés et un verre de lait, sur lequel je m'étais ruée (nous n'en avions pas tous les jours, c'était un bien de luxe. Je ne savais pas d'où il provenait, mais très probablement d'une ressource rare). 

Je n'étais pas arrivée depuis longtemps, mais j'avais déjà pu observer les premiers changements : j'avais repris un peu de poid, suffisamment pour perdre mes joues creusées, mais pas pour retrouver mon corps d'antant. De plus, j'avais enfin retrouvé un minimum d'hygiène de vie ; j'avais pu me brosser les cheveux, et, malgré la chute de nombre d'entre eux, j'avais retrouvé un semblant de ma chevelure passée.

La veille, après mon échange avec Come, et celui particulièrement surprenant avec le professeur de mes amis, je m'étais résolue à annoncer mon secret à Len et Becca. J'étais un peu stressée, mais j'essayais de garder les paroles de Come à l'esprit "ce sont les règles du Monde ça, pas les nôtres. Ici on se touche tous, qu'on soit rouge, bleu ou violet. Personne ne finit en prison pour ça". Et aussi étonnant que cela puisse paraître, ils n'avaient saisi aucune conclusion à la suite de mon entrevue de plusieurs minutes avec un rescapé des Limbes, et avaient donc été surpris par la nouvelle. 

" - Ah c'est pour ça que t'es aussi maigre hein ? J'arrive pas à croire que tu vienne des Limbes... C'est fou, avait réagis Becca en premier, sous le choc. Pour moi, Les Limbes c'était quelque chose de lointain, un lieu un peu irréel. Je ne sais pas comment tu as fait pour tenir.

Len m'avait gratifié, comme à son habitude d'un regard doux sous ses longs cils.

- C'est incroyable tout ce que tu as vécu. Je pense qu'on le voit dans la profondeur de ton regard, que t'en sais des choses."

J'étais restée muette après ses mots. C'était la première fois qu'on me disait ça, et ça me touchait bien plus que je ne l'aurais cru. Je ne pensais pas qu'il était possible de voir quoi que ce soit dans mon regard. J'avais l'impression qu'au contraire, il était vide et froid, et étonnamment, ses mots me réchauffaient le coeur.

8h59. Je déjeunais seule. Ma montre affichait toujours "REINITIALISER" en lettres majuscule, je comptais donc passer voir le Général ce matin. Je voulais participer à la Résistance, aux cours, et aux missions. J'étais prête. Mais l'étais-je aussi si ma mission concernait mon père ? J'avais essayé d'y réfléchir. Vraiment. Mais je n'y arrivais pas. Pour je ne savais quelle raison, aussi forte que soit ma volonté, je n'arrivais pas à penser à mon père. J'avais été profondément heurtée par les paroles du Général, mais ne serait-ce qu'imaginer de nouveau cette trahison, ou pire, un avenir proche où je pourrais infliger à mon géniteur la même chose, m'était impossible.

La seule et unique chose que dont laquelle j'étais sûre était celle-ci : je devais le recontacter. Peu importe que la Résistance n'appuie pas ma décision. Avant de faire un choix.

Je terminai rapidement mes fruits secs et me dirigeai d'un pas franc vers la sortie du réfectoire, où je fus rapidement stoppée par une chevelure châtaine, que je commençais à voir un peu trop souvent autour de moi.

- Tu n'es jamais avec les autres toi.

Je haussais les épaules. Je ne voulais pas lui parler. J'allais déjà devoir faire un effort pour préparer le cours sur les Limbes avec lui, et c'était largement suffisant.

Il reprit, un sourire carnassier au coin des lèvres :

- On se voit ce soir de toute façon. N'oublie pas !

Il devait se douter que je ne le supportais plus après sa félonie, sinon pour quelle raison insistait-il autant, si ce n'était pour m'agacer. Il devait prendre un malin plaisir à le faire. 

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⏰ Dernière mise à jour : May 30, 2020 ⏰

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